Chapitre 5.6

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Nous quittâmes l'université moins joyeuses que lorsque nous étions arrivées.

— Tu veux que je reste avec toi dans ta chambre cette nuit ? me proposa gentiment Victoria.

— Non Vic, ne t'inquiète pas, la rassurai-je. Si tu veux, tu peux repartir t'amuser après m'avoir déposée.

— À vrai dire, je n'en ai plus très envie, me confia-t-elle.

— Je suis désolée pour tout ça, je ne voulais pas te gâcher la soirée.

— Tu n'as rien gâché du tout, je me suis assez amusée pour aujourd'hui.

Elle baissa le son de la radio, le reste du trajet se fit en silence.

Arrivée à la villa des Mattew, je fus soulagée que la soirée soit déjà bien avancée. Au vu de la quiétude dans la maison, j'en déduisis que Charles et Lily devaient déjà dormir. Le sol en marbre de l'entrée me rafraîchit les pieds, ce qui me soulagea immédiatement. Je montai à l'étage avec Victoria, en m'arrêtant devant la porte de sa chambre, elle me serra affectueusement dans ses bras. Ce geste faillit me faire fondre en larmes, mais je réussis à me contrôler sans savoir comment.

— Bonne nuit Zoé, demain est un autre jour, essayait-elle de me réconforter comme je le faisais pour elle lorsqu'elle en avait besoin.

— Bonne nuit Vic, ma voix trembla malgré moi. Tu as raison.

Je me forçai à lui sourire et partis rejoindre ma chambre. Une fois à l'intérieur, je refermai doucement la porte. Cette pièce me sembla d'un coup beaucoup trop grande pour moi. Je n'allumai pas la lumière, l'obscurité fut mon seul réconfort. C'est alors que j'autorisai mes larmes à couler le long de mes joues. Debout, devant la baie vitrée, j'observai ce vaste océan, calme et paisible. Ma tête se posa contre la vitre, je fermai les yeux. Paris me manquait. Je ressentis à ce moment le besoin de me retrouver auprès de mon père et de ma grand-mère. Mon chagrin me fit regretter d'être partie aussi loin. Seigneur, j'aurais aimé ne l'avoir jamais rencontré.

Malheureusement, après tout ce que j'avais découvert récemment, il m'était désormais impossible de tout quitter. Les paroles de ma grand-mère me revinrent en mémoire : « Aime de tout ton cœur Zoé, aime jusqu'à ce que ça te fasse mal, alors, tu pourras dire que tu as été vivante ». C'était peu de le dire ! L'amour fait mal et il n'y avait aucun remède à ça.

J'éteignis mon téléphone qui vibrait toutes les deux secondes depuis que j'avais quitté la soirée. Je me doutai que les filles s'inquiétaient de mon état, mais je n'avais pas le courage de leur répondre maintenant, ça attendrait demain. Je me préparai à me coucher. Mes paupières lourdes de peine se fermèrent sans mal, je m'endormis comme une masse. Le sommeil me happa et je sombrai dans les abîmes du néant.

Où étais-je ? Tout était noir autour de moi et une sensation de froid m'enveloppait. L'écho de mes pas brisa ce silence religieux. Petit à petit, mes yeux s'habituèrent à l'obscurité. Un halo de lumière au loin semblait m'indiquer le chemin à suivre.

— Il y a quelqu'un ? appelai-je, terrifiée.

Ma voix résonna dans cet endroit qui m'était inconnu. Quand le silence revint, j'entendis soudain des chuchotements à peine audibles tout autour de moi. Mon premier réflexe fut de me retourner pour déterminer la provenance de ces chuchotis, mais je ne vis personne. Mon cœur battait à tout rompre, je me concentrai alors sur ce que ces voix si basses pouvaient bien raconter, mais je ne reconnus pas la langue.

— Qu'est-ce que vous me voulez ? hurlai-je en perdant mes moyens.

Ma respiration était suffocante, le manque d'oxygène me faisait tourner la tête. Un bruit lourd de pas, de chaînes et de métal me parvint jusqu'aux oreilles. Quelqu'un marchait en ma direction, mais je ne pus rien voir. Un souffle profond et rocailleux devint de plus en plus fort, signe infaillible que ce qui se tenait dans l'ombre se rapprochait de moi. J'essayai de transpercer l'obscurité avec mes yeux le plus loin possible afin d'apercevoir quelque chose, mais rien à faire. Puis le silence s'installa de nouveau. Seul le bruit de ce souffle m'indiqua que la chose se trouvait juste à côté de moi, plus précisément : derrière. Un cri d'effroi sortit de ma bouche, je me retournai aussitôt sans rien apercevoir. Ma seule certitude était que je n'étais pas seule, quelqu'un ou quelque chose était juste là, tout près de moi, tapi dans l'ombre.

— Comment trouves-tu les ténèbres Zoé ? chuchota une voix, à quelques centimètres de moi.

Mon sang se glaça. Le timbre de celle-ci était empreint d'un mal absolu, inhumain, impossible à décrire.

— Qui êtes-vous ? marmonnai-je avec une respiration saccadée.

Un ricanement démoniaque perça ce silence lourd. Je fus paralysée par la peur. Le diable lui-même aurait disparu sans demander son reste en entendant ceci.

— Je suis celui dont personne n'ose prononcer le nom, j'émane de lieux sombres afin d'enseigner la peur. On dit de moi que j'ai été engendré par les ténèbres et aujourd'hui, je viens me présenter à toi. Si tu savais depuis combien de temps je te cherche. J'étais si impatient de faire la connaissance de l'Émeraude. Tu sais, je fus aussi autrefois, un homme fait de chair et de sang, il y a déjà bien longtemps je te l'accorde. C'était une autre époque. Sache que quand on naît sans âme, notre soif de cruauté est insatiable.

— Que me voulez-vous ?

Ma tête bourdonna, j'eus si mal d'un seul coup.

— Je te l'ai déjà dit, je suis venu me présenter, voir la création de l'Éternel créateur. Sentir les esprits les plus purs t'habiter. Tu ne peux pas imaginer la curiosité que tu suscites jusque dans l'au-delà, toi l'immuable que rien ne corrompt. Tu es le talisman qui peut me faire repartir de là d'où je viens et fermer les portes du mal à jamais.

Son ton monta crescendo à mesure qu'il me parlait, il continua :

— Je te ferai brûler par un feu plus puissant que le feu de l'enfer. Cette Terre sera bientôt ma demeure, mon palais. Les démons et les anges déchus remplaceront l'humanité. Ce monde est peuplé par votre espèce que je considère comme faible et futile.

Des grognements de bête vinrent s'ajouter à ses paroles.

— Vous êtes le Maestro, réalisai-je en entendant les aboiements d'un animal à ses côtés, caché dans l'obscurité.

Le corps affaiblit, je me laissai tomber sur les genoux.

— Le commun des mortels m'appelle ainsi. Je suis à tous égards un chef d'orchestre remarquable, je ne le nie pas.

— Le monde tourne toujours et il continuera à le faire. Vous n'avez pas réussi la première fois et cette fois-ci ne sera pas non plus la bonne. Les âmes égarées perceront le brouillard dans lequel elles se seront perdues. Je crois en l'être humain et au bien. Si ça doit être moi qui dois vous brûler dans votre propre feu alors je m'attellerai à cette tâche sans même reculer. Je donnerai jusqu'à ma vie pour sauver l'humanité ou ce qu'il en reste.

La bête qui l'accompagnait se mit à hurler et à se déchaîner dans le noir. Les pas de ce démon résonnèrent de nouveau, sa silhouette se dessina peu à peu dans la vague clarté qui m'entourait. Il se rapprocha jusqu'à ce que j'arrive à le distinguer complètement. Toujours à genoux, la tête au bord de l'implosion, je tombai littéralement à la renverse quand lui et son chien des ténèbres m'apparurent enfin. 

Dark Faïz : Tout héros a sa légende [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant