Le goût de la victoire

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POV Jordan :

La soirée des résultats du premier tour des élections était enfin arrivée. L'excitation et le stress flottaient dans l'air, chaque seconde s'étirant comme une éternité. Mes yeux étaient rivés sur l'écran géant, le cœur battant à tout rompre, tandis que les voix des candidats de nos différentes régions se faisaient entendre. La tension était palpable, chacun retenant son souffle pour le décompte final.

"5, 4, 3, 2, 1…"

La voix de l'animateur résonna alors que les résultats apparaissaient sur l'écran. “Et c’est le Rassemblement National qui s’impose en tête de ce premier tour avec 33% des voix, suivi de Nouveau Front Populaire à 26% et d’Ensemble à 24%.”

Un immense sourire se dessina sur mon visage, et une vague de soulagement déferla sur moi. La salle éclata en acclamations, la joie envahissant l'espace. Nous avions franchi une étape cruciale, un premier pas vers la victoire. Pourtant, au milieu de cette euphorie, une pensée furtive traversa mon esprit : Orane. Elle et son parti, arrivés en troisième position, ne devaient pas être en liesse. Je savais qu'elle serait déçue, et cette pensée me pinça le cœur. Mais il n'y avait pas de temps pour la compassion, car Marine, rayonnante, m'interrompit dans mes réflexions, me demandant d'écrire un discours.

Nous nous sommes installés dans une petite salle adjacente pour peaufiner les derniers détails. Marine était toute en énergie, ses yeux brillants d'anticipation. Ensemble, nous avons peaufiné le texte, veillant à ce qu'il soit à la hauteur des attentes. Une fois le discours prêt, je me dirigeai vers notre QG où les partisans attendaient avec impatience.

À mon arrivée, les applaudissements redoublèrent. J'adressai un grand sourire à la foule, levant la main en signe de salut. Je commençai mon discours en remerciant tout le monde pour leur soutien indéfectible, invoquant les valeurs et les espoirs qui nous portaient. Nolwenn se tenait à mes côtés, radieuse. Sa présence était un rappel de notre passé commun, et maintenant, elle jouait le rôle de l'alliée stratégique, un pilier d'une façade que nous devions maintenir pour le bien de l'image publique.

Après avoir terminé mon discours, je descendis pour saluer nos partisans de plus près. C'est alors que, dans un mouvement inattendu, Nolwenn m'attrapa par le bras et, sous le regard des caméras, se mit à m'embrasser. La foule, surprise d'abord, se mit à exulter. Les cris de joie et les acclamations emplirent l'air, tandis que Nolwenn prolongeait le baiser. Ce baiser, loin d'être anodin, raviva en moi un tourbillon d'émotions mêlées, des souvenirs de notre passé commun ressurgissant. Ce geste calculé m'avait pris de court, me laissant légèrement chamboulé. La foule autour de nous ne semblait voir que l'image idyllique d'un couple réuni, mais tout ce que je pouvais penser, c'était à Orane et à ce qu'elle ressentirait en voyant ces images.

Je gardai mon calme, esquissant un dernier signe de la main à la foule avant de me retirer avec Nolwenn vers les coulisses. Une fois à l'abri des regards, je me tournai vers elle, la frustration évidente sur mon visage. « Mais qu’est-ce qui t’a pris, Nolwenn ? »

Elle haussa les épaules, un sourire joueur étirant ses lèvres. « Ça n’a pas l’air de t’avoir déplu à ce que j’ai vu, Jordan. » Ses yeux pétillaient de malice, une lueur de défi dans le regard.

Je la dévisageai, essayant de contenir la colère qui bouillonnait en moi. « J’en connais une qui risque d’être très heureuse de voir ces images, » ajouta-t-elle, passant ses mains sur mes joues avec une douceur provocante.

Je la repoussai doucement mais fermement, sentant une vague de colère monter. Je saisis son bras, peut-être un peu trop brusquement. « Ne prononce même pas son prénom dans ta bouche, » grondai-je.

Elle éclata de rire, un rire qui semblait percer le masque de calme que je tentais de maintenir. « Ne fais pas l’innocent, Jordan. Je sais que tu as aimé, je te connais par cœur. » Elle s'était approchée de moi, ses yeux fouillant les miens, cherchant une confirmation.

En cet instant, je ne pouvais nier qu'elle avait raison sur un point : elle me connaissait bien, peut-être trop bien. Mais ce baiser, loin d'être une source de plaisir, était un rappel douloureux de ce que nous avions été et de ce que nous n'étions plus. Notre relation s'était effondrée sous le poids de mon engagement politique, un chemin que ni elle ni moi n'étions prêts à parcourir ensemble à l'époque.

Je pris une profonde inspiration, essayant de calmer les émotions tourbillonnantes en moi. « Ce baiser n'était rien, Nolwenn. Juste un vestige du passé. » Je lâchai son bras, me reculant pour mettre de la distance entre nous. « Nous savons tous les deux pourquoi nous ne sommes plus ensemble. Mon entrée en politique exigeait des sacrifices, et c’était trop pour nous. »

Elle m'observa, un mélange de tristesse et de défi dans ses yeux. « Peut-être. Mais ne prétends pas que tu n’as rien ressenti. » Elle se redressa, replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille. « Et pour Orane… » Elle laissa la phrase en suspens, un sourire énigmatique sur les lèvres.

Je secouai la tête, sentant la tension entre nous atteindre un point critique. « Cette histoire n’a rien à voir avec Orane, » dis-je fermement, même si une partie de moi savait que c'était une demi-vérité.

Nous nous regardons en silence pendant quelques instants, chacun confronté à ses propres dilemmes. Finalement, Nolwenn soupira et se détourna, laissant l'écho de son rire résonner dans les coulisses. Quant à moi, je restai là, tentant de mettre de l'ordre dans mes pensées. Le passé était-il en train de se répéter ? Les émotions que Nolwenn venait de raviver allaient-elles compliquer encore davantage la situation déjà complexe avec Orane ?

Je savais que la soirée ne marquerait pas la fin de ces tourments. Ce baiser, aussi insignifiant qu'il puisse sembler, avait ébranlé la façade que je m’efforçais de maintenir. Il était clair que le chemin devant moi serait parsemé d'embûches, non seulement politiques, mais aussi personnelles. Mais pour l'instant, tout ce que je pouvais faire, c'était essayer de garder la tête froide et de naviguer dans ces eaux tumultueuses, en espérant ne pas perdre de vue ce qui comptait vraiment.

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