à notre rythme

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En sortant du bar à vin ce soir-là, je me sentais étrangement apaisée. La fraîcheur de la nuit parisienne me picotait doucement la peau, comme pour me rappeler que tout cela était bien réel. Jordan et moi marchions côte à côte, en silence, laissant les mots flotter dans l’air, inutiles. Le simple fait de sentir sa présence à mes côtés suffisait à me procurer une sorte de réconfort, une sensation que je n’avais pas connue depuis longtemps.

Nous traversons quelques rues, nos pas résonnant doucement sur les pavés. Il n’y avait pas de précipitation, juste cette tranquillité partagée. Je jetai un coup d’œil furtif vers lui, observant son profil éclairé par les lampadaires. Il semblait détendu, mais il y avait aussi quelque chose de plus profond dans son expression, un calme intérieur que je ne lui avais pas souvent vu.

Finalement, il s’arrêta, m’obligeant à faire de même. Nous étions arrivés à un croisement, un de ces endroits où nos chemins allaient probablement se séparer pour la soirée. Il se tourna vers moi, et nos regards se croisèrent à nouveau. Pendant un instant, je fus tentée de rompre ce contact visuel, de me protéger derrière la barrière de la distance que j'avais construite si soigneusement. Mais je n’en fis rien.

« Merci pour cette soirée, Orane, » dit-il doucement, sa voix résonnant avec une sincérité désarmante.

Je hochai la tête, un sourire esquissé sur mes lèvres. « C'était… agréable. »

Il sourit en retour, mais il y avait une pointe de gravité dans son regard, comme s’il pesait soigneusement ses mots. « Tu sais, je ne pensais pas que nous en arriverions là… à ce moment où nous pourrions simplement marcher ensemble sans tout ce poids. »

Je laissai ses paroles m’envahir, une vague de chaleur se diffusant dans ma poitrine. Il avait raison. Cette simplicité, ce naturel entre nous, c’était quelque chose que je n’aurais pas cru possible il y a encore quelques mois. Mais voilà, nous y étions, et cela me paraissait presque miraculeux.

« Moi non plus, » admis-je doucement, baissant légèrement les yeux avant de les relever vers lui. « Mais je suis contente qu’on y soit arrivé. »

Un autre silence s’installa, plus chargé d’émotions cette fois. Il y avait tant de choses non dites, tant de regrets et de désirs que nous avions tus pendant si longtemps. Pourtant, à cet instant, je sentais que nous n’avions pas besoin de tout exprimer en paroles. Ce n’était pas le moment. Pas encore.

« Tu vas rentrer chez toi ? » demanda-t-il finalement, brisant le silence.

Je hochai la tête. « Oui, je pense. Et toi ? »

Il haussa les épaules, une lueur amusée dans les yeux. « Pareil. Je ne suis plus aussi résistant qu'avant pour les soirées tardives. »

Un léger rire m’échappa, et je sentis une nouvelle fois cette légèreté me gagner. « Eh bien, il y a du progrès. »

Il sourit, et cette fois, c’était un sourire large, presque enfantin, comme si quelque chose en lui avait été libéré. « Continue à me faire rire, et ça arrivera peut-être plus souvent. »

Je souris aussi, ravie de voir cette réplique retourner vers moi avec une touche d'humour. « Eh bien, continue à être drôle, et ça arrivera peut-être plus souvent. »

Nous rions tous les deux, et cette fois, le rire ne mourut pas aussi vite. Il résonna dans la nuit, léger et pur, comme un écho de quelque chose de beau que nous étions en train de retrouver.

Après un dernier échange de regards, nous nous séparons, chacun prenant une direction opposée. Mais cette fois, il n’y avait pas de tristesse, pas de nostalgie. Juste une douce certitude que, quoi qu'il arrive, nous étions sur le bon chemin.

Les jours suivants furent marqués par une succession de petits moments, des instants volés où je sentais que quelque chose de plus fort, de plus profond, se construisait entre nous. Nous continuions à nous croiser au Parlement, à échanger des sourires complices, des remarques qui faisaient rire l’autre. Tout se faisait naturellement, sans pression, sans attentes démesurées.

Et puis, un soir, alors que la journée de travail touchait à sa fin, je reçus un message de sa part. C'était un simple texte, une question anodine, mais il déclencha quelque chose en moi.

« Ça te dirait de refaire une promenade un de ces jours ? »

Je restai un moment à fixer l’écran de mon téléphone, le cœur battant un peu plus vite que d’habitude. Cette invitation, aussi innocente qu’elle paraisse, représentait plus qu’une simple marche. C’était une porte qui s’ouvrait, un nouveau chapitre qui commençait.

Je pris une profonde inspiration avant de taper ma réponse, un sourire flottant sur mes lèvres. « Avec plaisir. »

Et c’est ainsi que, doucement, pas à pas, nous nous rapprochions, avec la prudence de ceux qui ont beaucoup perdu mais qui sont prêts à tout reconstruire, patiemment, à leur propre rythme.

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