Le Solstice d'été (HB 2)

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Fin janvier 2018

Lula

Une cavalcade dans les escaliers.

 Je levai les yeux de mon fichier Excel. Dani descendait les marches qui liaient l'appartement de Fábio et l'open-space de l'association. Je l'observai se pencher sur son bureau pour signer un reçu, ses cheveux noirs bouclés ramenés sur une épaule, la moue pensive. J'étais ébloui par sa beauté, mais je n'en montrai rien. J'avais très vite compris que ce n'était pas le genre de femme à s'abreuver de compliments.

« Voilà enfin ma future épouse ! » lui lançai-je, taquin.

Elle me jeta un sale regard. C'était uniquement pour le plaisir de croiser ses remarquables yeux sombres des miens que j'avais dit ça.

Je la demandais en mariage tous les deux jours, pratiquement. Jusqu'ici, dans le meilleur des cas, j'avais reçu un « non » cassant, mais ne m'avouais pas vaincu pour si peu.

« Je vais chercher les gamins à la favela, à plus tard » lança Dani à la cantonade.

Elle passa en coup de vent près de mon bureau, y ramassant les clefs de la camionnette de Guiomar.

Son parfum me parvint faiblement. Une senteur acidulée bien agréable.

« A plus » dit Paol sans lever les yeux de l'écran de son ordinateur.

J'attendis que Dani soit descendue au rez-de-chaussée pour m'adresser à Paolina.

« Qu'est-ce qu'elle a, Dani ? lui demandai-je alors qu'on l'entendait démarrer la voiture, dans la rue.

─ Comment ça ?

─ Elle ne mange presque rien. Elle refuse souvent de sortir avec nous, le soir, énumérai-je. Et quand elle vient, elle ne s'amuse pas. Elle reste juste à boire et à discuter. Je l'ai invitée à danser cent fois, cent fois elle m'a dit non. Elle est vraiment comme ça ? Réservée et discrète ? J'ai encore du mal à la cerner. Il faut dire qu'elle évite de se retrouver seule avec moi, j'ai l'impression.

─ Haha ! s'esclaffa Paol, amusée. Quoi, Dani ? Réservée et discrète ? Non, pas du tout. C'est tout le contraire, d'habitude. Elle adore danser, et puis elle a une grande gueule, encore plus que moi. Ça passera. C'est pas ça, meu Lula. C'est pas contre toi. En fait, Dani a un chagrin d'amour...

─ Ah bon ?! »

Je comprenais mieux. Intéressant.

« Elle était avec un Français, c'est ça ? » m'enquis-je, curieux.

Paolina passa la main dans ses longs cheveux ondulés et me sourit.

« D'après ce que j'ai compris, oui. Un garçon plus jeune qu'elle.

─ Vraiment ? De combien plus jeune ?

─ Je ne sais pas. Trois ou quatre ans, à mon avis. Et sans vouloir te décourager, je pense qu'elle est encore très amoureuse de lui.

─ Ah » fis-je.

Le trait de jalousie qui m'érafla ne me laissa pas sans savoir que je m'étais un peu attaché à la jeune patronne, apparemment.

« Elle te plaît, Dani, pas vrai ? me demanda Paol, l'air de rien. Tu la veux ? »

Je m'étirai le plus loin possible sur mon siège. Si je la voulais ? Comment ne pas vouloir un aussi joli fruit, lorsqu'on avait si faim ?

« Eh bien, elle est belle, convins-je. Un visage angélique.

─ C'est loin d'être un ange, crois-moi. Et puis... ce ne sont pas les belles filles qui manquent ici, non... ?

─ Elle est mystérieuse, aussi. Elle m'intrigue.

─ Ouais, bah c'est sûr que là, si tu sors les grands mots... tu parais ferré c'est sûr. Bon courage à toi, en tout cas. Dani n'est pas du genre à mélanger amourettes et travail...

─ Ça se voit, en effet.

─ Et tu sais, elle m'a pas dit grand chose sur le français, mais je te le répète : j'ai cru comprendre qu'il était encore bien dans ses pensées. Je pense que c'est le grand amour de sa vie. Après tout, Rubén est mort... et elle a aimé ce type après lui. Ce sera difficile de le faire tomber de son piédestal, à mon avis. »

Rien de ce que me disait Paol ne me paraissait insurmontable ou inquiétant. Je passais une bonne partie de la journée à draguer Dani à Guiomar, et je sentais qu'elle n'y était pas si indifférente, dans le fond, tant que je ne dépassais pas les bornes.

Autrement dit : elle m'aimait bien.

Quant à l'ex, pas de problème de ce côté-là non plus. J'étais auprès d'elle et lui non ; j'avais tout mon temps, et, du reste, j'adorais relever les défis.