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Daniela


Court silence. Il s'était mis à dribbler.

─ C'est « Dani » pour « Danielle » ?

─ Non, grâce à Dieu non ! C'est ringard. Dani pour « Daniela ».

J'avais prononcé mon prénom à la française, en insistant bien sur le « a » final, qu'on n'entendait presque pas si on le disait comme on le devrait.

─ T'as pas d'accent, fit remarquer Alessio, mais t'es pas née en France, je crois ?

─ Je suis née au Brésil. A Salvador, pour être exacte. Et bien sûr que je n'ai pas d'accent, j'ai appris le français en même temps que le portugais.

─ Okay. C'est cool.

J'étais un peu désagréable, sans raison particulière. Peut-être parce que sa phrase de tout à l'heure m'avait fait flipper. Je ne voulais que personne ne sache que ça n'allait pas toujours aussi bien que ce que je prétendais ; et ce gamin qui sortait de nulle part, en cinq minutes, il me perçait à jour.

Alessio se détourna pour tenter un nouveau panier, l'air pas tellement déstabilisé par mon caractère de cochon, que j'utilisais pour me protéger, maintenir les gens à distance respectable.

─ C'est vrai j'ai pas une super moyenne en maths, mais je suis imbattable à Mario Kart, sache-le. Je suis sûr que tu peux pas en dire autant, s'était-il défendu.

─ Hahaha, ben il se trouve que si ! Je brille dans bien des domaines.

Ca, c'était un peu suggestif, mais je poursuivis sans lui laisser le temps de relever.

─ On se fait une partie quand tu veux, je te montrerai que tu connais rien, mon petit.

─ Très bien... ma vieille.

Et il avait tiré un nouveau panier, aussi parfait que les précédents.

Son aisance était plutôt sexy, d'ailleurs. Je l'avais regardé se mordiller la lèvre inférieure en visant, et tirer encore, en me demandant ce que ça me ferait ressentir s'il mordillait plutôt ma lèvre.

Mon ventre s'était contracté.

« Putain Dani, c'est qu'un gosse, laisse-le » avais-je pensé, un peu excédée envers moi-même.

C'est vrai, j'aimais bien que les garçons m'accordent de l'attention. Quand j'étais dans leurs bras, je me sentais mieux. Le contact repoussait les ténèbres qui voulaient m'engloutir. Surtout lorsqu'ils me faisaient jouir. J'oubliais pendant quelques instants. Difficile de s'en passer. J'avais besoin de l'oubli.

Mais je n'étais pas idiote, non plus. Le petit Alessio était mignon, mais châsse gardée. Il avait quinze ans ! Un bébé. S'il avait eu mon âge, je ne me serais pas gênée pour n'en faire qu'une bouchée. Mais là, je n'allais pas y toucher, je n'allais pas le draguer, non non non.

Pourtant si, j'avais dérapé quelques fois, à lui faire du charme presque sans le vouloir. On passait beaucoup trop de temps ensemble, à étudier dans le petit bureau de son père. J'avais appris à le connaître. C'était un garçon très sympa, un peu timide. Il était devenu plus à l'aise avec moi en quelques semaines à peine, n'hésitant plus guère à me taquiner ou à me contredire. Plus il me tenait tête, plus j'avais envie de lui, au premier sens du terme : envie de lui autour de moi, dans ma vie.

Et peut-être au sens littéral, aussi. C'était légal, mais on va pas se mentir : très mal vu, un peu limite. J'avais tous les mecs que je voulais à la fac et en sortant dans des soirées, alors pourquoi risquer des problèmes en essayant de séduire le petit Alessio ? Il était intouchable, c'était sûrement ça qui me plaisait chez lui, me disais-je pour me ramener moi-même à la raison.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant