Le Solstice d'été (HB 2)

8

Daniela

  Nous dîmes au revoir à Léti, que je serrai longuement dans mes bras. Puis nous regagnâmes l'aérodrome et embarquâmes à bord du Phantomstorm.

Durant tout le vol retour jusqu'à Rio, je ne parlai presque pas.

J'étais stressée, tellement stressée.

J'ouvris mon jeu de calcul mental sur mon téléphone, une application toute simple et colorée. Ca me détendait d'habitude ; mais là, les niveaux se débloquaient à toute vitesse et j'étais toujours aussi nerveuse. Niveau 8... 17... 26... 34... Je m'arrêtai là, frustrée, alors que j'avais fait 98% de bonnes réponses. Lula n'était pas dupe de mon silence, mais il ne me bouscula pas, comme à son habitude. Comme le jour où nous avions fait du planeur, il ne décrocha pas un mot non plus. Il me laissait à ma réflexion, ce que j'appréciai.

Il y avait du brouillard ce soir-là. Lula posa le Phantom à Rio avec un soubresaut presque imperceptible, puis il suivit les directives de l'aide au sol, armé de deux petits bâtons lumineux rouges qu'il croisa devant lui lorsque nous nous immobilisâmes à deux mètres de lui.

Nous reprîmes la voiture pour rallier la ville, entamant la dernière partie du trajet. A un moment donné, Lula me prit par la main. Je la lui laissai en me rongeant l'ongle du pouce de l'autre, très nerveuse.
Lula se gara souplement non loin de la porte d'entrée, devant chez Maman.

─ Je te raccompagne, me dit-il.

Bon. Il serait impoli de refuser, alors...

Arrivés devant ma porte, je me tournai vers lui, agrippée à mon sac.
Lula me prit par les épaules et me caressa doucement les bras.
Il n'avait pas essayé de m'embrasser, mais ça suffit à me faire craquer.

─ Lula..., commençai-je d'un ton résigné.

─ Dani...

Je l'interrompis, le ton ferme mais le regard fuyant.

─ Laisse tomber. J'ai pas envie, mentis-je.

Je vis qu'il s'attendait à cette réaction.

─ Si, tu as envie de moi tout comme j'ai envie de toi, et depuis le début en plus. Tu veux être avec moi, je le sais, je te connais. Ne te laisse pas submerger par tes peurs. Tout va bien se passer.

Je secouai vivement la tête.

─ Qu'est-ce que tu fais d'Alessio ? demandai-je dans l'espoir que ce nom le rebuterait.

─ Je t'ai déjà dit que ton ex ne m'inquiétait pas. Il n'est pas là. Dani, il faut bien que tu te laisses vivre. Tu passeras à autre chose, comme tout le monde. Ca ne me dérange pas, je sais que tu as besoin de moi et que tu ressens quelque chose pour moi.

  Merde. La panique montait, oppressante. Presque réconfortante, quelque part. Je reconnaissais bien toutes ces émotions. Je les avais éprouvées tellement de fois, ces neuf dernières années.

─ Je... je vais arrêter la thérapie, m'entendis-je dire.
─ Quoi ?! s'écria Lula.

Il ne s'attendait pas à ça, en revanche.

Moi non plus à vrai dire.

─ J'arrête, répétai-je, avec plus d'assurance. Je n'y retournerai plus.
─ Mais enfin, qu'est-ce que tu racontes, bebe ?!
─ Ca me pousse à faire des choses que... je suis pas prête, tu comprends ? Personne comprend ça, c'est dingue !
─ Calme-toi, Dani.
─ Non. J'irai plus. C'est pas pour moi de toute façon. J'ai été stupide d'imaginer que ça marcherait pour moi. Tu pourras le dire au doc Dieter. Je n'aurais pas dû t'impliquer... Paol n'aurait pas dut te demander si tu connaissais quelqu'un, quand je suis arrivée.