21

489 83 19
                                    


Daniela


Lorsque je revins à la fête, un moment plus tard, je n'avais plus tant le cœur à m'amuser.

L'expression de Chloé avant de monter dans ce taxi était gravée au fer rouge dans ma mémoire.

─ Les filles, j'y vais, annonçai-je à Magali et à Soraya qui discutaient près du bar.

─ Oh, fit Magali, l'air surpris. OK. On se revoit avant ton départ, hein ?

─ On pourrait se faire un restau, enchaîna Soraya en me serrant dans ses bras.

Je lui rendis son étreinte.

─ Bien sûr. Avec plaisir.

Je les embrassai chacune à leur tour. Alessio vint me trouver alors que j'enfilais ma veste en cuir par-dessus mon chemisier. Il avait les sourcils froncés.

─ Tu rentres déjà ? Ca va pas ?

─ Ouais, nan, je me sens pas très bien. J'allais te dire au revoir d'ailleurs.

─ Tu me diras au revoir plus tard. Je te ramène.

Ce n'était pas une suggestion, plutôt un ordre. Il s'inquiétait encore pour moi. Je ne cherchai pas à discuter. Quand Alessio prenait ce ton-là, c'était inutile, et j'avais envie d'un moment seule avec lui.

Je restai dans l'entrée avec Magali tandis qu'il saluait la bande et attrapait sa propre veste et son bonnet. Puis il me rejoignit et m'ouvrit la porte de l'appartement, galant comme à son habitude. Je descendis lentement les marches où je m'étais tenue quelques minutes plus tôt avec une Chloé en pleurs.

La culpabilité me serra le ventre. Pauvre Chloé. Ce qu'elle traversait semblait difficile. Mais je m'étais montrée honnête avec elle. Je la respectais ; elle aimait Alessio, tout comme moi, et voulait le voir heureux, tout comme moi. Bizarrement, selon moi, ce point commun nous rapprochait plus qu'il ne nous éloignait.

Alessio était garé plus bas dans la rue. Je frissonnai en m'asseyant sur le siège passager de sa voiture. Il était glacial.

─ Brrr, fis-je en frottant vigoureusement mes bras.

─ T'inquiète poulette, je mets le chauffage, dit Alessio en joignant le geste à la parole.

Je lui souris en réponse et calai ma tête contre son épaule, le nez dans son chèche vert-de-gris. Il sentait hyper bon son odeur. Un pur bonheur.

─ Ca va, t'es bien là ? me demanda-t-il d'un ton moqueur en manœuvrant le volant d'une seule main pour sortir du stationnement.

Il roula jusqu'au feu au bout de la rue yeux fixés sur son téléphone qu'il tenait dans l'autre. La route était déserte.

─ Super bien, susurrai-je.

Tellement bien à vrai dire que j'aurais pu m'endormir là. Lorsqu'Alessio s'arrêta en douceur devant chez mon père, quinze minutes plus tard, je me redressai en baillant un peu et détachai ma ceinture.

─ Et voilà...

─ Merci chéri.

─ De rien.

Nous nous regardâmes tandis que le moteur tournait encore. Il détourna les yeux le premier.

─ Tu veux bien dormir avec moi cette nuit ? demandai-je sans reprendre mon souffle.

Alessio secoua la tête sans me regarder.

─ Pourquoi ? Tu vas me dire que t'as une copine finalement ?

Tout comme moi, il perçut très bien le mépris dans ma voix, le mépris qui disait « qui peut bien tenter sa chance après moi ? »

─ Mais lol j'ai pas de copine je t'ai dit ! Je parlais de ton père, expliqua-t-il. Il me fait confiance. Je peux pas dormir dans ta chambre sans qu'il le sache. Enfin, hier, je l'ai fait, c'est vrai... mais c'était exceptionnel, tu sais bien.

Je connaissais ses principes effectivement. Alessio était pointu sur certaines choses, notamment sur ce qu'il estimait être respectueux ou non au regard de mon père, et je lui étais hyper reconnaissante d'être venu comme ça au milieu de la nuit, simplement parce que je l'avais appelé, alors qu'il devait se lever tôt pour aller en cours en plus.

─ Et si on allait chez toi ?

Je n'étais même pas gênée d'insister. Il m'avait fait exactement le même coup le soir du Solstice d'été à Rio. Je savais qu'il savait, et il savait que je savais. J'avais envie d'être avec lui, ça faisait cinq mois que je ne l'avais pas vu, putain de merde. Que je sois damnée s'il ne désirait pas exactement la même chose !

─ Je me ferai toute petite, promis-je gentiment, pour le faire céder.

Je le vis se mordre la lèvre tandis qu'il réfléchissait à mes paroles, son regard pensif examinant la rue de l'autre côté du pare-brise.

Je posai une main légère sur son jean, pressai doucement sa cuisse.

Alessio s'éclaircit la gorge. Je le vis regarder ma main sur sa jambe.

─ Je sais que t'as besoin de moi en ce moment... mais...

─ Pas en ce moment, toujours, corrigeai-je en remontant un peu ma main. Et franchement je dors super bien quand je suis avec toi.

Cette petite précision lui fit émettre un soupir.

─ OK, OK, allons-y, murmura-t-il.


**


Ca me fit bizarre de revenir dans l'appartement d'Alessio, presque une année après notre rupture. Je me souvenais très bien de la dernière fois où j'étais passée. J'avais pleuré sur le fauteuil du salon en repensant à notre histoire.

L'appartement n'avait pas du tout changé, sauf peut-être une toile encadrée sur le mur du salon, signée AC. Avec admiration, je reconnus l'image. Elle représentait la vue qu'on avait du Corcovado. C'était magnifique. Je l'observai en me demandant si j'étais différente, moi, aujourd'hui.

J'aimais à croire que oui, malgré mes conneries de cet été. La thérapie m'avait aidée considérablement.

─ Je vais prendre une douche, annonça Alessio en posant ses clefs sur le meuble de l'entrée, mais tu peux te coucher si t'es fatiguée.

─ Pas fatiguée. Je peux venir ? demandai-je en jetant ma veste sur le canapé. Je vais te frotter le dos.

─ Dani, merci, mais non. T'as dit que tu te ferais petite, tu te souviens ?

Il me pinça la joue comme si j'étais une gamine et disparut dans la salle de bains avant que je ne puisse répondre.

Je le sentais fuyant... même si on avait passé une très bonne soirée ensemble.

Je lui emboîtai le pas.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant