Roxane - 13/10

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Lundi 13 octobre

Roxane

Salut personne !

Avant-avant-hier soir, Lou est rentrée totalement démoralisée. Ce qui est un fait notable étant donné que d’habitude, elle est plutôt sans expression. Après qu’on ait discuté de nos vies hautement intéressantes, j’ai eu des envies de meurtre contre Sophie et je me demandais si Tristan n’était pas un extraterrestre, étant donné qu’il a une tendance à changer d’avis à une vitesse impossible à suivre. Je crois qu’il m’a fait tous les coups !! On ne peut pas décemment passer du « je t’aime » à « je veux plus de toi », puis à « je t’évite comme la peste ». Il faut aussi noter que juste après, il m’a dragué de façon hyper appuyée, suivie d’une lettre très sympathique ou il m’a expliqué que j’étais la cause de tous ces malheurs et enfin, la meilleure, « Ah merde elle est en couple, bon ben j’abandonne » !! Cet enfant est vraiment psychologiquement instable ! Ah oui, avant que vous vous posiez la question : j’ai ruminé ça tout le weekend.

En plus de ça, samedi matin, la voisine nous a piqué une crise car on avait cassé la vaisselle de sa grand-mère… Moi je dis, le changement ça a du positif et puis, elles devaient être déjà toutes ébréchées leurs petites assiettes !

Bref, en dehors de notre victoire au volley contre l’équipe du PACA d’hier durant laquelle j’ai joué deux sets sur 5, c’était plutôt un weekend compliqué. Depuis que j’ai intégré l’équipe d’Aquitaine, je joue plus un rôle de fougère que de joueuse, j’en conviens : je suis une fougère très intéressante mais qui reste une plante verte. Là, on joue pour la coupe de France entre région ! Elles (les filles de mon équipe) ont fait des matchs de poule l’année dernière, ça c’était quand je n’étais pas encore là, et c’était mon premier match dans cette équipe, on jouait les huitièmes de finale. Si c’est aussi tôt dans l’année, c’est parce que les trois médaillés de la coupe de France vont se disputer la coupe d’Europe interrégionale cadette en juin. Vous vous imaginez ! Enfin, on n’a pas encore gagné mais on se débrouille vraiment bien pour l’instant et du coup, on va jouer les quarts de finale contre l’Alsace, chez elles ! Je pars donc manger de la flamenkuche le weekend du 2 novembre. Je suis en train de négocier pour que Lou m’accompagne parce que, disons, je n’ai pas l’habitude des voyages en solo… Je ne suis pas stressée, hein ! Bon juste un peu… Bon ok, je suis en pleine crise d’angoisse !

Le lundi matin est une journée cool : je n’ai pas énormément de cours, du coup je flâne souvent dans le parc quand il fait beau. Enfin ça, c’était avant que je rencontre Noah ! Toujours là quand il faut… Pour suivre les conseils avisés de ma sœur, je m’étais décidée à lui poser des questions et à ne pas flancher avant d’avoir obtenu des réponses ! J’avoue que j’ai un peu oublié ma résolution pendant la première demi-heure mais je me suis reprise.
« Noah… (concentration) Ça fait dix jours qu’on est ensemble et je ne sais toujours pas quel âge tu as, dans quel classe tu es et…
Petit sourire troublant de sa part.
- Peut-être parce que ça n’a pas d’importance.
Il s’est dangereusement approché mais je m’étais préparée et j’ai dévié l’attaque.
- Plus de bisous tant que t’auras pas répondu à la question.
- J’ai 18 ans et je travaille comme serveur dans un resto du centre-ville. Je fais aussi de la photographie à mes heures perdues.
J’ai accusé le coup.
- Mais tu… n’as aucune photo personnelle chez toi ! Qui sont tes parents ? Et ton bac, tu l’as ?
- Je ne l’ai pas car ça n’a aucune utilité. Mais on avait dit une seule question. »
Il s’est de nouveau approché de moi et je n’ai pas pu éviter le bisous, cette fois. Pour ma défense, j’étais un peu désarmée par sa précédente réponse. Je sortais avec un mec de 18 ans qui n’allait plus à l’école et qui n’avait même pas son bac et qui était serveur et artiste et… Tout l’opposé de moi. Je me suis quand même demandée si je l’aimais pour ce qu’il était ou parce qu’il embrassait bien. En fait, je ne le connaissais pas du tout…
Je suis un peu partie en courant sous son regard étonné.

Arrivée chez moi, Lou était là. Sûrement encore un prof absent. Elle m’a regardée, l’air d’attendre quelque chose.
« Quoi ? lui ai-je demandé un peu bêtement.
- Bah… T’as parlé avec Noah ?
- Oui…
- Et alors ?! Tu me fais jouer aux devinettes ou il t’a grillée tes neurones ?
- Il a 18 ans …
- Trois ans de plus que toi.
- Il a 18 ans…
J’étais complètement partie ailleurs. Pourquoi il n’avait pas passé son bac ? Il est plutôt intelligent et très cultivé. Il avait peut-être besoin d’argent mais… et ses parents, et sa famille ? Il s’était peut-être brouillé avec eux…
- Youhouh !! Roxane tu m’écoutes ?
- Tu disais ?
- C’est lui qui te met dans cet état ? En fait, c’est un espion de la mafia et il t’a menacé de te découper en morceau si tu me le dit…
J’ai regardé Lou genre « il te manque une case ». Elle avait un petit sourire moqueur.
- Non il est serveur… Il a arrêté les cours avant de passer son bac.
- OK… (Elle avait repris son air sérieux). Ce n’est peut-être pas le petit copain du siècle…
- Faut que j’aille faire mes devoir j’ai volley après…
Je me suis enfuie mais en haut des escaliers, je lui ai lancé :
- C’est toujours mieux qu’Antoine.
- Peut-être, mais il arrive juste après sur la liste de tes pires petits copains du siècle.
- Et le dernier de la liste ? Le meilleur petit copain que j’ai eu, c’est qui ? lui ai-je demandé, intriguée.
- Celui de tes rêves… Ou bien Tristan.
- Et bah, ma vie sentimentale est vraiment triste…
Sur ce, je suis partie.

Après ma magnifique séance de volley où mon entraineur a réussi une fois de plus à m’oublier pendant une demi-heure, je suis rentrée en marchant car ma mère avait, elle aussi, oublié mon existence. J’arrivais à hauteur du lycée ce qui représente la moitié du chemin, quand Tristan s’est arrêté à côté de moi, totalement essoufflé.
- Ça te dérange si je marche à côté de toi ?
- Oui. Je préférerais que tu cours encore un peu.
Silence pendant ce qui me parut une heure puis il prit une grande inspiration.
- Je… Je voulais…
- Tu sais ce que c’est, la communication ? l’ai-je coupé. Les sms, le téléphone, la poste ?! Bon, les lettres, je sais que tu maitrises. Le tout, ce serait de leur coller un timbre et de les envoyer ! Tu vois ce que sait, un timbre ? Et ben tu sais quoi : c’est pas cher et il ne faut pas être diplômé pour l’utiliser…
- T’as lu la lettre…
- Evidemment, ta mère ne t’a pas raconté… J’ai cru qu’elle allait me la photocopier, en grand format, pour que je l’affiche dans ma chambre au cas où je l’oublie !
- Je suis désolé…
- T’as que ça à me dire ?
- Non Roxane. (Une autre inspiration.) Si je suis parti, c’était pour aller voir mon père. Il est malade, un cancer, et du coup, il m’a cherché et m’a envoyé une lettre… Il est partie quand j’avais un an parce qu’il ne supportait pas la vie de famille… Ma mère en a bavé à cause de lui et je ne voulais pas lui dire où j’allais… Je me suis dit, et tu ne peux pas savoir à quel point je regrette, que si je lui racontais que j’avais le cœur brisé, elle allait me laisser du temps sans trop s’inquiéter. J’avais tort.
- T’as vraiment l’esprit tordu. Pourquoi moi ? Ça avait l’air de coller avec Cassandre !
OUH LA LA la jalouse !!!
- Cassandre ? fait-il, comme si il ne voyait pas de qui je parlais.
- Oui, Cassandre !!
- Mais… Ma mère aurait compris que c’était n’importe quoi ! Comme si je pouvais sortir avec cette fille ! C’est juste une amie. Et puis, ma mère sait très bien que j’ai une autre fille en tête…
Il avait légèrement rougi.
- Qui ça ? l’ai-je un peu torturé.
- Au fait, tu serais pas un peu jalouse de Cassandre ? a-t-il changé de sujet.
Mon tour de jouer la tomate.
- Je suis en couple.
On était devenu pro du « je contourne le sujet ». Il s’est assombri.
- Je sais. D’après ta sœur, il s’appelle Noah…
- Oui. Il est… gentil. Il m’a consolée quand ta mère se faisait les griffes sur moi et que j’avais lu ta jolie lettre.
Et pro de la torture aussi !
- Donc c’est de ma faute… C’est ça ?
- Tu pensais vraiment que je t’attendrais bien sagement après ce que tu m’as fait ?!
- Non… C’est juste que… (Très très très grosse inspiration.) Je t’aime… bien
J’ai ouvert grands les yeux. Et bah… au revoir la timidité.
Et, au point, où il en était, il m’a embrassée. J’en avais sûrement autant envie que lui mais là, c’était trop facile. J’étais à la fois en colère, heureuse, étonnée et pleine d’autres émotions en même temps qui se battaient en moi. C’est la colère qui a gagné. Je me suis reculée.
- Faut vraiment que t’ailles consulter ! Et parler à ta mère aussi ! Parce qu’elle ne m’a pas vraiment dans le collimateur !

Et puis… Courage fuyons !

Le Journal des Quatre IndécisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant