La campagne battait son plein. Entre les déplacements incessants, les meetings enflammés, et les échanges passionnés avec les électeurs, je trouvais un véritable sens à ma démarche. C'était un mélange grisant d'exaltation et de responsabilité. J'étais dans mon élément, animée par la conviction de mes idées et la volonté de faire une différence. Malgré la frénésie de nos agendas respectifs, Jordan et moi continuions à nous voir. Ces moments, bien que plus rares, étaient précieux. Ils offraient une parenthèse de calme, un espace où nous pouvions nous retrouver, loin des projecteurs et des intrigues politiques. Chaque rencontre était une fusion d'intensité et de réconfort, mais parfois, un léger malaise s'installait, une ombre indéfinissable que je n'arrivais pas à dissiper.
Le premier débat télévisé de la campagne approchait, et j'étais prête à en découdre. J'avais passé des heures à affiner mes arguments, à anticiper les attaques, et à peaufiner ma présentation. Ce soir-là, en arrivant sur le plateau, je saluai Jordan avec un sourire taquin, essayant de détendre l'atmosphère tendue. "J'espère que tu es prêt à te faire manger ce soir ?" plaisantai-je, ma voix teintée d'une fausse assurance.
Il répondit par un sourire énigmatique, une lueur indéchiffrable dans les yeux. "Nous verrons bien, Orane. Peut-être que ce soir, je te surprendrai."
Il y avait quelque chose dans son ton, une ambiguïté qui fit naître un frisson d'appréhension en moi. Je me demandai un instant si c'était simplement le stress du débat ou s'il y avait quelque chose de plus profond derrière ces mots. Mais je n'eus pas le temps de m'y attarder. Le débat commença, et je me concentrai sur mes objectifs.
Dès les premiers échanges, je perçus un changement subtil chez Jordan. Il était incisif, parfois même agressif dans ses répliques. C'était une tactique attendue, mais quelque chose dans son attitude me mettait mal à l'aise. Il évoqua des points sur notre relation professionnelle avec une froideur qui contrastait avec la chaleur de nos moments privés. À plusieurs reprises, il sembla effleurer des aspects personnels que nous avions toujours gardés en dehors de la sphère publique. Chaque allusion me laissait sur le qui-vive, un doute pernicieux s'insinuant en moi.
Puis, il lâcha une remarque qui me frappa de plein fouet. Jordan évoqua une décision passée, sous-entendant que j'avais manqué de clarté et de courage. Son regard chercha le mien, mais je n'y trouvai qu'une froide détermination, dénuée de la complicité que j'attendais. Cette attaque me déstabilisa profondément. Était-ce un coup bas calculé ou une maladresse sous la pression ? Je tentai de répondre avec fermeté, mais ma voix trahissait une légère tremblement, un signe de la tempête intérieure qui se déchaînait en moi.
Le débat continua, et bien que je parvinsse à maintenir une façade confiante, l'incident resta ancré dans mon esprit. Chaque mot échangé résonnait en moi, nourrissant un sentiment croissant d'incertitude. À la fin de l'émission, alors que les lumières du plateau s'éteignaient et que les spectateurs commençaient à quitter la salle, je croisai le regard de Gabriel. Son expression était grave, comme s'il percevait le trouble que je peinais à dissimuler.
Avant que je ne puisse m'entretenir avec lui, Jordan était déjà parti, m'évitant peut-être délibérément. Je fis un effort pour garder une attitude professionnelle, mais à l'intérieur, une tempête de doutes et de questions me submergeait. Gabriel m'accompagna à la sortie, son silence réconfortant mais lourd de non-dits. "Ça va ?" finit-il par demander, visiblement inquiet.
"Oui, tout va bien," répondis-je mécaniquement, incapable de partager le chaos émotionnel qui m'agitait. Le doute commençait à s'immiscer dans mon esprit : Jordan avait-il vraiment changé d'attitude à cause de la pression politique ? Était-il influencé par Marine pour me déstabiliser ? Les souvenirs de nos discussions, de nos moments d'intimité, et de ses regards tendres affluaient, contrastant douloureusement avec son comportement public.
Alors que nous nous séparions, Gabriel et moi, pour rejoindre nos véhicules respectifs, mon téléphone vibra. Un message de Jordan : "Désolé si j'ai été dur ce soir. On en reparle plus tard." Ces quelques mots, aussi simples soient-ils, ajoutèrent à ma confusion. Était-ce une excuse sincère ou une tentative de préserver les apparences ? Ma réponse fut rapide, tentant de masquer mes incertitudes : "On en parlera, oui. Bonne nuit."
La solitude de la nuit, une fois rentrée chez moi, amplifia mes doutes. Je m'interrogeai sans fin sur les motivations de Jordan. Était-il vraiment sincère dans son affection pour moi, ou jouait-il un rôle sous l'influence de Marine et des exigences de la campagne ? La question me hantait, créant une fracture entre ce que je ressentais pour lui et ce que je percevais de son comportement.
Je me retrouvai seule dans mon salon, les lumières tamisées accentuant le contraste entre le calme extérieur et le tumulte intérieur. Le doute s'infiltrait en moi comme une ombre grandissante, remettant en question tout ce que je croyais savoir. Jordan était-il vraiment celui que je pensais, ou étais-je en train de me faire manipuler par un jeu de pouvoir plus grand que nous deux ?
Je savais que je devais être prudente, mais le lien que j'avais avec Jordan me semblait trop précieux pour être seulement une illusion. Cependant, la réalité politique et les enjeux de la campagne jetaient une ombre sur nos interactions, rendant chaque geste suspect, chaque mot ambigu. Le doute était là, grandissant chaque jour un peu plus, menaçant de briser cette fragile confiance que nous avions construite.
VOUS LISEZ
Passions et Politique
General FictionOrane Hoarau, une jeune femme pleine de passion et de détermination, se lance dans le monde complexe et tumultueux de la politique française. Aux côtés de Gabriel Attal, talentueux stratège du gouvernement, elle commence à apprendre les ficelles du...