3 Mots

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POV Jordan :

Je la regardais, les larmes encore fraîches sur ses joues, sa silhouette tremblante sous l’émotion. Ses mots résonnaient encore dans ma tête, percutant mes pensées comme des vagues contre un rocher. Cette proximité entre nous, ce souffle partagé... tout était en suspens, comme si le monde lui-même s’était figé pour nous observer.

Mon cœur battait à un rythme effréné, et je sentais mon souffle se raccourcir. Une partie de moi voulait fuir, rompre cette proximité avant qu’elle ne m’écrase complètement. Mais mes pieds refusaient de bouger, ancrés au sol comme si quelque chose de plus puissant me retenait ici, avec elle.

Orane avait toujours eu cette capacité à me désarmer, à faire voler en éclats les murs que je m’étais érigés. Mais cette fois, c’était différent. Ce n’était pas juste une barrière qu’elle avait franchie, c’était une brèche qu’elle avait ouverte, une brèche dans laquelle toute ma certitude s’était engouffrée.

Je relâchai doucement mon emprise sur le mur, mes mains tombant à mes côtés. Le silence était lourd, presque oppressant. Je savais que je devais dire quelque chose, mais aucun mot ne venait. Comment répondre à ce qu’elle venait de révéler ? À cette cicatrice qui marquait son corps et son esprit, et qui semblait avoir brisé toutes mes résistances ?

Elle me fixait toujours, ses yeux implorants, comme si elle cherchait une réponse, une validation, quelque chose à quoi se raccrocher. Mais j’étais perdu. Perdu dans ce flot d’émotions contradictoires, de doutes, de peur. Cette vidéo, cette horrible vidéo... comment pouvais-je l’oublier, même en sachant ce qu’elle avait enduré ?

« Jordan... » Sa voix était un murmure, presque inaudible. Elle tendit la main vers moi, hésitante, cherchant une connexion, une réponse.

Je reculai légèrement, pas par rejet, mais parce que j'avais besoin de reprendre mon souffle, de remettre de l'ordre dans mes pensées. Je sentais une colère sourde monter en moi, mais cette fois, elle n’était pas dirigée contre elle, mais contre moi-même, contre cette situation insensée dans laquelle nous nous trouvions.

« Orane, je... » Je m’arrêtai, incapable de trouver les mots. Comment pouvais-je lui expliquer ce tourbillon de confusion qui me consumait ? Comment lui dire que même si je voulais croire en elle, une partie de moi était toujours hantée par cette vidéo, par ces images qui refusaient de disparaître ?

Elle sembla comprendre mon hésitation, ma lutte intérieure. Son regard s’assombrit, mais elle ne recula pas. Au contraire, elle s’approcha encore, brisant la distance que j’avais instaurée. « Je sais que c’est difficile, Jordan. Je sais que ça n’a aucun sens, mais... » Sa voix se brisa, et elle reprit difficilement, « Mais ce que je ressens pour toi, c’est la seule chose dont je sois certaine. »

Ses mots me frappèrent en plein cœur. Je la regardai, cherchant une faille, une raison de douter, mais tout ce que je voyais, c’était sa sincérité, sa douleur, son amour pour moi. Je sentais la tension s'accumuler en moi, une tension que je ne pouvais plus contenir. Ma main se leva lentement, se posant sur ma cravate encore nouée autour de mon cou. Je tirai dessus, presque violemment, comme si je pouvais ainsi me libérer de ce poids qui m'étranglait.

La cravate tomba au sol, et je restai là, les mains tremblantes, le regard fixé sur elle. Orane me regardait, attendant, espérant... Je pouvais voir toute la force qu’il lui avait fallu pour se tenir là, face à moi, à nue, à la fois physiquement et émotionnellement. Et moi, que faisais-je ? Je restais là, paralysé par la peur.

« Peut-être que tu as raison, Orane... » murmurai-je finalement, mes mots à peine audibles. « Peut-être que tout ça n’est qu’un piège, une manipulation pour nous briser. Mais comment je suis censé le savoir ? Comment je peux être sûr de quoi que ce soit, alors que tout ce que je pensais être vrai a été renversé ? »

Elle secoua la tête, un mélange de frustration et de douleur passant sur son visage. « Tu ne peux pas être sûr, Jordan. Personne ne le peut. Mais ce que tu ressens, ce que je ressens... ça, c’est réel. Et c’est tout ce qui compte. Ne laisse pas cet homme nous détruire. Ne le laisse pas gagner. »

Je sentais mon cœur se serrer à ces mots. Elle avait raison. Je le savais, au fond de moi. Mais accepter cela, c’était admettre que j’avais failli, que j’avais laissé la peur et la colère prendre le dessus, que j’avais peut-être rejeté la personne que j’aimais à cause d’un mensonge bien orchestré.

Je fis un pas en avant, réduisant la distance entre nous. Mon regard se fixa sur sa cicatrice, cette marque indélébile qui portait toute la souffrance qu’elle avait endurée. « Je suis désolé, Orane... » dis-je enfin, ma voix cassée par l'émotion.

Ses yeux se remplirent de larmes, mais cette fois, je ne la laissai pas tomber. J'approchai ma main de son visage, essuyant doucement ses larmes avec mon pouce. « Je ne sais pas si je pourrai oublier ce que j’ai vu, » continuai-je, « mais je veux essayer. Pour nous. Parce que malgré tout, je... »

Je m'interrompis, incapable de dire ces mots, ces trois mots qui pourtant brûlaient en moi. Mais elle les savait, je le voyais dans ses yeux. Elle comprenait, et c'était suffisant.

Nous restons ainsi, nos regards accrochés, nos souffles mêlés, cette tension palpable entre nous. Et pour la première fois depuis longtemps, je sentis une lueur d’espoir, un espoir fragile mais bien réel. Peut-être que tout n’était pas perdu. Mais pour cela, il allait falloir affronter ces démons ensemble.

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