Le Solstice d'été (HB 2)

28

Alessio

Tokyo, mars 2019

On était fin mars. En plein Hanami : les cerisiers étaient en fleurs.

Il faisait inhabituellement chaud et humide ce jour-là ; d'où le quatrième arrêt de la journée au Seven Eleven pour acheter des boissons.

─ Dépêche-toi, mec, me lança Tash en me donnant une claque dans le dos.

─ J'arrive, répliquai-je en souriant.

Sacré Tash. C'était le premier ami Japonais que je m'étais fait en arrivant à Tokyo, trois mois plus tôt.

─ Heyyy, le gaijin*, m'avait-il lancé alors que je prenais un café à la pause.

Il m'avait souri. Il était en costume tout comme moi, chemise blanche, cravate, pantalon noir à pinces, la totale ; mais il avait glissé le stylet de sa tablette graphique derrière son oreille et fumait. Il semblait très détendu. Je l'avais aimé tout de suite. Il était rentre-dedans, ce qui n'était pas trop le cas des autres collègues, plus timides et réservés. Ca ne me dérangeait pas. Il y avait beaucoup de boulot et je n'avais pas tellement le temps de me disperser.

─ Mon nom c'est Alessio, avais-je dit.

─ Takeshi, avait-il répondu. Mais tout le monde m'appelle Tash.

Nous nous étions serré la main.

─ Alors, ça fait combien de temps que t'es au Japon, Alessio ?

─ Une semaine, avais-je admis comme si c'était mal.

─ Hahaha... t'as pas encore eu le temps de faire un karaoke, alors ?

─ Nan.

─ Ben ce soir, on y va. Pas d'excuses. Dès qu'on sort d'ici, on y va.

Nous y étions allés en effet et nous étions bien marrés. Nous y étions retournés plus d'une fois. On avait aussi fait pas mal de bars, beaucoup de restaus divers et variés. Tash m'avait présenté à ses amis. Rin s'était montrée très sympa envers moi. Elle parlait un français parfait, dénué du moindre accent.

─ Elle te plaît ? m'avait demandé Tash un soir, en fumant, alors que je venais de danser avec Rin un rock-n-roll enflammé.

J'étais encore tout essoufflé de l'avoir fait valser dans tous les sens sur ce tempo hyper enlevé. Elle dansait très bien la petite d'ailleurs. C'était elle qui m'avait invité. Elle me draguait depuis pratiquement le jour de notre rencontre, les yeux dans les yeux.

J'avais vidé mon verre d'une traite avant de répondre à Tash.

─ Elle est super canon, genre super canon, mais...

─ Mais elle ne te perturbe pas. Ca ira jamais plus loin qu'un flirt avec elle.

─ ... comment tu le sais ?

─ Je le sais parce que tous les petits français s'empressent de se trouver une japonaise en arrivant ici, et toi ça fait un mois et t'as touché à personne, tu m'as dit. C'est quoi ton style de femmes ?

─ Bah...

Tash prit l'air intéressé, en me dévisageant.

─ Oh, t'es amoureux, c'est ça ?

─ Ouais.

J'eus un ricanement, me moquant de moi-même.

─ Amoureux fou, précisai-je sans joie particulière. Elle est... je la trouve... je veux dire, elle est tellement belle, ça me... bref. Elle a un sourire... je te parle même pas de ses jambes, et...