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Paolina


  J'étais garée aux abords du Palacio. Je ne pouvais pas entrer sans une autorisation spéciale et je n'avais pas le temps pour ça.

J'étais très nerveuse. Quand Lula apparut enfin au détour du chemin, je courus vers lui.

─ Lul, gémis-je, et je jetai les bras autour de son cou.

Je l'entendis soupirer.

─ Qu'est-ce que tu fais là, Paol ? Ce n'est pas un bon moment, là.

─ J'ai appris par Nicole au bureau que tu avais démissionné. C'est vrai ?! Tu quittes Guiomar ?

─ Oui, c'est vrai, Paola.

Oh non !

─ Mais pourquoi ? Que s'est-il passé ?

─ Je...

Il fuyait mon regard, se mordait la lèvre. Et alors je sus. Un boulet de canon ne m'aurait pas mieux réduite en charpie.

Mon pire cauchemar se réalisait.

Dani.

─ Il s'est passé quelque chose avec Dani et c'est pour ça que tu t'en vas, dis-je lentement.

Lula haussa les épaules.

─ Très bien. Je te pardonne, dis-je.

Il leva les yeux vers moi, surpris.

─ Quoi ?

─ Ce que tu as fait avec elle. Je te pardonne. Je sais que... qu'elle te plaît. Un accident, ça arrive. Passons à autre chose.

J'avais envie de vomir. Ces mots m'arrachaient la langue. Je n'arrivais pas à avaler la boule dans ma gorge. Lula semblait surpris par mes paroles.

─ Paol... il n'y a rien, entre toi et moi, tu sais ? On a passé du bon temps. Je t'apprécie. Je te trouve adorable. Tu as ton tempérament. Mais on est surtout ami, toi et moi. Pas autre chose.

Putain. Il me friendzonait. L'horreur. C'était sûrement parce que j'étais grosse. Les hommes étaient enclins à nous voir comme des amies, pas comme des femmes à désirer ou à aimer, je le savais bien. J'en avais la preuve tous les jours. Mais lui... j'aurais aimé que ce soit différent, tout en sachant pourtant que les chances étaient faibles. Il était si beau, si distingué ! Je n'étais que la petite Paol de Salvador. Je n'étais rien qu'une petite grosse trop ambitieuse. Je sentis mes yeux me picoter, mais je clignai furieusement des paupières pour refouler les larmes qui menaçaient de couler.

─ Lula, je... écoute... je pense qu'on serait bien ensemble, non ?

─ Non, Paol. Je suis désolé. Je ne peux pas te donner ce que tu attends de moi.

─ Pourquoi ? Tu ne me trouves pas sexy ?

Il eut l'air encore plus surpris.

─ Bien sûr que si.

─ Menteur ! Pas plus sexy que Dani, hein ? T'as pas intérêt à me dire que tu es tombé pour elle ! Elle ressent pas la même chose pour toi. Dani est totalement indisponible émotionnellement, depuis toujours. Elle aime le petit Alessio ! Ne sois pas naïf au point de croire qu'elle pourra t'aimer un jour comme elle l'aime lui.

─ Je sais, dit-il, et j'eus l'impression qu'il venait de me gifler.

Il reconnaissait qu'il l'aimait. Lui aussi. Oh mon Dieu.

─ Restons amis, conclut Lula en essayant de me caresser la joue.

─ Je ne veux pas de ton amitié, dis-je en reculant précipitamment vers ma voiture.

La portière était encore ouverte.

─ Paol... je suis désolé.

─ Ne t'excuse pas, c'est encore pire.

─ Paola...

─ Au revoir, Lula.

Je sautai derrière le volant et redémarrai sur les chapeaux de roues. Je roulais trop vite. J'éclatai en sanglots. Je vis la silhouette de Lula rapetisser dans mon rétroviseur, jusqu'à ce que mes larmes m'empêchent de le distinguer nettement.

Au premier feu rouge, j'ouvris rageusement ma boîte à gants. Elle était pleine de bonbons, gâteaux, chips et autres douceurs ; je plaçai l'ensemble dans un sac en plastique. Fini tout ça, c'était terminé les conneries. J'allais maigrir, maigrir, maigrir, et devenir aussi fine qu'une liane, et super sexy et heureuse. Je voulais le monde à mes pieds et j'allais l'avoir.

Je tendis le sac à un petit garçon qui faisait la manche au feu rouge. Il m'offrit un sourire éblouissant, en partie édenté.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant