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Daniela


Je rajustai soigneusement la guirlande autour du tronc et l'arrangeai sur la branche, puis je regardai vers Alessio, vers le sol. Sans un mot, il tendit les bras vers moi. Je glissai contre l'écorce rugueuse, jusqu'au bord de la branche.

Alessio m'attrapa fermement par la taille pour m'aider à descendre de l'arbre. J'atterris sur le sol avec un bruit mat.

─ Heu... Ca t'a pas fait mal au bras ? demandai-je, le cœur battant parce qu'il était plus que proche.

─ Dani, tu ne pèses pas bien lourd, hein.

Il ne m'avait pas lâchée ; ses mains étaient encore sur ma taille, je sentais leur chaleur sous le tissu de ma robe. Ma paume bougea toute seule pour aller se glisser dans ses cheveux. Le souffle court, j'ancrai mon regard au sien.

« Dani, recule » pensai-je.

Impossible. Mes jambes ne répondaient plus.

─ Hm..., commença Alessio en se mordillant la lèvre. J'ai vu ton tatouage.

Quoi ?! Il n'était pas censé voir ça. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine ; je sentis mon visage prendre feu.

Alessio tendit les deux mains pour caler tendrement des mèches de mes cheveux derrière mes oreilles.

─ Ca date de quand... ?

─ Avril, soufflai-je d'une voix étranglée alors qu'il caressait la ligne de ma mâchoire.

─ Daniela, ma Daniela..., ronronna Alessio, l'air d'être aux anges.

Visiblement, c'était Noël pour lui. Il avait susurré mon prénom d'une voix si tendre que je me sentis fondre à mon tour. Sa rage de tout à l'heure semblait s'être apaisée. Ma colère partait à vau-l'eau aussi. Mon humeur était comme un écho de la sienne, comme si on était sur la même fréquence.

Lorsqu'Alessio me prit dans ses bras, la nostalgie d'être tout contre lui me submergea, et je ne pus m'empêcher de fermer les yeux.

Il parsema une tendre pluie de petits baisers sur mon visage.

─ Tu m'as... (il m'embrassa sur le front) tellement... (il m'embrassa sur le nez) manqué...

Il m'embrassa sur le menton, puis juste au coin des lèvres. Je frémis, entrouvris légèrement la bouche. Je levai le nez vers lui pour le regarder dans les yeux. Le désir intense que je lus dans les siens affola mon pouls.

─ Qu... qu'est-ce que tu fais, Alessio ? bégayai-je.

L'attente me mettait au supplice ; je savais ce qui allait se passer ensuite, et sentais les picotements d'anticipation filer sous ma peau. Je n'étais pas sûre de pouvoir leur résister. Je me sentais démunie, tellement démunie. Sans répondre, Alessio redessina lentement le contour de mes lèvres avec son doigt. Celui-ci tremblait un peu. Je vis sa pomme d'Adam descendre puis remonter lorsqu'il déglutit, ses yeux si bleus rivés sur mon visage.

─ Putain cet effet que tu me fais... si tu savais..., bafouilla-t-il.

Cette déclaration sublime et maladroite acheva de m'achever. Alors que la bouche d'Alessio était à deux centimètres de la mienne et que son souffle se fracassait sur mes lèvres... mon téléphone se mit à sonner.

Je sursautai, retrouvant aussitôt une partie de mes esprits.

Alessio soupira bruyamment, l'air excédé d'avoir été interrompu. Je le vis fusiller mon portable du regard.

─ Mais c'est pas vrai ! s'exclama-t-il, outré.

─ C'est mon père, dis-je avec un soulagement non dissimulé en fixant l'écran.

Alessio hocha la tête. Son regard était toujours rivé sur mes lèvres. Il le remonta lentement jusqu'à rencontrer mes yeux, puis, sans un mot, il me tourna le dos et s'éloigna de quelques pas. Il avait l'air vraiment renfrogné. J'eus l'impression qu'il s'en voulait à lui-même pour la tournure des évènements.

Je décrochai tout en le suivant du regard. J'avais envie de lui emboîter le pas, mais je me retins.

─ Allo, Papa ? dis-je.

─ Dani, ma fille ! Je suis là, près de la buvette. Où es-tu ?

─ Oh, j'arrive, Papa. Je suis avec Alessio, on vient de réparer un truc.

─ Ah. Ca va mieux, vous deux ? Je vous ai laissés suffisamment seuls, non ? C'est réglé, vos soucis, là ? J'ai pensé que si vous étiez seuls dans la voiture...

─ Papa ! protestai-je. (Je jetai un œil à Alessio pour voir s'il avait entendu. Apparemment pas). T'exagères. Bon, à tout de suite.

Je rejoignis Alessio, un peu gênée.

─ Hé. On y va ? lui dis-je en effleurant son bras.

Mais il secoua la tête. Il avait l'air sombre. Ses yeux eux-mêmes paraissaient plus foncés que d'habitude.

─ Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je, incertaine. Viens, Papa nous attend.

Alessio passa la main dans ses cheveux en se mordillant l'intérieur de la joue. Il évitait mon regard, apparemment en proie à un débat entre lui-même et lui-même.

─ Je voulais te dire... t'as raison, en fait, bien sûr. Je me comporte comme un con avec toi, alors que c'est vrai, c'est fini. Désolé d'avoir plaisanté avec ça. Je voulais pas non plus mettre le désordre à ton concert. Chuis désolé.

Son « c'est fini » me fit mal, alors que ce n'était qu'un état de faits, effectivement.

─ Bon, alors, je vais te laisser bosser tranquille et profiter du concert, moi aussi. A plus tard, dit Alessio, le ton indéchiffrable.

Il me dépassa et s'éloigna vers l'estrade.

Je pris lentement la direction de la buvette.

Je devais me sentir soulagée qu'il ait compris, mais en fait... même pas.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant