Le Doute : Mon Poison

49 3 0
                                    

POV Jordan :

Cela faisait deux ans. Deux longues années que cette maudite vidéo avait fait irruption dans ma vie, et depuis, elle n’avait cessé de hanter chaque fibre de mon être. Chaque jour, chaque nuit, cette image s’était imposée à moi comme une ombre impossible à chasser. J’aurais voulu l’ignorer, la balayer d’un revers de main en me disant que ce n’était qu’un mauvais rêve, mais la réalité était bien plus cruelle. Ce n’était pas un cauchemar dont on pouvait se réveiller. C’était une vérité pernicieuse qui s’était insinuée dans mon esprit, détruisant tout sur son passage.

Au départ, j'avais refusé de croire ce que je voyais. Je m'étais dit que c'était un montage, une manigance diabolique destinée à me briser, à me faire abandonner l’espoir de retrouver Orane. Après tout, comment aurais-je pu accepter que la femme que j'aimais, que j'avais tant chérie, puisse être celle qui apparaissait sur l'écran de mon téléphone, dans une intimité troublante avec un autre homme ? Chaque seconde de cette vidéo était un coup de poignard en plein cœur, une blessure qui refusait de cicatriser. Mais malgré mes tentatives désespérées de me convaincre du contraire, quelque chose en moi avait changé. Un infime doute s’était installé, insidieux, et il ne cessa de grandir, de prendre racine.

Je me souviens encore du jour où j'ai reçu cette vidéo. J'étais seul, assis dans ce même bureau où elle venait de réapparaître aujourd'hui. Mon téléphone avait vibré, un message inconnu, et puis cette vidéo, courte mais dévastatrice. Le temps semblait s’être arrêté tandis que je regardais l’écran, incapable de détourner les yeux, comme fasciné par ma propre douleur. Le doute, d’abord minuscule, avait commencé à se faufiler dans mon esprit. C’était presque imperceptible, une ombre dans un coin de ma conscience. Mais cette ombre avait grandi, s’était élargie, jusqu’à devenir une ombre immense qui englobait tout ce que je pensais, tout ce que je ressentais.

Chaque fois que je visionnais cette vidéo – et Dieu sait combien de fois je l'ai regardée, espérant y trouver une incohérence, un détail qui prouverait que ce n'était pas elle – je me perdais un peu plus dans ce labyrinthe de douleur. Le doute avait d'abord été un simple murmure, une petite voix à l'arrière de mon esprit, mais à mesure que les jours passaient, il était devenu un cri assourdissant. Plus je la regardais, plus cette part de moi qui voulait y croire, qui voulait se battre pour Orane, se réduisait à néant. C’était comme si cette vidéo avait le pouvoir de détruire tout l’amour que je ressentais pour elle, de le consumer lentement, inexorablement.

Avec le temps, ce doute s'était métamorphosé. Ce n'était plus une simple question. C'était une certitude cruelle, une conviction qui s'était enracinée en moi comme une mauvaise herbe. Chaque jour, j'étais hanté par ces images, par cette idée que la femme que j'avais tant aimée, que j'avais attendue avec tant d'impatience, avait pu me trahir de la pire des manières. Ce doute était devenu une colère sourde, une colère que je n’avais nulle part où diriger, sauf contre moi-même. Une colère contre mon propre cœur pour avoir cru en elle, pour avoir espéré qu'elle reviendrait vers moi intacte, sans cette ombre sur son passé.

La colère n’était pas seule. Elle était accompagnée d’une forme de dégoût, un dégoût que je ne pouvais m’empêcher de ressentir, même si je savais au fond de moi qu’il était injuste. Ce dégoût m’envahissait à chaque fois que je pensais à elle, à ce qu'elle avait pu faire, même si je ne savais pas toute la vérité. Peut-être était-ce cette incertitude qui était la plus difficile à supporter. Ne pas savoir. Ne pas pouvoir lui demander. Ne pas pouvoir entendre de sa bouche ce qui s'était vraiment passé. J'avais trop honte pour partager cette vidéo avec qui que ce soit. Comment expliquer à quelqu’un d'autre que celle que j’aimais, celle que j'avais tant attendue, pouvait être capable d’une telle trahison ? Comment affronter les regards de pitié, ou pire, de confirmation ?

Alors, je n'avais parlé à personne. Je m'étais refermé sur moi-même, enfermé dans ce silence empoisonné. Chaque jour, je portais ce fardeau seul, tentant de vivre avec, de m’y habituer comme à une vieille blessure qui ne guérit jamais vraiment. Et petit à petit, j'avais commencé à accepter cette douleur, à l'intégrer dans mon quotidien, à la laisser guider mes pensées, mes actions. C’était plus simple ainsi. Ne plus espérer. Ne plus croire.

Et puis, elle est réapparue. Orane. Comme un fantôme qui aurait franchi la barrière entre les mondes pour venir me hanter. Quand elle est entrée dans mon bureau, mon cœur a d’abord refusé d’y croire. Mon esprit s’est figé, incapable de comprendre ce qui se passait. Était-ce vraiment elle, là, debout devant moi, après tout ce temps ? Était-ce vraiment la même femme que j'avais aimée, que j'avais pleurée ? Un mélange d’émotions s’est emparé de moi, des émotions si contradictoires, si violentes, que je me suis senti complètement dépassé.

Il y avait la joie, bien sûr. Une joie pure, instinctive, celle de voir enfin celle que j’avais attendue pendant tout ce temps. Mais cette joie était éclipsée par la vague de confusion, de colère, et de tristesse qui me submergeait. Tout ce que j’avais ressenti pendant ces deux dernières années, toute cette douleur, cette trahison, cette colère, revenait en force, plus intense que jamais. J’étais comme un homme perdu dans une tempête, incapable de retrouver son chemin. Chaque battement de mon cœur était une torture, chaque respiration un effort.

Et pourtant, malgré tout cela, tout ce qui émanait de moi, c’était une froideur glaciale, une passivité presque agressive. Mes yeux, que j’aurais voulu emplir de tendresse, de reconnaissance, ne reflétaient que l’indifférence, cette indifférence que j’avais cultivée pour me protéger de la douleur. Je ne pouvais pas ressentir l’amour, le réconfort ou la compassion que j’aurais voulu lui offrir. J’étais prisonnier de mes propres doutes, de cette vidéo maudite, de ce cauchemar éveillé.

Quand nos regards se croisèrent, j’ai vu dans ses yeux la même confusion, la même douleur que celle qui me consumait. Elle devait sentir que quelque chose en moi avait changé, que l’homme qu’elle retrouvait n’était plus le même. Mais je restais là, figé, incapable de lui montrer que je l’aimais encore. Incapable de la rassurer, de la prendre dans mes bras, de lui dire que tout irait bien. Parce que je ne savais plus ce qui était vrai, ce qui était faux. Je ne savais plus si je pouvais lui faire confiance. Et cette incertitude me paralysait.

Je voulais lui dire que je l’aimais toujours, que tout ce que j’avais ressenti pour elle était intact, mais c’était un mensonge. L’amour que j’avais pour elle était toujours là, quelque part au fond de moi, mais il était enterré sous des couches de doute, de peur, de colère. Cet amour, je ne pouvais plus l’atteindre, et encore moins le lui montrer. Tout ce qui me restait, c’était ce doute, cette peur irrationnelle qui me rongeait de l’intérieur.

Orane a quitté la pièce en pleurant, la douleur évidente dans chacun de ses pas, mais je ne l’ai pas suivie. Je ne l’ai pas rattrapée. Je suis resté là, figé, comme un homme cloué au sol par une force invisible. Les poings serrés sur mon bureau, je me suis posé un milliard de questions, sans trouver de réponses. Pourquoi n’avais-je pas réagi ? Pourquoi n’avais-je pas été capable de lui montrer ce que je ressentais vraiment ? Pourquoi étais-je devenu cet homme froid, distant, incapable d’aimer ?

Je suis resté ainsi, dans ce silence oppressant, seul avec mes pensées, ma rage, et mon doute. Le poids de cette vidéo, de ce que j’avais vu, était devenu trop lourd à porter. Il m’avait transformé en quelqu’un que je ne reconnaissais plus, quelqu’un que je détestais être. Et c’est là que j’ai réalisé la vérité la plus douloureuse de toutes : même si elle était là, revenue après tout ce temps, je n’étais plus certain de savoir comment l’aimer, comment lui faire confiance à nouveau. Peut-être que je l’avais déjà perdue, bien avant qu’elle ne revienne.

Passions et Politique Où les histoires vivent. Découvrez maintenant