ensemble

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POV Jordan :

La journée s'étire, interminable, chaque seconde un rappel du rendez-vous qui approche. Nous avons convenu de nous retrouver après le travail, un choix à la fois pragmatique et chargé de sous-entendus. Ce n'est plus une simple rencontre de "collègues", mais le début d'une conversation que nous avons trop longtemps évitée.

Lorsque la cloche du Parlement retentit, marquant la fin de la journée, je prends une profonde inspiration. Mes collègues commencent à quitter le bâtiment, certains échangeant des plaisanteries pour décompresser, mais je ne partage pas leur légèreté. Mes pensées sont ailleurs, avec Orane, et ce que je dois lui dire. Je sais qu'elle est encore dans son bureau, finissant de trier ses dossiers, comme pour retarder l'inévitable. Mais ce soir, il n'y aura pas de fuite possible.

Je descends les escaliers de marbre, la tension s'accumulant dans mes épaules. La chaleur de la journée s'est atténuée, remplacée par une brise fraîche qui me rappelle à quel point tout peut changer en un instant. Quand j'arrive dans le hall, je la vois enfin. Orane, ses cheveux sont relevés en un chignon lâche, quelques mèches encadrant son visage.

Elle lève les yeux vers moi, son expression indéchiffrable. Je m'approche, hésitant un instant avant de lui sourire, un sourire qui se veut rassurant, mais qui trahit toute l'appréhension que je ressens.

« Prête ? » demandai-je simplement.

Elle hoche la tête, sans un mot, et ensemble nous sortons du bâtiment. L'air extérieur est comme une bouffée de liberté, mais il n'atténue pas la tension qui règne entre nous. Nous marchons en silence, nos pas résonnant sur le pavé. Les rues sont presque désertes, une tranquillité qui contraste avec l'agitation intérieure que je ressens.

Nous arrivons à un petit parc à quelques rues de là. Un coin tranquille où nous ne serons pas dérangés. Orane s'arrête devant un banc, hésite, puis s'assoit. Je la rejoins, m'asseyant à côté d'elle, assez proche pour sentir la chaleur de son corps, mais pas assez pour la toucher.

Je prends une inspiration profonde, cherchant mes mots. « Orane... » commençai-je, mais elle m'interrompt.

« Attends, Jordan, » dit-elle doucement. « Avant que tu dises quoi que ce soit, je dois te dire quelque chose. »

Je me tais, la laissant prendre les devants. Elle tourne son regard vers l'horizon, ses yeux fixés sur un point lointain, comme si elle cherchait à rassembler ses pensées.

« Tout ce qu'on a traversé, tout ce que ça nous a coûté... ça a laissé des cicatrices profondes, » murmure-t-elle enfin. « Je pensais vraiment qu'en mettant de la distance, on arriverait à guérir. Que ça nous permettrait de tourner la page, d'oublier ce qu'on a perdu. »

Elle s'arrête, prend une profonde inspiration, puis continue. « Mais je me rends compte aujourd'hui que cette distance, elle n'a pas effacé ce que je ressens pour toi. Au contraire, elle a renforcé quelque chose que je ne voulais pas voir. » Elle se tourne vers moi, ses yeux brillant d'une intensité qui me transperce. « Je ne suis pas seulement attirée par toi, Jordan. Je crois que je n'ai jamais cessé de t'aimer. »

Mon cœur rate un battement. Les mots qu'elle vient de prononcer sont lourds, chargés d'émotion, et je sens une vague de chaleur m'envahir. « Orane... »

« Non, laisse-moi finir, » m'interrompt-elle à nouveau, plus fermement cette fois. « Je sais qu'on a tous les deux essayé de faire face à cette épreuve de notre côté. L'expéditeur... ce qu'il nous a fait, ce qu'il a brisé en nous... c'était trop dur à porter ensemble. Mais maintenant... maintenant je vois que cette séparation, elle n'a fait que raviver quelque chose en moi. »

Elle inspire profondément, comme pour se donner du courage. « Quand tu m'as embrassée... c'était comme si tout ce que j'avais enfoui refaisait surface. Tout cet amour, cette douleur, ce besoin de toi que j'ai toujours essayé d'étouffer. Mais je ne peux plus me mentir. Et je ne veux plus te fuir. »

Je reste silencieux, absorbant ses paroles, sentant cette tension entre nous devenir presque palpable. J'ai l'impression que tout pourrait exploser à tout moment, mais je sais que ce n'est pas de la colère. C'est une tension différente, plus profonde, plus intime.

Je prends enfin la parole, ma voix basse, chargée d'émotion. « Orane, moi aussi j'ai cru que la distance nous aiderait. Que c'était ce dont on avait besoin pour guérir. Mais j'ai compris, ces derniers jours, que tout ce que ça a fait, c'est me montrer à quel point je tiens encore à toi. À quel point tu comptes pour moi. »

Je me tourne vers elle, plongeant mon regard dans le sien. « Ce que je ressens pour toi, Orane, c'est plus fort que tout ce que j'ai essayé de réprimer. Ce n'est pas juste un souvenir du passé, c'est quelque chose de vivant, de présent. Et je ne veux plus l'ignorer. »

Elle me fixe, ses yeux brillant d'une émotion contenue. Je sens cette tension entre nous atteindre un point culminant, un moment où tout pourrait basculer.

Je ne réfléchis plus. Je me penche vers elle, rapprochant nos visages jusqu'à ce que je puisse sentir son souffle sur ma peau. Mais cette fois, ce n'est pas un geste précipité. Je veux qu'elle sache ce que je ressens, que ce moment est autant le sien que le mien.

« Orane, » murmurai-je, ma voix presque un souffle. « Je t'aime encore. Je t'aime plus que jamais. Et je veux qu'on arrête de fuir. »

Elle ne dit rien, mais je vois dans ses yeux qu'elle ressent la même chose. Cette tension, ce désir, ce besoin de se reconnecter. Je pose doucement ma main sur sa joue, la caressant du bout des doigts, et elle ferme les yeux, savourant ce contact.

« Jordan... » murmure-t-elle enfin, sa voix tremblante d'émotion. « Moi aussi, je t'aime encore. »

C'est tout ce qu'il me faut. Je franchis la dernière distance qui nous sépare et l'embrasse, cette fois avec toute la douceur et la passion que j'ai retenues. Ses bras m'enlacent, ses mains se glissant dans ma nuque tandis que mes doigts s'ancrent à sa taille.

L'instant est suspendu, comme si le temps lui-même s'était arrêté pour nous permettre de nous retrouver. Nous mettons toute notre intensité dans ce baiser, comme pour compenser les années perdues, les mots jamais dits.

Mais alors que la réalité commence à revenir, je me détache doucement, mes lèvres quittant les siennes avec une douceur infinie. Nous restons là, front contre front, nos souffles se mêlant, et je sais que cette fois, rien ne pourra nous séparer.

« On prendra tout le temps qu'il faudra, » dis-je enfin, ma voix empreinte d'une détermination calme. « Mais je veux qu'on avance ensemble. »

Elle acquiesce, ses yeux brillants de larmes retenues. « Ensemble, » murmure-t-elle.

Et pour la première fois depuis longtemps, je sens que nous allons vraiment y arriver.

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