La salle de réunion était plongée dans un silence tendu, l'air chargé d'électricité. J'avais décidé de reprendre le travail. Doucement mais j'en avait besoin, je ne pouvais plus rester dans l'appartement à rien faire. Assise à la table en bois massif, entourée de conseillers et d’assistants politiques, je me sentais étrangement déconnectée de ce qui se passait. Le va-et-vient des discussions stratégiques entre les deux camps résonnait comme un bruit de fond lointain, presque inaudible. Tout ce que je pouvais entendre, tout ce que je pouvais ressentir, c'était cette présence à l'autre bout de la table.
Jordan.
Son regard, froid et distant, ne se posait jamais directement sur moi, et pourtant, je pouvais sentir son attention, brûlante et inévitable, comme une ombre qui planait au-dessus de moi. Depuis mon retour, il n'avait jamais vraiment cherché à comprendre, à creuser. Ce matin encore, en entrant dans cette pièce, j'avais espéré une sorte de réconciliation tacite, un signe que tout n'était pas perdu entre nous. Mais il n'y avait rien eu. Rien d'autre que ce mur de glace qu'il érigeait soigneusement entre nous.
Gabriel avait insisté pour que je participe à cette réunion, malgré mes hésitations. « Il faut que tu sois là, Orane, tu es un pilier de cette campagne, » m'avait-il dit. Je savais qu'il avait raison. Ma place était ici, à ses côtés, à défendre nos idées, nos convictions. Mais je n'avais pas anticipé l'impact de la présence de Jordan. Pas de cette manière, en tout cas.
Je tentais de me concentrer sur les échanges qui se déroulaient autour de moi, mais mes pensées revenaient inlassablement à lui. Pourquoi se montrait-il si dur ? Si impassible ? Chaque regard que je tentais de lui adresser était repoussé par un mur d'indifférence apparente, et chaque mot échangé entre nos deux camps semblait envenimer un peu plus l'atmosphère.
À un moment, l'un des conseillers de Gabriel mentionna un point crucial de notre programme, un sujet sur lequel nous savions que le parti de Jordan avait une position diamétralement opposée. Je jetai un coup d'œil en sa direction, espérant capter une réaction, une expression, n'importe quoi. Mais son visage restait de marbre, à peine éclairé par une lueur de défiance dans ses yeux.
Il prit la parole à son tour, son ton calme, presque tranchant. « Nous avons déjà exposé notre position sur ce sujet. Il n'est pas question de revenir dessus. » Sa voix, d'ordinaire si familière, me semblait maintenant pleine d’une froideur que je ne lui connaissais pas. Pourtant, derrière cette façade, je pouvais percevoir une tension, un malaise qu'il ne parvenait pas à dissimuler complètement. Mais que ressentait-il vraiment ? Était-ce de la colère ? De la douleur ? Ou pire encore, de l'indifférence ?
Je me crispai sur ma chaise, luttant pour ne pas laisser mon trouble transparaître. J’avais imaginé tant de fois nos retrouvailles, mais jamais je n’aurais cru que cela se déroulerait ainsi, au milieu de cette guerre froide politique, où chaque mot semblait être une arme et chaque regard, une trahison.
Au fil de la réunion, nos échanges devinrent de plus en plus acerbes, les désaccords politiques semblant se teinter d'une animosité personnelle. Chaque phrase prononcée par Jordan résonnait en moi comme une accusation silencieuse, un rappel douloureux de ce qui s’était brisé entre nous. Et moi, de mon côté, je devais faire semblant. Semblant d'être en contrôle, semblant de ne pas être affectée par son mépris apparent.
Quand la réunion toucha à sa fin, un sentiment de soulagement mêlé de tristesse m’envahit. Alors que les participants commençaient à quitter la salle, je restai figée un instant, mon regard se portant une dernière fois sur Jordan. Il se leva, attrapa ses dossiers, et se tourna vers la porte sans un mot, sans un regard pour moi.
Je pris une profonde inspiration, sentant les larmes me monter aux yeux, mais je les retins. Pas ici, pas maintenant. « Orane, tu viens ? » La voix de Gabriel me sortit de mes pensées. Je hochai la tête, rassemblant mes affaires avec des gestes mécaniques. Je devais rester forte, même si tout en moi hurlait de douleur.
Alors que je sortais de la pièce, une partie de moi espérait encore un miracle, une parole, un signe. Mais le couloir était aussi froid et impersonnel que la salle de réunion, et Jordan était déjà loin, perdu dans ses propres tourments, tout comme moi.
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Passions et Politique
General FictionOrane Hoarau, une jeune femme pleine de passion et de détermination, se lance dans le monde complexe et tumultueux de la politique française. Aux côtés de Gabriel Attal, talentueux stratège du gouvernement, elle commence à apprendre les ficelles du...