du temps pour soi

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POV Jordan :

Le temps avait fait son œuvre, m'éloignant peu à peu de cette rage qui m'avait consumé ce jour-là au commissariat. Chaque matin, je me réveillais avec une sensation d'étrangeté, comme si quelque chose manquait, mais c'était un manque que j'apprenais à accepter. J'avais décidé de me concentrer sur le travail, de laisser Orane tranquille, de respecter cette distance que nous avions instaurée sans vraiment en parler.

Au début, cette distance m'avait semblé insupportable. J'étais habitué à sa présence, à ses sourires discrets, à cette complicité silencieuse que nous partagions autrefois. Mais maintenant, tout cela n'existait plus. Nos échanges étaient froids, limités à l'essentiel, et je me rendais compte que, quelque part, c'était exactement ce dont j'avais besoin.

Je pensais encore à elle, souvent. Comment pourrait-il en être autrement ? Tout dans ce bureau me rappelait notre histoire, les bons moments comme les mauvais. Mais au lieu de m'enfermer dans cette nostalgie, je commençais à voir les choses sous un autre angle. Cette distance me forçait à me retrouver, à affronter mes propres démons, sans chercher à tout réparer, à tout comprendre immédiatement.

Je me suis surpris à passer plus de temps seul, à réfléchir, à me poser des questions que je m'étais toujours efforcé d'ignorer. Qui étais-je vraiment, en dehors de cette relation avec Orane ? Qu'est-ce que je voulais pour moi, pour mon avenir ? Ce recul m'offrait une perspective que je n'avais jamais eu auparavant, une sorte de clarté qui, bien que troublante, était aussi libératrice.

Petit à petit, j'ai commencé à m'investir dans des projets qui m'avaient toujours passionné mais que j'avais mis de côté. Je redécouvrais ce qui m'animait, ce qui me faisait vibrer en dehors de cette relation. J'ai repris contact avec des amis que j'avais négligés, j'ai passé plus de temps avec ma famille. Ce retour à l'essentiel, à ce qui comptait vraiment, m'a permis de trouver un nouvel équilibre.

Orane restait dans un coin de mon esprit, bien sûr. Je me demandais souvent comment elle allait, si elle trouvait elle aussi un peu de paix dans cette nouvelle dynamique que nous avions créée. Parfois, en passant devant son bureau, j'apercevais son visage, concentré sur son travail, et je ressentais un mélange d'émotions que j'avais du mal à définir. Ce n'était pas seulement de la nostalgie ou du regret, mais quelque chose de plus complexe, de plus profond. Une reconnaissance, peut-être, pour ce que nous avions partagé, mais aussi pour ce que nous étions en train de devenir, chacun de notre côté.

La distance entre nous n'était plus seulement un vide à combler. C'était un espace nécessaire, un terrain neutre où nous pouvions enfin respirer, sans cette pression constante de devoir tout résoudre, tout comprendre. Pour la première fois, je me rendais compte que cet éloignement n'était pas une défaite, mais une chance de me retrouver, de me reconstruire.

Je ne savais pas où cela nous mènerait, ni si nous finirions par nous retrouver un jour. Mais pour l'instant, ce n'était pas la question. Ce qui comptait, c'était ce moment présent, cette possibilité de redécouvrir qui j'étais, sans être défini par mes erreurs ou mes regrets.

Et peut-être, pensais-je parfois, en retrouvant ce calme intérieur, que cette distance était aussi un signe d'espoir. L'espoir que, lorsqu'on se retrouverait, si jamais cela arrivait, nous serions plus forts, plus sages, et prêts à affronter ce que la vie avait encore à nous offrir. Mais pour l'instant, je me contentais de ce temps pour moi, de cette reconnection avec moi-même, et c'était plus que suffisant.

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