Lou-26/09

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Vendredi 26 septembre

Lou

Humeur du jour : tendue.

Ça fait une semaine que je me suis coupée les cheveux et je ne peux déjà plus des : « Ouh là ! » ou des « Jeune homme… oups, pardon, jeune fille ! ».

En plus de ça, j’ai dû essuyer les réactions de ma famille. Arthur s’est bien venger dans son journal (oui je l’ai lu), Roxane a été plus que septique au début (oui j’ai aussi lu son journal), maman a adoré (« Qu’est-ce que c’est moderne ! Ça fait fille libre ! Tu veux pas la même coupe Roxane ? »), papa a sauté au plafond et Aliénor n’a rien dit (son petit-ami encombre trop son esprit pour qu’elle s’abaisse à s’occuper de sa famille en ce moment). Bref, je ne regrette rien mis à part les regards en coin de papa au début – jusqu’ici, y avait que lui et Arthur qui portaient les cheveux court : ça le dépayse.

Sinon, je n’ai pas grand-chose à raconter. Ah si, y a bien quelque chose mais je préfèrerai tellement l’oublier. Vous avez déjà vécu une cuisante humiliation ? Ben moi, oui. Hier. Et personne ne m’a aidée à me mettre dans cette situation – c’est dire à quel point je suis douée. J’ai essayé en vain de ne pas y penser la nuit dernière mais peine perdue : ça m’a tenue éveillée pendant deux heures.

Tout d’abord, il faut vous resituer dans le contexte. On était jeudi après-midi, 14 heures, au CDI. J’avais une heure de trou et pas envie d’aller m’étouffer avec le reste de la classe au coin fumeur. J’étais donc seule à ma table, en train de faire mes questions de géo lorsque Sophie est arrivée. Je m’évertue à l’éviter depuis le fiasco qu’a été sa fête et je peux dire, non sans fierté, que je m’étais bien débrouillée jusque-là. Cette andouille ne l’a même pas remarqué !

Bref, elle s’est assise en face de moi, a sorti ses affaires et a tourné tranquillement le livre de géo vers elle, comme si ça ne me dérangeait pas. J’ai fait celle qui s’en foutait et me suis déboitée le cou à lire le reste du document que je déchiffrais avant qu’elle n’arrive. Au bout de dix minutes, elle a commencé à parler. Je l’écoutais à peine d’une oreille mais c’était suffisant pour savoir qu’elle me racontait sa vie. Et qu’elle se plaignait. De son père, de sa mère, de tel prof, de Sybille, de truc et bidule…

Je me suis contenue cinq minutes et puis j’ai cédé à la colère. J’ai fermé le livre de géo hyper violement, ai rangé – enfin jeté – mes crayons dans ma trousse puis ai tout fourré dans mon sac. Elle me regardait avec ses yeux de merlan frit étonné et j’ai eu envie de lui gueuler des horreurs mais je rappelle que nous étions au CDI et que là-bas, le silence est d’or. J’ai attrapé mon manteau alors qu’elle soufflait un « Mais attends ! Qu’est-ce qui te prends ? » et ai mis mon sac sur mon épaule tout en me dirigeant vers la sortie d’un pas énervé. Et là : humiliation cuisante. Ça s’est passé en deux temps : d’abord, je me suis prise l’épaule de quelqu’un, ensuite mon sac que j’avais oublié de fermer, s’est déversé par terre. Petite et grande poches se sont vidées sur le sol dévoilant leur contenu – un peu gênant pour la petite poche. La documentaliste a fait les gros yeux, les autres élèves m’ont fixée, Sophie est accourue pour m’aider et, moi, j’ai gueulé. Je lui ai balancé des horreurs tout en remettant mes affaires dans mon sac, Sophie a ouvert la bouche, les autres élèves ont ri sous cape et la documentaliste s’est levée. J’avais pas vraiment envie de lui faire face, à cette vieille bique dingue du silence qu’elle passe sa vie à briser avec ses « Chut !!! » alors j’ai pris le reste de mes cahiers dans mes bras et suis sortie.

Voilà, maintenant certains mecs de la classe s’amusent à m’appeler « la Gueularde » et j’imagine que Sophie n’y est pas étrangère : ils n’ont pas le QI suffisant pour trouver un tel surnom, quoique je doute que Sophie l’ait aussi.

Bon, aujourd’hui je décernerai deux trophées (comme j’ai oublié de le faire la dernière fois, je m’octroie ce droit). Le premier est pour moi en tant que désespérée du CDI et le deuxième pour Sophie qui reste la plus grand emmerdeuse du siècle.

Le Journal des Quatre IndécisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant