Le Solstice d'été (HB 2)

15

Chloé

« Bien... bien... inspire fort... encore... »

J'étais assise sur le lit médical, les jambes pendant dans le vide. Le docteur André Guinguant était penché sur moi, si près que l'odeur de son shampooing antipelliculaire me parvenait nettement.

Je regardai l'heure sur l'horloge fixée au mur. Allez ! C'était bientôt terminé.

Il apposa son stéthoscope un peu vers la droite. Il venait de me faire courir trois minutes sur un tapis de course. Seulement trois minutes, mais j'étais complètement essoufflée, bien entendu. Mon cœur battait la chamade, j'avais chaud. Une goutte de sueur glissa dans ma nuque. J'avais relevé mes cheveux en palmier et rêvais d'une bonne douche brûlante.

« Très bien, Chloé. Tu peux te rhabiller » me lança le docteur Guinguant, la mine impénétrable.

Enfin ! Je rajustai mon soutien-gorge et reboutonnai mon chemisier à la hâte.

« Alors, Docteur, je peux aller au ski, s'il vous plaît ? J'ai déjà payé, de toute façon. Vous vous sentiriez mal de me dire non, n'est-ce pas ?

─ Hmm... Dis-moi déjà quelle est ton alimentation, en ce moment ?

─ Toujours pareil, répondis-je impatiemment. Tout ce que vous adorez me préconiser. Céréales complètes, fruits et légumes à tous les repas, du poisson et un peu de viande blanche... j'ai commencé le quinoa, aussi. C'est pas mal.

─ Pas du tout de viande rouge, n'est-ce pas ?

─ Non.

─ De l'alcool ? »

J'hésitai un instant, me remémorant le dîner que Mère avait tenu la semaine dernière.

« Rarement, dis-je ensuite. Vous connaissez ma mère et ses dîners sans fin. Difficile d'échapper à quelques verres de vin.

─ Pas de petit ami ? »

Je me sentis rougir en l'observant qui remplissait mon ordonnance.

« Non, enfin, vous savez bien que non. Quel lien avec le ski ?

─ Le lien, c'est que tu dois penser à te protéger. Je sais que les vacances apportent leur lot d'amourettes et de nuits sans lendemain. Une grossesse n'est pas vraiment anodine dans ton cas.

─ Je le sais bien, vous me l'avez dit cent mille fois depuis que j'ai eu mes premières règles. Franchement, Docteur !

─ Oui, mais à ton âge... les rappels ne sont pas de trop. »

Il disait ça comme si je changeais de copain toutes les semaines... alors que je n'avais jamais vraiment eu de petit copain, justement.

« Dis-moi quand je dois te prescrire la pilule, insista encore Guinguant en signant l'ordonnance.

─ Il n'y a pas le feu, docteur, mais oui, je vous tiens au courant. »

J'étais mortifiée. C'était déjà assez humiliant de reconnaître devant le Dr André Guinguant que je n'avais toujours pas d'homme dans ma vie, alors lui signaler quand ce serait le cas, en plus...

Il me tendit mon ordonnance.

« Allez. Va pour le ski. Mais sois très prudente. Activité sportive modérée, comme d'habitude. Et prends bien tes médicaments matin et soir. A la moindre palpitation cardiaque suspecte, tu te reposes immédiatement. »

Je faillis lui sauter au cou.

« Merci, merci docteur ! Je ferai très attention, promis. »

Je lui serrai la main, enfilai mon manteau et mon sac à main et quittai rapidement la clinique.