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Fin mai

Tomas Soares

  Je considérais mon aquarelle tout juste achevée d'un œil sévère, le pinceau encore à la main.

« Bon, ça ira comme ça » décrétai-je en la soulevant du chevalet.

Je la suspendais au mur avec de la bonne vieille Patafix lorsque j'entendis un bruit de pas en provenance du couloir. Je levais les yeux juste à temps pour voir Alessio, le fils de Sylvain, entrer dans l'atelier. Il avait le bras en écharpe. Les épaules de sa veste marron étaient mouillées ; il venait juste de pleuvoir. Son visage s'éclaira lorsqu'il me vit, et je lui décochai un sourire.

« Oh ! Bonjour Monsieur » me salua Alessio en me tendant la main.

Je la lui serrai avant de lui tapoter affectueusement l'épaule.

« Comment vas-tu, mon garçon ? Et ce plâtre ?

─ Ca va, et vous ?

─ Très bien. Regarde ce que je viens juste de finir. »

Je lui désignai mon œuvre, très fier de moi. Alessio l'étudia d'un œil critique, mais une expression bienveillante animait son visage.

« J'aime bien, mais vous avez fait un usage un peu excessif du vert, non ?

─ Chut, tais-toi, malheureux ! » dis-je de peur que la prof ne l'entende.

Il rit, et cela me fit plaisir qu'il réagisse de cette façon à mon humour un peu douteux.

« J'allais partir. Tu viens prendre un verre à la brasserie du coin ? proposai-je. Tu as bien cinq minutes ?

─ Heu ouais, avec plaisir. Laissez-moi juste le temps de récupérer la pochette de mon père. Il l'a oubliée à la fin du cours de ce matin, apparemment. »

Je souris.

« Il est tête en l'air, Sylvain, hein ?

─ Pas mal, oui.

─ Alors, tu es retourné chez tes parents, le temps de guérir de ton plâtre, c'est ça ?

─ Oui. C'est cool. J'arrive pas à grand-chose avec le bras gauche hors service... »

Cinq minutes plus tard, pochette sous le bras, nous descendions la rue en direction du bar où son père et moi allions régulièrement après les cours de peinture.

« Tu dessines quoi, en ce moment ? demandai-je à Alessio alors que le serveur posait nos verres sur la table de formica.

─ En ce moment, des croquis de bâtiments... l'Arc de Triomphe, le Louvre, ce genre de choses. Ca m'a pris y'a quelques semaines, j'ai vu des trucs sur Devianart, et j'ai voulu tenter.

─ J'en ai fait très peu, tu me montres ?

─ Oui, bien sûr. C'est pas facile au début, je me débrouille mieux maintenant, je trouve.

─ Et la peinture comme ce qu'on fait ton père et moi, c'est pour quand ? ajoutai-je avec curiosité en m'installant plus confortablement dans mon siège alors qu'il cherchait son carnet dans les poches de sa veste.

─ Je sais pas du tout, dit Alessio en souriant. J'ai pas votre talent. D'ailleurs je vous retourne la question : et vous, alors, le dessin ?

─ Haha ! Petit malin ! Je croque toujours plein de choses, mais comme ton père, je m'exprime mieux avec une grande toile. »

Alors qu'il me montrait quelques esquisses fort sympathiques sur son carnet de croquis, mon portable sonna. Je le sortis de ma poche pour voir le prénom de « Daniela » s'afficher sur l'écran. Je regardai Alessio du coin de l'œil. Il l'avait vu aussi et semblait un peu mal à l'aise. Sans décrocher, je mis le téléphone dans ma besace.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant