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Paolina


  A travers les verres teintés de mes lunettes de soleil, je voyais Dani revenir vers nous. Assis non loin de là, Lula ne ratait rien du spectacle non plus. Il avait l'air de lire, mais en réalité, il regardait relativement souvent vers elle, même lorsqu'elle s'était éloignée avec le petit garçon.

  Ça m'exaspérait, je l'avoue. Il était tombé sous le charme de ses grands yeux chocolat dès qu'elle était arrivée à Rio, presque trois mois plus tôt.

 Evidemment. Qui ne tombait pas sous le charme de Daniela, hein ?

Malgré le fait qu'elle avait perdu quelques kilos en arrivant, elle restait d'une beauté insolente et ravageuse. Oh, bien sûr, je plaisais à certains hommes, moi aussi, mais quels cœurs je briserais si j'étais fichue comme elle ! Elle était menue, avec une taille fine, des jambes interminables. Elle n'avait pas beaucoup de poitrine mais paraissait si sûre d'elle lorsqu'elle portait un décolleté que c'était plus un point fort qu'autre chose.

Pour la première fois depuis son retour à Rio, elle avait mis un bikini. Il était rayé de plusieurs couleurs joyeuses, bleu, jaune, vert, et lui allait redoutablement bien, surtout qu'elle avait pris des couleurs ces dernières semaines. Sa queue de cheval bouclée reposait sur son épaule, brillante de santé.

J'avais presque envie de la gifler.

A une époque, quand nous étions ados et que je n'étais encore qu'une petite grosse sans ambition, j'aurais tué pour avoir son visage d'ange.

Ensuite, lorsqu'elle m'avait chipé mon petit ami, je l'aurais tuée tout court.

Peut-être encore aujourd'hui, je crois. J'avais la rancune tenace. Et Anton, je l'avais aimé. Vraiment. C'était le premier mec qui m'avait donné une chance, malgré mes rondeurs de l'époque que je n'assumais pas et mon style vestimentaire discutable.

Et il disait m'aimer aussi.

Par contre, dès que Dani lui avait souri, il m'avait oubliée...

Je l'avais détestée. Longtemps. Bien après qu'elle ait couché avec lui et l'ait rembarré, et qu'il était revenu pleurer après elle sur mon épaule.

Mais bon, Dani était ma cousine, et j'étais supposée l'aimer, alors...

Alors que Dani s'arrêtait pour acheter une noix de coco verte à un vendeur ambulant, j'entendis Lula soupirer à côté de moi. Je lui coulai un regard moqueur.

« Tu baisserais les bras, Lula... ? demandai-je, pleine d'espoir au fond de moi.

─ Certainement pas, Paol. T'inquiète pas, elle est folle de moi.

─ Ouais, et elle le sait pas encore, c'est ça ?

─ C'est ça. »

  Nous échangeâmes un regard et éclatâmes de rire, nous moquant de lui. Il avait bien compris que Dani ne recherchait pas de relation amoureuse, même pas de flirt apparemment, et se gardait bien de tenter réellement de la séduire ; il la taquinait à la moindre occasion et elle râlait. Elle était assez froide avec lui, constamment distante, adoptant une attitude résolument professionnelle et rien d'autre. Je ne savais pas dans quelle mesure ça le touchait. En tout cas, c'était la première fois que je voyais de mes yeux une femme lui résister autant. Il n'avait pas tellement de mal à séduire en général.

 Avec ses cheveux mi-longs et ses beaux yeux d'émeraude, sa prestance naturelle et toute sa culture, Lula avait un charme fou, d'après moi. Il était très convoité par la gent féminine de la haute-société de Rio de Janeiro, ce qui signifiait que je n'étais pas la seule à être de cet avis. Je n'aurais pas été contre un rapprochement...

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant