Le Solstice d'été (HB 2)

19

Chloé

   Lorsque j'arrivai à la fête où Dennis comptait venir aussi, je remarquai tout de suite Alessio, entassé sur le canapé avec ses copains. Il jouait aux cartes, perché sur le rebord supérieur du siège. Entre ses jambes, sur l'assise du canapé, était installée une fille brune, aux cheveux bouclés, les jambes croisées. Elle avait une cigarette au coin de ses lèvres pleines et observait son jeu d'un œil confiant. Paul essaya de voir sa main, mais elle le bouscula sans pitié.

   Mon cœur se serra un peu lorsque je vis Alessio tirer sur sa queue de cheval pour attirer son attention. Il demandait aussi à voir son jeu. Elle lui fit « non » de la tête... et lui fit un doigt d'honneur. Il éclata de rire, les yeux brillants, ses fossettes apparaissant dans ses joues.

   Qui était cette fille ? songeai-je. Je ne l'avais jamais vue auparavant. Ou peut-être que si. Elle me disait quelque chose. Un truc chez elle m'était familier.

   Je n'avais pas l'intention de les rejoindre pour jouer. J'avais juste envie d'un verre en attendant Dennis. Il devait arriver un peu plus tard, vers 22 heures.

Comme ils étaient tous occupés à jouer, je me dis que je dirais bonsoir à Alessio plus tard.

─ Coucou ! me lança Soraya avec un sourire.

   Je lui rendis son sourire. Elle me tapota l'épaule et s'éloigna. Je vis la brunette dire quelque chose à Alessio. J'aimais bien Alessio. Il avait beaucoup de charme. Il était vraiment beau, c'est vrai ; rien que ce soir dans son t-shirt noir, mais surtout il était drôle, sûr de lui sans être arrogant, vraiment sympa... c'était agréable de traîner avec lui.

   J'aimais bien quand il venait me voir et me racontait n'importe quoi pour me faire rire. Il ne me forçait pas, non plus. Il m'envoyait des messages de temps en temps. Parfois, je déclinais un rendez-vous, un peu timide, pas forcément d'humeur. Il ne s'en formalisait jamais. Il était prévenant, d'une patience d'ange avec moi, attentif. Il ne manquait jamais de me tenir une porte ou de me faire un commentaire sympa sur telle ou telle chose que je portais tel jour.

   Aucun autre garçon ne me traitait de cette façon. Pas même Guillaume, et pourtant, on avait eu plusieurs rendez-vous.

   Je regardai la fille tendre la main à Alessio. Ils se dirigèrent du même pas vers la piste. Je vis Paul, l'ami d'Alessio, secouer la tête et lui articuler silencieusement quelque chose quand la fille eut le dos tourné. Une mise en garde, clairement, qu'Alessio ignora avec superbe.

   Ils commencèrent à danser avec une grâce sensuelle au son de la musique latine qui sortait des baffles.

 Je me savais bien incapable de danser ça, perte de mémoire ou non.

   Alors que je les observais, subjuguée, mon cœur se mit à tambouriner très fort dans ma poitrine ; un bruit bizarre sortit de ma gorge, comme une plainte étranglée. Ma poitrine... ça commençait à être douloureux. Machinalement, j'ouvris mon sac à main, en extirpai mon pilulier et pris un comprimé. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait.

  Alessio avait une petite amie. Je l'ignorais, il se disait célibataire. Mais c'était tant mieux pour lui, non ?

   Je n'avais jamais fait l'amour, mais je compris de quoi il s'agissait en les regardant qui dansaient ensemble. Ils se tenaient si serré l'un contre l'autre qu'on aurait dit qu'ils allaient fusionner, se fondre l'un dans l'autre. Ils évoluaient agilement tout autour des autres couples, langoureusement, tantôt vite, tantôt plus lentement, et se disaient clairement des choses avec leurs corps sans avoir besoin de se parler.