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Ce même soir de juin (9 juin)

 Paolina

  En sortant du boteco avec les copines, je décidai de passer voir à l'asso si Dani avait pris la voiture ou non. Ce n'était pas loin. Dix minutes à pied tout au plus. Je mis de la musique dans mes écouteurs et me mis à marcher d'un bon pas.

En arrivant dans la rue de l'association, je vis que la voiture était bien là, garée devant les portes. Dani devait encore être dans les parages. Apparemment, Lula était avec elle. Sa Jaguar était là elle aussi. Il ne s'en servait que le week-end, jamais pour venir travailler.

« Il est tard, quand même » me dis-je en consultant ma montre.

Bientôt 23 heures.

Il n'y avait personne en bas, dans la cuisine, et pas non plus dans le bureau. Lorsque je poussai la porte de la salle de pause, je me figeai sur le seuil, comme foudroyée.

Lula était affalé sur le canapé, Dani lovée contre lui. Il avait incliné sa tête en arrière et l'embrassait sensuellement dans le cou. D'une main, il effleurait délicatement son visage, caressait sa joue comme si elle était une chose précieuse. Il avait posé l'autre sur sa jambe calée en travers des siennes. Elle portait son short en jean, celui avec lequel elle devait mettre une ceinture, et des bas plumetis. Le tissu de ces bas était très fin. Je suis sûre qu'il sentait parfaitement le galbe de sa cuisse sous ses doigts. Alors qu'il butinait son cou, je la vis fermer les yeux et se mordiller la lèvre. Je ne saurais dire si c'était par plaisir ou par culpabilité de ce même plaisir. Je la vis passer la main dans ses cheveux à lui. Je les imaginais doux, soyeux, agréables au toucher.

De toute façon, c'était tout ce que je pouvais faire. Imaginer.

Ils étaient tellement accaparés l'un par l'autre qu'ils ne sentirent pas ma présence.

Doucement, je fis demi-tour, revenant dans l'open-space. D'un geste brusque, je fis délibérément tomber mon pot à crayons de mon bureau pour les avertir de ma présence. Lorsque je poussai de nouveau la porte de la pièce, ils s'étaient séparés, bien sûr. Dani était debout et glissait une main nerveuse entre ses cheveux noirs tout bouclés. Lula était toujours assis sur le canapé, sa chemise blanche entrouverte révélant la peau mate de son torse. Il tourna la tête vers moi et me fit un petit signe de la main.

« Oi, Paola, dit-il. Qu'est-ce que tu fais là ? »

Son sourire triomphal me fit l'effet d'un coup de couteau dans le cœur. Pas moins. Il était radieux, bordel de merde.

« Oi, murmurai-je d'une voix blanche. Je... je suis venue prendre la voiture pour rentrer à la maison. Qu'est-ce que vous foutez là, vous ? »

Dani regardait ses chaussures. Elle portait des bottines en daim, à lacets.

« On rentre, Paol ?

─ OK », dis-je, l'estomac noué.

Elle avait ignoré ma question. J'avais envie de l'étrangler. Je tâchai de maîtriser le tremblement de mes mains.

« A lundi, dit Lula.

─ Bye », dit Dani sans le regarder.

Elle prit sa veste en cuir au passage, passa devant moi en coup de vent et sortit de la pièce.

« Vous êtes fâchés ? demandai-je à Lula, histoire de me torturer un peu plus.

─ J'espère que non », répondit-il.

Sans un mot, la mort dans l'âme, je quittai l'association à mon tour.

Dani m'attendait dans la voiture. Elle se mordait la lèvre, le visage fermé. Je m'assis derrière le volant, bouclai ma ceinture d'un geste sec et démarrai. Les rues étaient encore animées à cette heure. La lueur orangée des lampadaires semblait danser devant mes yeux. Je clignai plusieurs fois des paupières pour chasser mes larmes.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant