Lou - 16/10

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Jeudi 16 octobre

Lou

Humeur du jour : au point de rupture. J’en ai marre de ressentir des émotions !! Je veux devenir un robot !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Ça va faire près d’une semaine que tout le lycée est au courant que je suis lesbienne. Enfin, je ne le suis pas, et ça j’en suis sûre et certaine, mais c’est pas vraiment l’avis de tout le monde. J’ai eu le droit d’être draguée par deux ou trois nanas, j’ai récolté des prospectus genre « Tu te sens incompris(e) et opprimé(e) à cause de la nature de tes sentiments ? Rejoins le groupe des Défenseurs et tu sauras que non, être gay ne rime pas avec fatalité ! » et Sophie, toujours elle, s’en frotte les mains ! Le seul point positif de toute cette histoire, c’est que je suis née au XXI° siècle, époque ou être gay n’est pas puni du bûcher (enfin, si on brûlait les homos avant).

Bref, bref, bref, j’ai la vie dure et même mon prof principal s’en est rendu compte ! Du coup, il veut absolument rencontrer mes parents. L’horreur. Et il faut que je sois présente. L’enfer. Je soupçonne tout de même Sophie d’avoir fait semblant de jouer son rôle de déléguée et d’avoir parlé de mon mal être (grand mot) au prof.

Toujours au sujet des emmerdeurs, j’aimerais parler de Tristan et de sa fâcheuse manie de rater tout ce qu’il entreprend et de jamais l’assumer. Sous prétexte que ça a foiré avec Roxane l’autre jour, il est venu m’engueuler hier matin. Je vous resitue la scène : j’étais tranquillement assise seule sur un banc dans la cours lorsque j’ai vu un Tristan furax foncer droit sur moi.
« T’en as d’autres, des conseils pourris à me refiler ?! Parce que franchement, ta technique elle est absolument merdique !!! Roxane m’a bien rembarré et j’imagine que ça a dû te faire plaisir ! Non mais tu…
Je me suis levée parce que j’ai horreur de me sentir inférieure lorsque je m’engueule avec quelqu’un et j’ai crié plus fort que lui pour le forcer à m’écouter.
- STOP !!!!! Tu crois que ça me fait plaisir de la voir avec Noah ?! Ben non ! Mais je crois te l’avoir déjà dit. Bref, maintenant que tu sembles plutôt calme, on va pouvoir parler posément. Un, ce n’est pas ma faute si ça a foiré : tu ne peux t’en prendre qu’à toi. Deux, tu n’as pas bien écouté ce que je t’avais dit : je t’ai conseillé de lui parler pas de l’embrasser ! C’était trop tôt ! Trois, si tu continues à me parler comme ça, mes conseils tu pourras te les mettre là où je pense !
- Ok, ok, a-t-il fait tout penaud, je suis désolé, t’as raison, j’aurais pas dû m’énerver… c’était stupide et…
- Ça ira pour les excuses. Bon, passons aux choses sérieuses. Je veux bien t’aider…
- Oh merci ! T’as vraiment trop sympa ! Et encore pardon hein, je…
- Excuse-toi encore une fois et je te gifle ! 
- Ok… Pardon. Non, c’est pas ce que je voulais dire ! Excuse-moi…. Aie ! Mais tu m’as vraiment frappé !
- Et tu peux pas savoir comment ça fait du bien. Bon, concentration ! Tu vas voir Roxane, tu t’excuses de nouveau, pas trop hein, et tu t’arranges pour redevenir son ami.
- Son ami ?!
- Oui. Le mieux, ce serait que tu finisses dans sa friendzone pour toujours mais…
- Tu déconnes, là !
- Mais oui, débile ! Bref, débrouille-toi pour qu’elle t’apprécie de nouveau !
- Ok, merci encore ! »
Et il est parti.

Je pense que niveau mauvaises nouvelles, on est bon. Passons à autre chose de plus intéressant. Comme la manière dont Monsieur « je matte de loin et très discrètement » m’a abordée. (Et comment je l’ai rembarré aussi. Pitié que Roxane ne lise pas ça, sinon elle va m’engueuler sous prétexte que je fais fuir tous les mecs qui s’intéressent à moi. Et faites aussi qu’Arthur ne tombe pas dessus sinon il va forcément en parler à table.)

Ça s’est passé juste après que Tristan soit parti. J’étais encore assez énervée et mon exo de maths que je travaillais depuis tout à l’heure ne s’était toujours pas résolu tout seul, lorsqu’il s’est assis à côté moi. Il aurait pu mieux choisir son moment. Mais bon, les mecs restent pour moi une énigme.

J’ai senti qu’il m’observait mais ai fait semblant de ne pas l’avoir remarqué. Au final, il a lancé un :
« Salut ! Qu’est-ce que tu fais ?
Je l’ai rembarré d’un :
- Ça te regarde ?
Il s’est énervé :
- Eh ! Qu’est-ce qui te prends de me parler comme ça ?
J’ai rétorqué :
- Et toi, qu’est-ce qui te prends de me parler tout court ?
Il était décontenancé :
- Ben… J’avais envie de faire connaissance… Moi, c’est Quentin !
J’étais blasée :
- Super.
Il était désespéré mais au courant :
- Ok… Toi c’est Lou, c’est ça ?
Je savais plus quoi répliquer :
- Mm. 
Il a souri et purée, c’était pas un sourire raté !
- Dis, tu es toujours aussi joviale ?
J’ai retrouvé l’inspiration :
- C’est l’une de mes plus grandes qualités.
- Je me disais aussi !
- Et toi, la discrétion, c’est pas ton fort, non ?
- Ah ! Je suis un si bon espion que ça ?
- Encore pire.
- J’adore quand on me fait des compliments !
- Avec moi, tu vas être servi.
- C’est pour ça que je suis venu te parler.
- Il fallait bien qu’il y ait une raison.
- C’est pas vraiment la seule…
J’ai rougi :
- Ah.
- Juste pour info, c’est vrai que tu es lesbienne ?
J’ai vu rouge :
- Non, ce n’est pas vrai et non, je n’ai pas de copine et non, je n’ai pas envie d’être ton amie ou quoi que ce soit d’autre ! Maintenant, si tu permets, je me casse parce que je supporte mal les imbéciles ! »
J’ai remballé mes affaires à la vitesse de la lumière et je l’ai planté là. J’avais un drôle de goût dans la bouche, une envie de pleurer de dingue, la gorge serrée et une boule dans le ventre.

Aujourd’hui, il est revenu s’assoir à côté de moi mais il n’a rien dit cette fois. C’est juste au moment de la sonnerie qu’il a ouvert la bouche :
« Je voulais pas te blesser en te demandant si tu étais lesbienne ou pas. En vrai, je m’en fous…. Enfin non, je m’en fous pas : si t’avais été lesbienne, jamais tu aurais pu t’intéresser à moi et ça aurait été vachement dommage pour moi parce que… parce que tu me plais vraiment. »

Et il m’a plantée là.

Le Journal des Quatre IndécisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant