pause café

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POV Jordan :

Ces derniers mois avaient été étranges, remplis de changements subtils mais perceptibles. Après cette réunion au Parlement, où un simple échange de regards et un éclat de rire partagé avaient brisé la glace entre Orane et moi, je me sentais différent. Pas nécessairement plus léger, mais peut-être plus en paix. Il y avait toujours ce poids, bien sûr, mais il ne m'écrasait plus de la même manière.

Nous continuions à nous voir régulièrement au travail, bien sûr, mais quelque chose avait changé dans nos interactions. Les silences entre nous n’étaient plus aussi pesants. Ils étaient chargés de ce que nous ne disions pas, mais aussi de ce que nous n’avions plus besoin de dire. Il n’y avait plus cette urgence, cette tension qui avait marqué chaque conversation auparavant.

Je remarquais des petits détails, des choses auxquelles je n’aurais peut-être pas prêté attention avant. Comment elle replaçait une mèche de cheveux derrière son oreille lorsqu’elle était concentrée, ou comment elle tapotait légèrement son stylo sur la table en réfléchissant. Ces gestes étaient familiers, mais ils prenaient une nouvelle signification, comme si je les redécouvrais sous un autre angle. Chaque interaction semblait porter un écho lointain de ce que nous avions vécu, mais aussi la promesse d'une nouvelle compréhension.

Lors des réunions, nos regards se croisaient parfois, sans que ce soit prémédité. Juste un instant, un moment de connexion, où je pouvais presque lire dans ses yeux ce qu'elle pensait. Il y avait ce sourire aussi, pas toujours visible, parfois juste esquissé, mais il était là. Il parlait de compréhension, d’une complicité que nous avions peut-être perdue mais que nous retrouvions petit à petit. Ce n’était pas encore tout à fait comme avant, mais c’était en train de devenir quelque chose de différent, peut-être même de mieux.

Un jour, après une longue journée de travail, je la vis dans le couloir, seule, en train de feuilleter un dossier. J’hésitai un instant, puis je décidai de m'approcher.

« Tu as encore du travail à faire à cette heure-ci ? » demandai-je, essayant d’adopter un ton léger.

Elle leva les yeux vers moi, légèrement surprise, mais elle me sourit. « Juste quelques notes à revoir pour demain. Rien de bien passionnant. »

Je m'appuyai contre le mur, les bras croisés, et un sourire naquit sur mes lèvres. « Et si je te disais que j'ai une idée pour rendre tout ça un peu moins ennuyeux ? »

Elle haussa un sourcil, un mélange de curiosité et de méfiance dans le regard. « Ah oui ? Et qu’est-ce que tu proposes ? »

« Une pause café. » Je marquai une pause, puis ajoutai, mi-sérieux, mi-amusé : « Ou une pause thé, si tu préfères. On pourrait même discuter de ce dossier, histoire de joindre l’utile à l’agréable. »

Elle me regarda pendant un moment, comme si elle évaluait ma proposition, puis elle acquiesça doucement. « Pourquoi pas. Mais juste une petite pause. »

Nous nous retrouvons dans la petite cafétéria du bâtiment, un endroit que nous fréquentions rarement. Ce n'était rien de spécial, juste quelques tables et une machine à café. Mais il y avait quelque chose de rassurant dans la simplicité de l'endroit. L’atmosphère était tranquille, presque intime, avec seulement le bourdonnement lointain des conversations des autres collègues et le doux ronronnement de la machine à café en arrière-plan.

Nous parlons de tout et de rien, du travail bien sûr, mais aussi de sujets plus légers, des anecdotes du quotidien, des souvenirs partagés qui revenaient à la surface. C’était étrange et naturel à la fois, comme si cette distance que nous avions maintenue nous avait permis de redécouvrir une forme de complicité, sans pression, sans attentes. Chaque mot échangé semblait effacer un peu plus la gêne du passé, comme si nous nous redécouvrions à travers le prisme de nos nouvelles expériences.

À un moment donné, elle me lança un regard, légèrement amusé. « Tu sais, Jordan, il y a quelque chose de différent en toi, ces derniers temps. Je ne saurais pas dire quoi exactement, mais je le ressens. »

Je la regardai, pris de court par ses mots. C’était rare qu’elle exprime ce genre de ressenti de manière aussi directe. « Peut-être que c’est parce que je commence à mieux me comprendre, » répondis-je, un peu hésitant.

Elle acquiesça, son sourire toujours présent. « C’est une bonne chose, je pense. »

Le silence s'installa à nouveau, mais cette fois, il était confortable. Nous n'avions plus besoin de combler les vides avec des mots inutiles. C’était un moment de paix, simple et sincère, où nous étions juste deux personnes partageant un café après une longue journée.

Il y avait quelque chose de profondément apaisant dans cet échange. Ce n’était pas un retour en arrière, mais une progression, une évolution. Un sentiment que, peut-être, tout ce que nous avions traversé avait un sens, qu’il nous avait préparés à ce moment précis, à cette nouvelle façon d’être ensemble, même si c’était différent de ce que nous avions imaginé autrefois. Nos rires s’étaient faits plus sincères, nos échanges plus légers, comme si nous avions enfin trouvé une manière de coexister sans les poids du passé.

Quand nous retournons à nos bureaux respectifs, je sentis un léger changement, une petite brèche dans le mur que nous avions érigé entre nous. Ce n’était pas grand-chose, juste une subtile ouverture, mais c’était suffisant pour me donner de l’espoir. Nous n’étions pas revenus à ce que nous étions avant, et peut-être que nous ne le serions jamais. Mais ce n'était pas forcément une mauvaise chose. Peut-être que ce que nous étions en train de construire, lentement, prudemment, était quelque chose de plus solide, de plus vrai.

Et tandis que je m'installai à mon bureau, un léger sourire sur les lèvres, je me surpris à attendre avec impatience notre prochaine rencontre, curieux de voir où tout cela allait nous mener.

Il y avait encore des moments où je me demandais si tout cela n’était qu’une illusion, si cette nouvelle dynamique n’allait pas s'effondrer au moindre faux pas. Mais ces doutes, bien que présents, ne m’effrayaient plus autant qu'avant. Peut-être parce que, pour la première fois depuis longtemps, je sentais que nous étions sur un terrain plus stable, que nous pouvions avancer à notre rythme, sans précipitation.

Les jours passèrent, et nous continuons à nous croiser, à échanger ces regards, ces sourires. Chaque rencontre, même brève, semblait renforcer cette nouvelle complicité qui s'était installée entre nous. Ce n’était pas encore l’histoire d’un grand retour, mais plutôt celle d’une reconnexion progressive, où chacun de nous apprenait à naviguer dans cette nouvelle relation, à en apprécier les nuances.

Un matin, alors que je me rendais à une autre réunion, je la vis au bout du couloir, en pleine conversation avec un collègue. Elle riait, son rire résonnant légèrement dans l’espace. Quand elle tourna la tête et croisa mon regard, il y eut ce moment de reconnaissance, ce bref instant où nous savions tous les deux ce que l’autre ressentait. Et sans que personne d’autre ne le remarque, nous échangeâmes un sourire, un de ces sourires qui signifient bien plus que des mots.

Je continuai mon chemin, le cœur un peu plus léger, en sachant que, quoi qu’il advienne, nous étions sur la bonne voie. Peut-être que cela prendrait du temps, peut-être que nous trébucherions encore, mais pour la première fois, j’avais l’impression que nous allions dans la bonne direction.

En retournant à mon bureau, une pensée me traversa l’esprit : peut-être que ce que nous avions perdu n’était qu’une étape nécessaire pour arriver ici, à cet endroit où nous pouvions être nous-mêmes, sans masques, sans peurs. Peut-être que cette nouvelle histoire, aussi incertaine soit-elle, était celle que nous étions destinés à écrire, ensemble.

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