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Daniela


J'étais totalement déboussolée. Ses mots m'avaient fait sortir de mon orbite gravitationnelle, comme si un météore m'avait percutée de plein fouet.

Mes oreilles bourdonnaient.

Dans l'histoire de J.M Barrie, Clochette, fée blonde aux yeux bleus, était amoureuse folle de Peter Pan, le garçon qui ne voulait pas grandir, et détestait Wendy, elle-même très amoureuse de Peter. Peter aimait Wendy mais ne voulait pas de ces sentiments, qui lui faisaient peur.

J'y voyais des similitudes avec ma propre histoire, clairement. Clochette était Clochette ; Alessio était le garçon qui refusait de grandir et avait peur de ses sentiments ; et j'étais Wendy, j'imagine.

Alessio tenait à Chloé, et il pensait sans doute que sa relation avec elle était « saine », plus saine que la nôtre.

Et sans doute avait-il raison, me dis-je en l'observant.

Il regardait ses espadrilles, l'air misérable. Il ne semblait pas du tout épanoui de se trouver dans cette pièce avec moi. Sa joue droite, là où je l'avais giflé, était encore toute rouge.

─ Je ne veux pas vivre d'autres choses, dis-je, les larmes aux yeux. Je dis pas que tu as tort. C'est juste que je veux pas. C'est peut-être pour ça que je n'arrête pas de me dire que je suis pas prête pour une relation. Peut-être que je veux personne d'autre que toi.

L'horreur de la situation me submergea. Comment pouvait-il envisager sa vie sans moi ? Pire, comment pouvait-il me pousser vers quelqu'un d'autre, surtout lui, si jaloux ? N'étions-nous pas heureux, ensemble ? Ou n'était-ce qu'une illusion ? N'étions-nous pas mieux ensemble plutôt que l'un sans l'autre ? Je ne savais plus. D'abord, je pensais que si, mais maintenant, étant donné ce que j'entendais...

C'était Maman qui avait raison depuis le début. Elle avait tout compris. S'il ne me proposait pas de revenir avec lui, ça n'arriverait pas. Et il ne me le proposait pas. Il se réservait pour une autre.

Mon Alessio avec une autre ! Dans quelle dimension parallèle étais-je tombée ?!

Je fermai très fort les paupières et me demandai depuis combien de temps Alessio pensait ces choses à notre sujet. Certainement depuis des mois, avant même la rupture. Ca l'avait probablement encouragé à me quitter, d'ailleurs.

─ Tu crois que moi j'en ai pas marre aussi ? m'écriai-je alors, furieuse et blessée par ses paroles. T'as raison. Peut-être que moi aussi je veux une relation tranquille où le mec me reproche rien de spécial, ou un mec qui me fait déjà confiance, et n'aime que moi !

─ Un mec comme Lula, c'est ça ?

─ Pourquoi pas !

─ C'est ce que je disais, donc.

─ Putain, Alessio. T'es le seul que j'ai aimé, après Rubén. Et t'as vu ce que tu me dis ? Tu... tu rejettes ce qu'on a vécu, tout ce qu'on a, je comprends pas.

Alessio baissa les yeux, l'air penaud.

─ Dani, la vérité, c'est que je n'ai jamais su vivre sans toi. J'en ai conscience, tu sais. Et là, tu habites à Rio. Tu-n'es-pas-là. Comment je suis censé tenir le coup, hein ? Dis-moi ?

─ Je ne sais pas. Je te retournerais bien la question : et moi, alors ?! Je me plains pas.

Alessio eut un rire de dépit.

─ Mais ça n'a rien à voir, chérie. On sait tous que je t'aime plus que tu ne m'aimes.

─ C'est pas vrai. Personne ne peut mesurer ça.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant