Chapitre 5.7

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Cette bête corpulente d'une vision abjecte, moitié chien, moitié démon, me fit pratiquement m'évanouir. Ses yeux rouges reflétaient la cruauté d'une barbarie sans nom. Les crocs acérés de ce molosse auraient pu me dévorer en seulement quelques secondes si celui-ci n'était pas retenu par ces deux grosses chaînes qui semblaient peser des tonnes. Je rampai de toutes mes forces à l'opposé de ce monstre pour lui échapper, mais en vain, la douleur que je ressentais dans le crâne m'empêchait de me déplacer aussi vite que je l'aurais voulu.

C'est alors que j'entendis le Maestro se rapprocher de moi. Je me retournai inopinément pour lui faire face. La première chose que j'aperçus fut ses grosses bottes imposantes, le cuir grinçait à chacun de ses pas. C'est là qu'il sortit de l'obscurité à son tour. Toujours à terre, mes mains se posèrent sur mes lèvres pour cacher tout le dégoût que j'éprouvai en découvrant ce monstre. Le Maestro se dévoila à moi.

Sa peau était d'une couleur repoussante. Ses traits, grossis par le mal et ses rides profondes le défiguraient atrocement. Ses narines retroussées me rappelaient le museau d'un animal. Ses yeux rouges et jaunes injectés de sang reflétaient à eux seuls les rives du Styx. Sa morphologie hors normes rajoutait un aspect encore plus terrifiant. Il n'y avait rien d'humain en lui, uniquement de l'horreur. C'est alors qu'il m'adressa un sourire démoniaque qui me paralysa instinctivement. Le Maestro grogna de toutes ses forces, victorieux, se délectant de me voir ainsi, découragée et fragile. Il leva sa tête pour regarder le néant d'en haut.

— C'est donc ça ? L'élue la plus céleste, que tu as envoyée pour racheter l'humanité ? se mit-il à appeler de toutes ses forces. Rien d'autre qu'une simple mortelle ?!

Je me réveillai en sueur, tétanisée par mon cauchemar et par le rire infernal de ce démon qui résonnait encore dans ma tête.

L'eau fraîche sur mon visage me fit un bien fou, mon mal de tête se calma peu à peu. Tout ceci m'avait semblé si réel, j'aurais presque pu le toucher tellement sa présence m'avait parue proche. Il était trois heures du matin, la villa était toujours plongée dans le calme. J'éteignis la lumière de la salle de bain et partis me recoucher. Un courant d'air me frôla au moment où je parcourus la pièce éclairée par le clair de lune, je constatai qu'une des fenêtres était entrouverte. Je pouvais jurer que celles-ci étaient bel et bien closes lorsque j'étais rentrée dans ma chambre, certaine que je ne l'avais pas ouverte.

Je me hâtai d'un pas rapide dans l'attention de la refermer quand soudain, un bruit dans le dressing me fit sursauter et attira mon attention. Devais-je crier maintenant ? Je sortais à peine d'un cauchemar, je n'avais nullement envie d'en revivre un autre.

C'est alors que dans l'entrée de mon espace de rangement, j'aperçus une forme. Quelqu'un paraissait m'épier. Je voulus me précipiter en dehors de ma chambre, mais mon cerveau n'arriva pas à m'en donner l'ordre. Une silhouette svelte s'avança, je ne parvins pas à dire si elle marchait ou si elle volait. Celle-ci finit par s'asseoir sur le bord de mon lit. Sous le choc, je ne pus toujours pas réagir à ce que j'étais en train de vivre à cet instant, je devais sûrement encore rêver. Avec surprise, je découvris une jeune femme blonde et frêle, sa peau cristalline arborait des traits doux. Ses yeux creusés, cernés, de couleur bleu turquoise, étaient vides, figés et sans expression. Assise, habillée d'une simple robe blanche aux coutures dorées, les mains jointes sur ses genoux, elle semblait fixer l'océan au loin, complètement absorbée dans ses pensées. Me voyait-elle ?

— Qui êtes-vous ? articulai-je d'un ton calme, essayant de garder mon sang froid.

Elle ne prit pas la peine de tourner sa tête vers moi lorsqu'elle se décida à me répondre :

— Il fait si froid désormais, se confia-t-elle d'une voix fluette presque inaudible.

Mais bordel, elle ne veut pas que je lui apporte une couverture et un café pendant qu'elle y est ! Je perdis mes moyens devant cette situation utopique. Hallucinai-je ? Quand finirait tout ceci ? Je ne sus plus quoi penser ni quoi faire.

— D'où venez-vous ? insistai-je.

Elle baissa sa tête, une tristesse profonde se lisait sur son visage.

— Nous sommes perdus, soupira-t-elle en guise de réponse. À l'époque, nous régnions au milieu d'un monde fait d'espoir et où notre mission était au service des hommes et des femmes sur cette Terre.

Elle marqua une pause, comme si elle cherchait au fond de sa mémoire, tandis que je me tenais toujours debout, devant elle, les bras croisés avec un sentiment de mal-être. Puis, au bout de quelques secondes interminables, elle reprit :

— Aujourd'hui, nous sommes piégés ici. Il nous est impossible de retourner dans le royaume des cieux. La plupart des humains ont oublié les mythes et les légendes d'autrefois ainsi que les rituels pour se protéger de tout mal existant. Par contre, ils croient encore aux démons, aux esprits démoniaques. Ils ne se rendent pas compte qu'ils les nourrissent en agissant de la sorte. Peu de gens se rappellent que nous existions avant même les ténèbres, mais nous nous mourrons en l'absence de foi.

Elle regarda de nouveau au loin. Je ne comprenais pas ce qu'elle m'expliquait.

— Comment vous appelez-vous ? demandai-je.

— Ça dépend du pays où l'on se trouve, Nymphe, Befana ou encore Viviane. Chez toi, en France, je suis appelée la Dame Blanche.

Le duvet de mes bras se releva. Étais-je en train de parler avec une fée déchue ? Une Banshee. Un frisson me parcourut le corps. Si c'était le cas, celle qui était assise devant moi était venue m'annoncer la mort. Les pièces du puzzle commencèrent à s'emboîter. Tout était réel, si cette Banshee se trouvait là alors que j'étais éveillée c'est que le Maestro était bel et bien rentré en contact avec moi. Je l'avais vu !

— Suis-je en danger ? m'empressai-je de lui demander, alarmée.

— Pas maintenant, pas ici, mais oui Zoé, tu es en grand danger comme...

Elle se tue, hésitante à poursuivre. Soudain, son regard accablé de chagrin se plongea dans le mien.

— Comme vous tous, finit-elle par prononcer avec difficulté.

Sa respiration, calme depuis le début, commença à s'accélérer, elle fut prise à ce moment d'un malaise, mais voulut terminer sa phrase.

— N'ai confiance qu'en toi. Le monde est en train de changer, nous étions si fortes, nous étions...

La Banshee suffoqua, je ne sus pas quoi faire. Sentant que la situation m'échappait, j'insistai auprès d'elle pour récolter le plus d'informations qui seraient susceptibles de nous aider dans cette guerre contre le mal.


Dark Faïz : Tout héros a sa légende [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant