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Après cette marche avec Jordan, quelque chose avait définitivement changé en moi. Ce n'était pas un bouleversement soudain, mais plutôt une sensation subtile, une sorte de paix intérieure que je n'avais pas ressentie depuis longtemps. Les choses avaient été compliquées entre nous, trop compliquées, mais cette soirée-là avait marqué un tournant. En sortant du Parlement ce soir-là, je m’étais surprise à sourire, un sourire sincère, libre de toute amertume.

Les jours suivants, je ne pus m'empêcher de repenser à cette promenade, à nos échanges simples mais significatifs. Il y avait une légèreté que je n’avais pas connue depuis des mois. Pour la première fois, je me sentais capable de respirer, de vivre sans que chaque moment soit hanté par le passé.

Au travail, notre relation évoluait de manière tout aussi discrète. Ce n'était pas flagrant, mais les changements étaient là, perceptibles pour ceux qui savaient observer. Nos interactions étaient devenues plus naturelles, moins tendues. J'appréciais cette nouvelle dynamique, où chaque rencontre n'était plus un champ de bataille, mais une occasion de construire quelque chose de nouveau.

Un après-midi, je reçus une invitation pour une soirée organisée par un groupe parlementaire indépendant. L'événement était censé être informel, une sorte de pause bien méritée après une semaine de débats acharnés sur des sujets de fond. Ce genre de rencontre où l’on pouvait se détendre, discuter librement, en laissant de côté, l'espace d'une soirée, les rivalités politiques. En temps normal, je me serais probablement contentée de décliner poliment l'invitation. Mais cette fois, j'étais intriguée. Peut-être parce que je savais que Jordan y serait.

Le lieu choisi pour la soirée était un bar à vin discret, situé à quelques pas du Parlement. Une atmosphère intime, loin du cadre habituel, avec ses murs en pierre apparente, ses étagères débordant de bouteilles soigneusement sélectionnées, et cette lumière tamisée qui rendait l'endroit particulièrement chaleureux. En entrant, j'eus un bref instant d'hésitation. C'était comme si je pénétrais dans une zone neutre, un territoire où les lignes de division politiques s’effaçaient un peu.

Je balayai la salle du regard et repérai Jordan à une table entourée de plusieurs collègues. Il était absorbé par la conversation, un verre de vin à la main. Nos regards se croisèrent presque immédiatement, et il me sourit, un sourire franc, débarrassé de la réserve que j'avais si souvent perçue auparavant. Je pris une inspiration, puis me dirigeai vers eux, déterminée à ne pas fuir cette fois-ci.

La conversation à la table était animée, oscillant entre anecdotes de travail et plaisanteries sur les défis quotidiens de la vie parlementaire. L’atmosphère légère me permit de me détendre, de m'immerger dans les échanges sans arrière-pensée. Je m’étonnai même de la facilité avec laquelle je retrouvais une certaine aisance, surtout en présence de Jordan.

À un moment, la discussion dériva sur les qualités des différents vins proposés par le bar. Chacun donnait son avis, et quand ce fut mon tour, je lançai en plaisantant : « Tant que ce vin ne me fait pas oublier mon propre nom, je pense qu’il est plutôt bon. »

Jordan, toujours à côté de moi, eut un sourire en coin avant de répliquer : « Et si on trouve un vin qui fait oublier les débats interminables, on devrait en faire notre boisson officielle. »

Je ne pus m'empêcher de rire, un vrai rire, spontané et léger. C’était la première fois depuis longtemps que je me sentais aussi détendue en sa présence. Nos collègues autour de nous se mirent aussi à rire, mais progressivement, ils commencèrent à se lever, prétextant une autre réunion matinale ou simplement la fatigue. En quelques minutes, il ne resta plus que Jordan et moi à la table, nos verres à moitié pleins, une ambiance douce et un peu plus intime s’installant entre nous.

Je le regardai, un sourire toujours accroché à mes lèvres, tandis qu’il reprenait la parole, un peu plus doucement cette fois : « Content de voir que j’arrive encore à te faire rire. »

Je sentis un léger frisson me parcourir en entendant sa voix si proche. Je levai un sourcil, une lueur espiègle dans les yeux, et me penchai légèrement vers lui, réduisant encore un peu plus la distance entre nous. « Eh bien, continue à être drôle, et ça arrivera peut-être plus souvent. »

Son sourire s’élargit, et je pouvais voir un éclat dans ses yeux, une étincelle de complicité que je n'avais pas vue depuis longtemps. Il se pencha aussi vers moi, nos visages à quelques centimètres l’un de l’autre, et murmura, presque comme un défi : « Je vais prendre ça comme un encouragement. »

Il y eut un instant suspendu, où le monde sembla se réduire à cet espace restreint entre nous, à ce moment partagé, où rien d’autre n’existait. Puis, presque simultanément, nous nous redressons, comme si nous avions tous les deux pris conscience de la portée de cet échange.

Le silence qui suivit n'était pas gênant, mais chargé de quelque chose de nouveau, de plus profond. Nous savions que quelque chose avait changé, mais sans en parler, sans briser cette délicate bulle qui s’était formée autour de nous.

Finalement, je rompis le silence, mon ton redevenu léger : « Il se fait tard, on devrait peut-être rentrer. »

Jordan acquiesça, son regard me suivant alors que je me levais. Nous quittons le bar côte à côte, et l'air frais de la nuit m'apporta un sentiment de clarté. En marchant ensemble, sans précipitation, je réalisai que même si nous étions encore loin de retrouver ce que nous avions perdu, nous étions sur la bonne voie. Pas à pas, avec prudence et patience, nous commencions à reconstruire quelque chose de nouveau.

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