Lou - 05/11

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Mercredi 5 novembre

Lou

Humeur du jour : paniquée.

Bon, tout d'abord, je crie au scandale ! Non mais c'est quoi ce délire ?! Une punition collective ?! C'est illégal je vous signale ! Non mais je rêve... Bon, en vrai, je ne m'en fous un peu : mon père ne connait pas mon emploi du temps alors c'est décidé : cette semaine – et aussi longtemps que la punition durera – je finirai au plus tôt à 17 heures. Non mais, il faut bien que je vois Quentin de temps en temps, non ? Il faudrait pas qu'il se sente délaissé....

Bref, je fais des heures sup' au lycée et comme on y a pas le droit au téléphone allumé mais que j'ai la flemme d'éteindre le mien, je me contente de le mettre en silencieux. C'est donc pour ça que j'ai raté les huit appels de papa. En vrai, si je n'avais pas été avec Quentin, j'aurais regardé mon portable dès ma sortie des cours, soit à 15 heures, mais bon, vous savez les priorités... Bref, bref, bref : j'étais au milieu de chemin de retour lorsque j'ai vu que papa avait essayé de m'appeler huit fois entre 17h30 et 17h35. Très, très mauvais signe.

Ma première pensée a été qu'il savait pour mon emploi du temps et pour Quentin. Sauf que si ça avait été le cas, il serait venu me chercher en personne au lycée, rien que pour le plaisir de m'offrir une bonne humiliation publique dans les règles. Du coup –contrairement à mes habitudes – j'ai écouté l'un des nombreux messages qu'il m'avait laissé. Ça disait à peu près ça : « Lou ça fait quatre fois que je t'appelle !! T'es où à la fin ?! Ta mère.... Papa t'as pas le droit de téléphoner au volant je te signale (ça c'est Aliénor)... je sais... Je sais ! LOU REPOND !!On va à... Papa ! (de nouveau Aliénor). Bon, Roxane prend le téléphone s'il-te-plait ! Lou (voix de Roxane en pleurs : moi qui panique vraiment grave) on va à l'hôpital là : maman a... (pleurs)...Elle... Maman se sent pas bien, je crois que c'est en rapport avec le bébé, il faut que tu nous rejoignes là-bas ! (pleurs très violents). »

Comment vous décrire dans quel étant je me trouvais... J'ai eu quelques minutes de panique intense où je me suis empêchée de justesse de fondre en larmes au milieu de la rue. Ensuite, je me suis demandée où pouvait bien se trouver l'hôpital de Bordeaux. Après, je me suis souvenue que j'y avais déjà passé un petit séjour –merci Sophie – mais que j'étais alors émotionnellement trop chamboulée pour me souvenir du trajet. Du coup, j'ai appelé Quentin. Après tout, il était bordelais : il devait bien savoir comment y aller à ce foutu hôpital. J'ai essayé de lui expliquer calmement la situation mais les larmes sont vite montées.Il m'a demandée où j'étais puis m'a dit d'attendre : il arrivait. Quelques minutes plus tard, une voiture s'est arrêtée à ma hauteur et Quentin a ouvert la fenêtre du côté passager pour me dire de monter. Ce que j'ai fait avant de me rendre compte que le conducteur... était à peine plus vieux que moi. Je devais avoir l'air plus paniqué que jamais parce que Quentin a tenté de me rassurer :

« T'inquiète !Il est en conduite accompagnée : ça fait six mois qu'il conduit avec ses parents ! Il gère !

Le problème, c'était ça : il, le mystérieux conducteur, conduisait certes depuis six mois mais avec ses parents ! Je l'ai fait remarquer à Quentin qui a eu l'air de chercher un contrargument mais qui n'a rien pu sortir parce que le conducteur mineur s'est tourné vers moi :

-Tu veux y aller à l'hôpital, oui ou merde ? »

Oui, j'avais envie – besoin – d'y aller ! Alors j'ai fait celle qui n'était pas à bord d'une voiture conduite par un mineur et je lui ai dit de foncer. Sur la route vers l'hôpital, j'ai appris qu'il s'appelait Lucas, que c'était l'un des meilleurs potes de Quentin et qu'il faisait ça tout le temps. Je ne sais pas encore si ça m'a vraiment rassurée.

On a fini par arriver : Lucas nous a déposés devant l'entrée pour aller se chercher une place et j'ai foncé vers l'accueil, Quentin sur les talons. J'avoue que j'ai dû être un peu brusque avec la dame de l'accueil mais j'avais des circonstances atténuantes. Bref, je lui ai demandé si elle n'avait pas vu passer une famille de trois enfants : une blonde en pleurs, un blond qui faisait semblant d'être Ok et une petite brune qui courrait dans tous les sens pour trouver un sens à ce qui lui arrivait. J'ai précisé que la mère était enceinte de son cinquième enfant et que la blonde en pleurs était ma jumelle «enfin fausse parce qu'on se ressemble pas du tout mais oui on a le même âge ». La dame avait l'air un peu perdu alors Quentin lui a juste demandé où est-ce que les femmes enceintes rencontrant un problème durant leur grossesse étaient envoyées.

On a pris l'ascenseur jusqu'au troisième étage, là où on nous avait dit d'aller et dès qu'on est sorti, je les ai tous vus : mon père, mes sœurs, mon frère. Pas de trace de maman. J'ai couru vers eux et Roxane m'est tombée dans les bras pour bien m'inonder l'épaule de larmes. Ensuite, Aliénor a essayé de se faire une place entre Roxane et moi puis papa s'est ramené et Arthur a fait semblant de trainer des pieds pour participer au câlin familial. Je sentais le regard de Quentin dans mon dos qui devait se sentir un peu de trop.

J'ai eu le droit à une petite engueulade inquiète de papa du style :« mais t'étais où bon sang ?! » puis à une explication du problème. Maman avait eu un malaise puis avait fait une crise de panique et des crampes au ventre. Bref, les médecins faisaient des examens et ils préféraient la garder à l'hôpital, compte tenu qu'elle attendait son cinquième enfant et qu'elle n'était plus toute jeune.

On est allé la voir dans sa chambre lorsque les examens ont été terminés. Elle avait l'air crevée. J'ai libéré Quentin dès qu'on a été autorisé à voir maman. Nous, on est resté jusqu'à 20 heures du soir puis papa a appelé un taxi pour nous ramener à la maison, Aliénor, Arthur, Roxane et moi. Lui, il restait avec maman. Une fois à la maison, j'ai dû gérer plus d'une crise de larmes et commander des pizzas puis on a tous fini les uns blottis contre les autres dans mon lit à essayer de se rassurer.

On peut dire ce que ça m'a fait réfléchir, tout ça, et que finalement, je vais peut-être le remplir ce tableau de prénoms. Parce qu'après tout, c'est aussi ma petite sœur qui va bientôt naitre et que je veux lui épargner un prénom trop laid.

May : Bof
Clara : véto
Lucille : Je valide
Gaëlle : Bof
Manon : véto
Eliane : véto
Cassandre : Je valide
Camille : Véto

Voilà, j'ai enlevé les prénoms où tout le monde était d'accord sur le fait qu'ils étaient horribles ou vraiment bof : Arthur, c'est à toi de donner ton avis maintenant : la vie de bébé petite sœur est entre tes mains.

Oh, je voulais juste ajouter un mot à propos de Quentin. Après avoir supporté ma famille en mode panique totale à l'hôpital, il a gagné une reconnaissance officielle en tant que mon premier petit copain. Je vous dis pas le regard de papa quand il lui a serré la main...

Bon ben je remets un trophée à bébé sœur qui n'est même pas encore née mais qui nous flanque déjà de ces peurs....

Le Journal des Quatre IndécisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant