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Début Avril

Paris


Chloé


Je sortis de mon cours de flûte traversière et resserrai les pans de ma veste de demi-saison autour de moi. Le ciel de Paris était bleu, dénué du moindre nuage. Les arbres étaient tout fleuris. Ça sentait le printemps...

Je décidai de prendre le bus au lieu d'un taxi, juste parce que le trajet serait un peu plus long et que j'étais d'humeur pensive. Je m'assis tout devant.

Un type aux yeux bleus monta dans le bus à l'arrêt suivant, ce qui attira mon attention.

Je soupirai.

Plus d'un mois sans nouvelles... Bien sûr, je lui avais dit que je ne voulais plus le voir, et je le pensais, mais s'il avait passé outre... s'il avait passé outre... ça m'aurait permis de voir que je m'étais trompée, que l'Alessio que j'aimais était toujours là, sous la surface de ce type nonchalant que je ne saisissais pas.

Une demi-heure plus tard, je retrouvais mon amie Bérengère à la terrasse d'un café du Trocadéro.

« Tu as fait le thème ? me lança-t-elle en guise de bonjour, cigarette au bec.

─ Lequel ? Le grec ou le latin ?

─ Le latin ! J'y arrive toujours pas. Ce texte est trop obscur !

─ Tiens », dis-je en sortant mon devoir de mon sac.

Bérangère le prit d'un air gourmand.

« Houuu, merci ! Bon, et sinon ? Tu n'as pas l'air contente, Chloé.

─ Je suis fatiguée, en ce moment. Père m'a pris la tête hier, il refuse que je cherche un stage de moi-même pour le Master 2, il veut absolument que je travaille dans l'entreprise de Mr Bontini, pour resserrer les liens qu'il a avec lui. Ça m'énerve ! Rien de nouveau sous le soleil. Ah, et Alessio et moi on se parle toujours pas, bien sûr. »

Bérangère tira sur sa cigarette.

« Putain, Chloé, remets-toi avec ça. C'est rien qu'une petite querelle. Tu dramatises.

─ Non, c'est pas une petite querelle, Bé... On se parle plus, je te dis.

─ Bah, en deux ans que vous vous connaissez... un peu de tension, ça fait pas de mal. T'es vraiment à fond sur lui, hein ?

─ Ben tu sais... « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ; mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler... »

─ « Je sentis tout mon corps et transir et brûler », oui oui, on sait, termina Bé en roulant des yeux. Phèdre. Tu sais, j'ai toujours trouvé que le vieux Racine était versé dans l'hyperbole, hein.

─ Je ne suis pas d'accord avec toi, dis-je en fouillant dans mon sac à la recherche de mon écharpe. Racine avait tout compris, au contraire. On voit vraiment que t'as jamais été amoureuse, Bé !

─ Ma pauvre petite Chloé, tu es tellement... romantique. Je ne sais pas quoi faire de toi. On est pas dans un livre, hein ! C'est la vraie vie, là. Tiens, tu sais ce qu'il m'a dit, Malik, hier soir ? »

Malik était son nouveau coup de cœur, un sombre type de cité avec lequel elle semblait bien s'entendre. Je n'y comprenais rien. Bérangère et lui étaient loin d'appartenir au même monde. C'était peut-être justement pour ça que ça semblait fonctionner, à la réflexion.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant