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Emilie


J'étais assise à côté d'Alessio dans le téléphérique. Nos bras et nos jambes se touchaient. Face à nous, entre Antoine et Léopoldine, Chloé nous observait sans mot dire.

« Tu connais Tara Dakides ? me demanda Alessio.

─ Tu m'as prise pour qui ? m'offusquai-je. Encore heureux que je la connaisse. Une légende. C'est quand même la première femme à avoir réussi à faire un backside rodeo...

─ Il parait qu'elle s'est cassé le dos à trois endroits le temps de maîtriser le saut, quand même...

─ Ben justement ouais ! Trop la classe ! »

Arrivés en haut, poussant des cris de joie et riant, nous descendîmes la montagne qui en snowboard qui en skis. C'était génial. Magique ! De la neige scintillante partout. On aurait dit de la glace à la vanille. J'avais beau être de la vallée, je ne m'en lassais pas.

Tout le monde n'était pas venu puisqu'il fallait un bon niveau pour faire la descente. Nous étions huit : Jules et Antoine, Alessio et Léopoldine, mon amie Audrey et son copain Finn, et enfin, ladite Chloé.

Léopoldine était très sympa. Elle souriait tout le temps et riait à mes blagues ; en revanche, j'avais du mal à cerner Chloé, qui se montrait plus mesurée. C'était une grande blonde, avec un joli visage aux traits doux, des yeux bleus intelligents, qui tiraient sur le gris ; je reconnais qu'elle portait la chapka avec une rare élégance. Ses longs cheveux torsadaient joliment sur sa combinaison au prix sans doute ridiculement élevé, à en voir la coupe de qualité.

Sur le coup de 13 heures, nous nous assîmes en cercle sur la neige, nos skis et planches disposés à côté de nous. Alors qu'on sortait nos bouteilles d'eau, sandwiches, paquets de chips et autres victuailles de nos sacs à dos, je regardai Chloé enlever ses skis. Elle skiait vraiment très bien, pour une parisienne. Ça avait certainement demandé des années de séjours en montagne. Pourquoi pas ? Elle avait semblait-il l'argent pour.

Mais il y avait une chose qu'elle n'avait pas, de toute évidence.

C'était Alessio.

Elle ne le lâchait pas du regard et rougissait presque dès qu'il lui parlait. Pas de chance : il était avec moi et ne fit pas tellement attention à elle durant tout le pique-nique.

« Bon, tu viens, Em ? » me lança Alessio en passant à mon côté, un quartier de pomme à la main.

De l'autre, il tirait la luge qu'on avait rapportée.

« Et comment que je viens ! »

Je le rattrapai en courant, tout enjouée, mes snowboots s'enfonçant dans la neige. Alessio jeta un coup d'œil par-dessus mon épaule pour aviser ma position et, sans prévenir, me balança une boule de neige. Je ne réussis à l'esquiver que partiellement ; je poussai un cri de Sioux et lui en jetai une à mon tour. Il se jeta sur moi pour me faire tomber et me voler un petit baiser. Que je lui rendis. Ce faisant, je vis du coin de l'œil la luge commencer à descendre la pente derrière-lui et hurlai :

« La luge se fait la malle, bordel ! »

Il éclata de rire et se releva précipitamment pour lui courir après.

Lorsqu'il revint enfin, je lui lançai un : « J'ai failli attendre ! » moqueur.

« Tais-toi, pour voir » répliqua-t-il.

Alessio s'installa à l'arrière, et je m'assis juste devant lui, entre ses jambes. Il m'entoura de ses bras, donna une impulsion à la luge, et...

« C'est partiiiii !

─ Youhouuuuu ! »

Nous dévalâmes la pente à toute vitesse, le vent envoyant sans doute mes cheveux au visage d'Alessio, son rire parfaitement audible à mes oreilles. Lorsque nous arrivâmes en bas, hilares – ce n'était plus trop de notre âge - Chloé s'approcha timidement de nous.

« Alors, heu... et cette leçon de snowboard ? » lança Chloé à Alessio.

─ Chose promise chose due » répliqua-t-il.

Il me fit un sourire qui voulait dire « A tout à l'heure » et ils s'éloignèrent côte à côte. Je m'assis près des autres qui terminaient de manger en discutant, avachis sur la neige, et observai Alessio qui aidait Chloé à monter sur sa planche.

Elle perdit l'équilibre presque aussitôt et s'écrasa contre lui. Je me retins de rire. Elle ne semblait pas avoir ça dans le sang, le snowboard.

« Ça commence fort, dit Chloé en souriant.

─ T'inquiète pas, les deux premiers jours on fait que ça, tomber. Je tombe super bien, moi, d'ailleurs.

─ Ah ouais ?

─ Ouais. Dis, t'as déjà fait du skate ? lui demanda Alessio. Non, hein ?

─ Si, un peu. Quand j'avais douze ans, quoi. Mon cousin Pierre ne jurait que par ça...

─ C'est déjà ça ! Au skateboard, en fait, tu dois déporter ton poids vers l'arrière. Au Snowboard, il est au centre de la planche.

─ Ah. J'ai pigé.

─ Plie un peu les genoux. Ça va t'aider à bien garder ton équilibre. On tourne avec les épaules...

─ Comme ça ?

─ Oui, comme ça. Ben voilà ! Tu gères !

─ Oui, je suis née pour ça !

─ Haha, on va voir si tu arrives à rider un peu toute seule, répliqua Alessio en la lâchant.

─ D'accord, je vais essayer... »

Hmm... intéressant. J'avais clairement l'impression qu'Alessio l'aimait bien, cette Chloé, dans le fond. Je ne sais pas s'il en avait conscience, mais le ton de sa voix avait changé lorsqu'il s'était mit à lui donner des conseils.

Je le pensais pourtant célibataire, le bel Alessio ? Alors, il était célib oui ou non ?!

Mystère.

Sous les yeux de tout le groupe, Chloé s'éloigna sur quelques mètres, prit de la vitesse et poussa un cri d'orfraie en perdant l'équilibre. Elle s'écroula dans la neige. Cette fois-ci, je ne pus m'empêcher de rire sous cape, même si c'était un peu méchant. Alessio accourut à son secours, tandis que Jules et Antoine échangeaient un regard lourd de sens.

« C'est chiant, le début, hein ? leur lançai-je, un poil narquoise.

─ C'est chiant, confirma Jules. Mais il faut souffrir pour être cool.

─ Je plussoie, confirma Audrey.

─ Ça va ? s'écria Alessio en arrivant au niveau de Chloé.

─ Oui, oui, ça va... (Il l'aida à s'asseoir) Enfin... je crois que je vais me tenir loin des snowboards finalement. »

Chloé elle-même riait de ses exploits. J'avais l'impression qu'elle était soudain de très bonne humeur. Rien à voir avec la fille qui boudait dans le téléphérique ! Alessio lui tendit la main et la tira pour la relever.

« Hmm... faut dire, ma planche est un peu trop longue pour toi.

─ C'était pas trop mal sinon ? demanda Chloé, pleine d'espoir.

─ Avant que tu t'étales comme une crêpe ? Ouais, vaguement. »

Tout à coup, je reçus une nouvelle boule de neige dans le cou. Aaaargh !! Tellement froid !

« Bataille ! » hurla Audrey en m'en lançant une autre.

J'en formai une à mon tour et la pourchassai en pouffant de rire.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant