Chapitre 9.1

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La canicule de ces cinq derniers jours était insupportable. Malgré la climatisation dans la maison, la chaleur s'était incrustée dans les murs, rendant impossible le rafraîchissement complet des pièces. Il était seulement quatre heures du matin et mon front suintait au moindre effort que j'exécutais. Je remplissais mon sac avec peine, ne sachant pas vraiment quoi y mettre. À New York, en janvier, je devais m'attendre à une température beaucoup plus polaire que caniculaire. Cependant, un peu de frais ne me ferait pas de mal, étant donné que si on m'avait mise dans un four à ce moment précis, je n'y aurais vu aucune différence. On ne pouvait pratiquement pas mettre les pieds dans les rues de Los Angeles, tellement l'air était lourd et étouffant.

Je partis dans la salle de bain pour y prendre mes dernières affaires de toilette puis je coiffai mes cheveux avec deux grosses tresses collées, une de chaque côté de ma tête, voulant être quasiment sûre d'être tranquille sur le point capillaire pendant tout mon voyage. C'est alors que j'entendis vibrer mon téléphone qui était posé sur mon lit, je m'y précipitai aussitôt. Faïz. Mon cœur s'emballa.

« Je suis devant la villa. »

« J'arrive »

Je jetai mes affaires de toilette dans mon sac et me dépêchai de le refermer. Le couloir était plongé dans le noir, mon portable éclaira mon chemin jusqu'à ce que je sois arrivée en bas. J'allumai le séjour pour y jeter un dernier coup d'œil afin de ne rien oublier d'important. Je chaussai ensuite ma paire de Stan Smith et ouvris la porte de la villa. Lorsque Faïz me vit apparaître, il sortit de sa McLaren, habillé d'un polo et d'un pantalon taille basse en toile marron et se précipita pour venir m'aider à porter mon sac dans le coffre bien que celui-ci ne pesait finalement pas très lourd. Nous partions seulement pour trois jours et vue la personnalité du personnage avec lequel je me trouvais, je ne pensais pas courir les soirées fiesta. Je m'installai dans la voiture en nage, la climatisation me réanima immédiatement, l'air frais me redonna l'envie de vivre.

— Tu peux te reposer un peu si tu veux, il y a près de trente minutes de trajet avant que l'on arrive à l'aéroport, m'informa Faïz.

Sa voix était basse et bienveillante à mon égard.

— Ça va aller, je me suis bien reposée, mentis-je.

Ça faisait plus d'une semaine que je ne tenais plus en place, pour deux raisons : la première venait du fait que j'étais surexcitée à l'idée d'écrire mon premier article pour le magazine. La seconde, beaucoup plus risible, était de partager ce moment rien qu'avec lui. Je me rappelai encore le coup de fil très matinal que David m'avait passé à mon travail, presque une semaine auparavant alors qu'il se trouvait dans les couloirs de l'université.

— Zoé, tu ne vas jamais me croire. Surtout, ne va pas te faire mal en sautant partout. Pas d'entorse ni de voix cassée demain. Pas de...

— Bordel, accouche David ! Je suis littéralement en train de me liquéfier sur place et je te signale que je dois garder mon énergie pour essayer de rester en vie, là, maintenant !

— Rachelle et Faïz c'est fini, lâcha-t-il surexcité de but en blanc.

Le combiné du téléphone, placé à quelques centimètres de mon oreille pour éviter qu'il ne me colle à la peau, vint s'écraser sur ma tempe.

— Arrête de te foutre de moi... David, dis-moi tout... quand ? Où ? Comment et à quelle heure ? chuchotai-je soudain intéressée.

— Je te raconterai tout ça à midi, au Teagan, à tout à l'heure.

— Non, non, non ! Ne raccroche pas ! le suppliai-je. Il est à peine neuf heures, je ne pourrais pas attendre.

David me raccrocha au nez sans rien ajouter. Je devinai qu'il devait être très fier de son petit effet. La matinée la plus longue de ma vie venait de débuter.

Un très beau morceau de Norah Jones me ramena vite à l'instant présent. La mélodie douce qui accompagnait sa magnifique voix me transporta littéralement. La nuit encore présente donnait l'illusion d'un calme paisible sur la ville. À cette heure-ci, nous ne croisions que très peu de monde sur la route. Faïz en profita pour rouler un peu trop vite.

— Je ne t'ai pas beaucoup vu ces derniers jours, lui adressai-je hésitante.

— J'ai mes examens qui arrivent bientôt et un millier de choses à régler en dehors de ça.

Je savais bien sûr de quoi il s'agissait.

— Je suis désolée pour toi et Rachelle, lui confiai-je à mi-voix.

— Tu en es sûre ? me fixa alors Faïz droit dans les yeux avec sévérité.

— Oui, cette fois je le suis, répondis-je entièrement sincère.

Il se concentra de nouveau sur la route, sans un mot. À quoi pouvait-il bien penser ? J'aurais voulu lui demander ce qui s'était passé entre eux, mais je jugeai que ce n'était ni l'endroit ni le moment pour en parler. Après un petit moment de silence, il reprit :

— Nous arriverons à New York sur les coups de seize heures, heure locale. Nous nous rendrons directement à Trac-Word afin de te présenter au PDG actuel. Tu pourras ainsi commencer tes investigations dès le lendemain.

— Tu resteras avec moi ?

— Oui, je serai avec toi. Par contre, demain, j'ai énormément de choses à faire. Tu seras entourée par une très bonne équipe, ne t'inquiète pas, j'ai tout prévu.

Je lui adressai un sourire en guise de remerciement. Je devinai qu'il avait dû pas mal se démener afin d'établir un emploi du temps sur mesure pour me recevoir dans les meilleures conditions ainsi que de mobiliser du personnel qui saurait me guider dans les locaux de cette multinationale.

— As-tu hâte de reprendre les rênes du royaume ? lui demandai-je.

— Je suis formaté depuis que je suis tout petit pour un jour remplir ce rôle, c'est juste une formalité de plus pour moi.

— Je comprends trop bien ce que tu veux dire, soupirai-je en regardant la route.

— Comment ça ? Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Remplir son rôle. Pour moi c'est pareil. Tout ce que je croyais être vrai ne l'était pas. Il n'y a aucun hasard dans ma vie, je suis là où l'on m'attend depuis dix-huit ans.

Faïz parut désorienté face à mes propos.

— Je... je ne savais pas Zoé que c'est comme ça que tu le ressentais. Tu as quand même ton libre arbitre.

L'anxiété palpable dans sa voix le rendait presque fragile. Il me scruta tout en gardant un œil sur la route.

— Il n'y a pas de libre arbitre à ce niveau-là, continuai-je morose, ma mère me répétait souvent que j'étais son miracle. Ce mot si anodin pour moi à l'époque, prend aujourd'hui tout son sens. Toi et moi, nous ne sommes pas du même monde. Je suis créée à l'image d'un être céleste. Moi, qui ai perdu le peu de foi que j'avais, il y a déjà plusieurs années. N'est-ce pas le comble de la situation ?

— Tout ceci est réel Zoé. Ce n'est pas une question de foi, d'ethnie ou de religion. C'est plus que ça. Tu es le talisman lui-même, un diamant de candeur. Ton âme renferme toute la bonté du monde existante ici-bas, sur notre Terre. Tu représentes la vie, bénie des mortels, mais aussi des Dieux. Tu as ce pouvoir de détruire le mal et de sauver l'humanité.

— Et si la beauté de ce monde ne suffit pas ?

— Il te faut y croire, toujours. Même s'il y a beaucoup de choses moches autour de nous. Je sais que le Maestro veut t'atteindre afin de détruire tout ce qui est bon en toi et il essayera de toutes les manières possibles. Promets-moi s'il te plaît de rester toujours la même.

— Pourtant, une part de moi éprouve tellement de colère, une part sombre. J'aime la paix, mais la violence prend souvent le dessus quand la révolte en moi est trop grande.

Ma remarque le fit réfléchir un instant.

— Oui, c'est normal. Tu es humaine, mais ce n'est rien comparé au bien que tu es destinée à faire.

Il me caressa d'un regard protecteur.





Dark Faïz : Tout héros a sa légende [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant