Voiture Noire

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Je tentai de garder bonne figure devant Gabriel et mes autres collègues, mais l'inquiétude dans leurs yeux me trahissait. Mon sourire crispé, mes gestes nerveux, tout révélait mon état intérieur. Chaque matin, je peinais à retrouver un semblant de normalité, masquant les cernes sous mes yeux et camouflant l'angoisse qui me rongeait. L'expéditeur anonyme, omniprésent dans mon esprit, s'était infiltré dans ma vie privée de manière insidieuse. Ses messages étaient devenus une ombre constante, pesant lourdement sur ma conscience.

Tout avait commencé par des mots inquiétants, mais c'était rapidement devenu bien plus que ça. L'un des premiers messages m'avait intimée de ne rien dire à personne, sous peine de voir divulguer des informations sensibles sur mon passé. Je me souvenais du choc en recevant une photo d'un rapport psychologique, un document que je pensais enterré à jamais. Personne ne connaissait ce rapport, pas même ma famille. À l'époque, je consultais un psychologue pour surmonter les traumatismes de mon enfance, une période marquée par des cris, des pleurs et une violence indicible. Ces souvenirs, bien que lointains, avaient laissé des marques indélébiles. La honte et la peur de ce passé refaisaient surface avec une violence inouïe. Maintenant, cet inconnu les brandissait comme une arme, m'enserrant dans un piège invisible mais implacable.

Je ne pouvais rien dire. Ni à Gabriel, ni à Jordan, ni même à la police. J'étais prise au piège, terrifiée à l'idée que ces informations puissent être révélées au grand jour. Cette situation me donnait l'impression d'étouffer, chaque respiration devenant un effort. Je me sentais seule, piégée dans un cauchemar dont je ne pouvais pas m'échapper.

Un jour, alors que j'allais chercher à manger pour Gabriel et moi, une voiture noire fit des appels de phares. Mon cœur s'emballa, mes paumes devinrent moites. La rue était déserte, ce qui rendait la situation encore plus inquiétante. J'ignorai les signaux et continuai mon chemin, tentant de conserver mon calme. Mais alors que je traversais la rue, une voiture surgit à vive allure, manquant de me percuter de peu. Je m'écartai brusquement, le souffle coupé. Mes jambes tremblaient, une sueur froide perlant sur ma peau. La voiture noire démarra lentement, ses vitres teintées ne laissant rien paraître de son occupant. Elle se fondit dans la circulation, me laissant seule avec ma peur.

Mon téléphone vibra dans ma poche, me ramenant brutalement à la réalité. Un nouveau message de l'expéditeur :

"Tu ne peux pas m'échapper, Orane. Je t'observe. Ta campagne, ton avenir... tout est entre mes mains."

Ces mots résonnèrent comme un coup de poignard. Je sentis une terreur viscérale m'envahir, mes mains tremblant de plus en plus. La pression était devenue insupportable. De retour au bureau, je déposai les sacs de nourriture sur le bureau de Gabriel, prétextant un besoin urgent de me rafraîchir. Dans les toilettes, je laissai l'eau froide couler sur mes poignets, essayant de calmer les battements affolés de mon cœur. Mon reflet dans le miroir ne renvoyait qu'une image de désespoir et de fatigue extrême. Mon visage, habituellement énergique, était marqué par la peur et l'épuisement. Je ne pouvais plus supporter cette situation.

Gabriel remarqua mon trouble. "Orane, tu es sûre que tout va bien ? Tu sembles tellement stressée ces derniers temps," dit-il doucement, cherchant à capter mon regard.

Je secouai la tête, esquissant un sourire forcé. "Juste un peu de fatigue, la campagne est intense," mentis-je, mon estomac se nouant à la pensée de ce que je cachais.

Après le déjeuner, je réalisai qu'il me fallait des réponses. Je ne pouvais pas rester passive face à cette menace. Prenant une profonde inspiration, je tapai une réponse sur mon téléphone, hésitant une fraction de seconde avant d'envoyer :

"Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?"

La réponse ne tarda pas à arriver. Ce qui y était écrit me fit l'effet d'une douche glacée :

"Je suis celui qui connaît tes faiblesses. Celui qui peut détruire ta carrière, ton image... et ta relation avec Jordan. Tu ne pourras pas m'ignorer, Orane. Nous ne faisons que commencer."

La froideur de ces mots, l'assurance de cette personne à me tenir en laisse, me glaça le sang. Qui était-il ? Comment pouvait-il savoir tant de choses sur moi ? L'idée que quelqu'un, quelque part, connaissait mes secrets les plus intimes était insoutenable. Était-ce Marine, cherchant à ruiner ma carrière pour des gains politiques ? Ou Nolwenn, dont les intentions envers Jordan avaient toujours été ambiguës ? L'incertitude me rongeait.

Cette menace n'était plus seulement psychologique; elle devenait tangible, presque palpable. Je sentais l'étau se resserrer autour de moi, chaque nouvelle menace venant éroder un peu plus ma résistance. J'étais sur le point de craquer, et la peur de tout perdre : ma carrière, ma réputation, Jordan, m'emplissait d'un désespoir insondable. J'essayais de garder le contrôle, mais la réalité était que je perdais pied.

L'inconnu avait raison : nous ne faisions que commencer. Et je redoutais les prochains pas, les prochaines escalades. Je savais que je devais rester forte, mais chaque nouvelle menace m'affaiblissait un peu plus. L'incertitude, la peur, le doute s'insinuaient dans chaque aspect de ma vie, menaçant de tout emporter.

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