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Alessio


Juin 2019


J'étais impatient, un peu nerveux aussi, devant les portes des Arrivées à l'aéroport de Tokyo.

Ca faisait environ deux mois que Chloé s'était remis à me parler plus régulièrement. Des sujets simples ; chaque jour, elle me demandait comment j'allais et comment se passait mon stage, et me parlait du sien, qu'elle faisait dans une galerie d'art pas loin de Montparnasse. Elle était contente d'avoir échappé au stage promis par son père dans le cabinet d'avocats tenu par son ami. Moi, j'avais été content de recevoir de ses nouvelles plus souvent et évidemment, je lui avais répondu.

J'avais passé des semaines assez pénibles. Je n'avais pas couché avec des filles au hasard, je ne m'étais pas battu. J'étais simplement allé travailler et j'étais sorti de temps en temps avec Tash et Michael. Le reste du temps, j'étais resté chez moi à jouer ou à dessiner, je lisais des mangas. Je m'étais senti un peu mieux après quelques temps de cette routine sans heurts.

Puis Chloé m'avait écrit. Avait-elle senti que j'avais envie de lui parler, moi aussi ? Je ne sais pas, mais une chose en entraînant une autre, on s'était remis à discuter tous les jours, et comme elle avait des jours de congé, elle avait proposé de passer me faire un coucou avant d'aller à Hong Kong, où elle avait prévu de rester quelques jours voir sa sœur Rose qui y vivait à présent avec son mari. On allait ensemble à Hong Kong, d'ailleurs, j'avais posé mes jours moi aussi.

Un nouveau flot de voyageurs arriva par les portes grandes ouvertes, et j'aperçus Chloé parmi eux.

Depuis qu'elle avait retrouvé la mémoire, elle avait un peu changé de style vestimentaire, et ce n'était pas pour me déplaire. Ce jour-là, elle portait un chemisier noir qui se nouait à la taille, de façon à dégager son ventre plat, et une jupe qui virevoltait joliment autour de ses interminables jambes. Ses beaux cheveux blonds retombaient sur ses épaules et des créoles dorées se balançaient gaiement à ses oreilles. Ce qu'elle était jolie... je me sentis presque timide, tout à coup.

Ca faisait des mois que je ne l'avais pas vue, après tout.

Je fis de grands signes à Chloé et agitai ma pancarte marquée « Clochette la belette ». Chloé éclata de rire lorsqu'elle l'aperçut et s'approcha pour me coller la bise. Je l'attrapai par la taille pour la serrer dans mes bras, ignorant sa joue tendue.

─ Ca fait plaisir de te voir ! m'écriai-je.

J'étais super content qu'elle soit venue me voir. Elle devait rester quatre jours, et ensuite, elle partait à Hong-Kong. Je l'accompagnais d'ailleurs. J'avais posé mes vacances.

Je posai le bras sur ses épaules et l'entraînai hors de l'aéroport.

Nous passâmes d'abord à la maison poser ses affaires puis ressortîmes aussitôt prendre un verre et manger des okonomiyakis. L'été était arrivé à Tokyo et il faisait très chaud, très humide. A cette heure de l'après-midi, le restaurant était désert, et on était tranquille.

─ T'es déjà venue combien de fois ici ? demandai-je à Chloé.

─ A Tokyo ? Trois fois. J'adore le Japon comme tu sais. Les gens sont tellement gentils, et la culture est fascinante.

Moi aussi j'adorais le Japon et la culture nippone.

Soudain, Chloé essuya un peu de la sauce que j'avais au coin des lèvres. Je lui souris et tapotai ma joue pour qu'elle y dépose un baiser. Lorsqu'elle se pencha en avant, je tournai un peu la tête pour que sa bouche atterrisse sur la mienne.

Elle me regarda, l'air hésitant, avant de me rendre mon baiser, timidement. Je pris son visage entre mes mains et de nouveau lui donnai un doux baiser, effleurant à peine ses lèvres des miennes. Cette fois elle passa les bras autour de mon cou et m'embrassa vraiment, langoureusement.

Elle sentait bon. Toujours ce parfum vanillé qui me réconfortait. Je l'entendis gémir lorsque je léchai sa lèvre toute douce et passai la main sur sa nuque pour la rapprocher de moi. Des mois que je l'avais pas embrassée.

Nous nous regardâmes. Je caressai doucement sa joue, et la sentis frissonner.

─ Je t'ai déjà perdue une fois. J'aimerais vraiment ne pas avoir à te perdre une seconde fois. Tu comprends ?

─ Oui.

─ Tu me fais confiance ?

─ Oui, je te fais confiance. Je sais que tu pensais ce que tu m'as dit, le soir où j'étais chez tes parents avec Grégoire. Je sais que t'étais sincère avec moi.

─ J'ai besoin de savoir..., fis-je en prenant une mèche de ses cheveux entre mes doigts. Tu sais que je te parlerais pas d'un futur ensemble si je ne me sentais pas capable de te rendre heureuse, hein ? Tu le sais, non ?

─ Je le sais, Alex, me rassura-t-elle tout bas.

Je posai le front contre le sien, tout doucement. Je baissai les yeux pour regarder son visage. Elle me regardait aussi.

─ En retrouvant mes souvenirs en novembre, je t'en ai voulu, tu sais, dit-elle. Beaucoup. C'est pour ça que je ne te parlais plus. Je t'en voulais d'être allé à Rio, je t'en voulais de lui avoir offert ce collier... Et puis j'ai compris quelque chose. Que tu en avais besoin, peut-être pour lui dire au revoir, que ça t'aidait sans doute à aller de l'avant en définitive. Et puis, on a tous un passé. L'essentiel, c'est de le garder passé. Si tu fais ça... si tu peux faire ça... alors moi, je peux venir vers toi. J'en ai envie, tu sais. Beaucoup. Tu m'as beaucoup manqué depuis l'an dernier.

Chloé pris une inspiration. Je sentais son cœur battre contre le mien. Il battait vite. Elle passa la main dans mes cheveux. Sa caresse était douce, mais sa voix et son regard intransigeants.

─ Si on se met ensemble, Alessio, si tu veux que je nous donne une chance, je veux, je dois être ta priorité. Personne devant moi. Tu comprends ? C'est ma seule condition.

Je comprenais parfaitement ce qu'elle me demandait. Elle demandait à passer devant Daniela.

C'était légitime.

Ca restait une décision lourde.

Non pas parce que je ne voulais pas Chloé ; il y a longtemps que je la désirais. Non, c'était une dure décision que de laisser une part de moi, c'est tout.

Sauf que c'était ça, le prix à payer. C'était le seul moyen d'avoir un futur sans elle. Peu importait avec qui j'étais de toute façon : si je laissai Daniela passer avant, ça foutrait tout en l'air, tout comme ça avait détruit mes relations avec Mathilde, avec Céline, avec Viola, avec Rin...

Et je tenais à Chloé plus que j'avais tenu à toutes ces filles. Chloé qui avait mis un an et demi pour me faire confiance. Hors de question que je gâche ça.

─ Tu seras ma priorité et je prendrai soin de toi tout comme tu prends soin de moi, répondis-je.

Chloé me fit un sourire timide, lumineux. Je le lui rendis. Il n'affola pas mon rythme cardiaque et ne me rendit pas tout chose, mais il me rendit heureux, et c'était un sentiment incroyable. Je posai la tête contre sa poitrine pour écouter son cœur qui y battait si vite.

─ C'est moi qui te fait cet effet ? demandai-je, surpris, alors qu'elle passait la main dans mes cheveux.

─ C'est toi qui me fait cet effet, confirma Chloé. Et... l'arythmie, peut-être, aussi, hein.

Nous éclatâmes de rire.

─ On va à Harajuku ? me demanda Chloé en se redressant. Je voudrais acheter un souvenir à Rose.

─ Allez, on y va.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant