Le Solstice d'été (HB 2)

1

Juin 2018

Daniela

« Tu-as-QUOI ?! »

Ma voix furieuse se répercuta dans tout l'open-space. Joaquim, Alejandro et Nicole levèrent tout trois la tête de leur écran pour voir ce qui se passait.

Debout en face de moi près de mon bureau, Paolina haussa les épaules.

« Tu fais preuve d'égoïsme, Dani. On a besoin d'un designer, maintenant, on a pas le temps, et tu m'as dit qu'il était doué, alors... j'ai pensé à l'asso. Pourquoi t'y penses pas, toi ?

─ Putain mais Paooooool ! gémis-je, les larmes aux yeux, et je tirai sur une mèche de mes cheveux pour évacuer un peu de mon stress. Tu me rends dingue ! Enfin qu'est-ce que tu racontes ?! Je pense nuit et jour à cette association. Tu sais que c'est moi qui me lève le plus tôt, qui me couche le plus tard. Je me tue à l'université pour avoir un extra pour Guiomar. Comment oses-tu ?! Rappelle-le immédiatement et annule.

─ Tu sais quoi ? bougonna Paolina en me fusillant du regard. J'en ai marre que tu me cries dessus, alors que je veux juste aider. T'es pas contente ? Ben fais-le toi-même ! »

Sur quoi, elle pivota sur ses talons et s'éloigna dans un déhanché furieux, passant devant le bureau de Lula. Lula me fit une grimace compatissante, l'air de dire « Merde, ça a dérapé, hein ? »

  A ce stade, je n'étais pas en état de parler. Je n'étais pas en état de parler à qui que ce soit. Je n'arrivais pas à croire que Paolina avait appelé Alessio pour lui proposer la mission ! Furieuse, je pris mon portable sur mon bureau et montai quatre à quatre les marches menant à l'appartement de Fábio.

  C'était un petit deux-pièces, pourvu d'une kitchenette dans le séjour, et d'une chambre assez lumineuse. Tout était bien rangé, Fábio étant un peu maniaque sur les bords. Tout mon contraire. Le désordre me rassurait.

  Je passai dans la cuisine pour boire cul sec un grand verre d'eau. Puis je sortis sur le balcon de la chambre et me laissai tomber sur la chaise en fer forgé qui se trouvait là. Il y avait aussi une petite table ronde, avec un cendrier, et un paquet de Lucky Strike entamé.

  Je fumai une cigarette entière, le regard rivé sur l'océan Atlantique qu'on voyait scintiller au loin sous la caresse du soleil. La plage de sable doré le bordait en formant un large croissant.

Je me décidai à composer le numéro d'Alessio. Bordel de merde, pestai-je entre mes dents. Paol avait vraiment fait n'importe quoi !

Quelque chose n'allait pas avec Paol. Elle était de plus en plus insolente... il allait falloir que je règle ça. J'avais l'impression qu'un élément clé m'échappait, cependant.

Je me mis à inspirer et expirer profondément, tandis que les tonalités s'enchaînaient dans mon oreille. C'était juste un appel, putain. J'étais tellement nerveuse ! Me battre contre des gardiens d'immeubles pour voler des fusibles, c'était une chose, mais appeler Alessio...

Déclic.

« Salut Daniela » dit sa voix.

Je fis un bond sur ma chaise. Putain. Ca faisait si longtemps... Mon cœur se serra douloureusement, me prenant au dépourvu.

« Salut Alessio » soufflai-je.

Je posai les pieds sur la rambarde du balcon, croisai les jambes et étudiai mes baskets rouges du regard, le cœur battant très vite.

« Ca fait un bail, ajoutai-je, gênée.

─ Un peu, oui. Je me disais bien que tu allais m'appeler, après le coup de fil de ta cousine. Comment ça va ? »