pas tout seul

43 2 0
                                    

POV Jordan :

Le lendemain, lorsque nous arrivons au tribunal, une tension presque étouffante flottait dans l'air. L'angoisse y était palpable, lourde, comme si chaque personne présente ressentait l'importance de ce jour. Orane marchait à mes côtés, son allure soignée trahissant pourtant son état intérieur. Elle portait un tailleur gris sobre, qui épousait parfaitement sa silhouette tout en imposant une forme de respect et de détermination. Ses escarpins noirs résonnaient légèrement sur le sol, chaque pas semblant plus lourd que le précédent. Son visage était marqué par une nervosité qu'elle ne cherchait même plus à cacher. Aujourd'hui, c'était au tour d'Anton Lescaut, l'homme qui avait détruit sa vie et la nôtre par la même occasion, de témoigner.

Lorsque Lescaut fit son entrée, escorté par deux gardes, le silence s'installa aussitôt dans la salle. Sa silhouette élancée et son allure presque tranquille contrastaient avec la gravité de l'accusation qui pesait sur lui. Son regard balaya la salle d'audience, passant rapidement sur le public, sur Orane, et enfin sur moi. Ce fut un bref contact visuel, mais suffisamment intense pour que je sente toute la froideur et l'arrogance qui l'habitaient. Il me dévisagea avec une reconnaissance presque insolente, un éclat de défi dans les yeux. Mais il demeura impassible, se murant dans un calme glaçant.

Le procureur s'avança, déterminé à percer cette façade d'indifférence. « Monsieur Lescaut, nous allons revenir sur les faits qui vous sont reprochés. Vous avez orchestré l'enlèvement de Mademoiselle Orane Hoarau et l'avez retenue captive pendant trois ans. Pouvez-vous expliquer vos motivations ? »

Lescaut resta de marbre, son expression inchangée. Il hocha lentement la tête, comme si tout cela n'était qu'un simple récit sans conséquence. Le procureur poursuivit, posant une série de questions factuelles auxquelles Lescaut répondit avec un calme presque mécanique. Sa voix, basse et contrôlée, résonnait dans la salle comme une lame aiguisée : tranchante et sans émotion. Chaque réponse renforçait son aura de contrôle absolu, comme s'il dirigeait encore, d'une certaine manière, le déroulement de l'audience.

Puis vint la question cruciale, celle que tout le monde attendait avec une tension presque insupportable : « Pourquoi avez-vous fait cela ? »

Lescaut se pencha légèrement en avant, un rictus étirant ses lèvres en un sourire froid, sans chaleur. Ce sourire qui me glaçait le sang. « Vous pensez vraiment que tout cela était de mon propre chef ? Non, non... Quelqu'un d'autre avait ses raisons pour vouloir du mal à Mademoiselle Hoarau... et à Jordan. »

Sa voix calme masquait une violence sous-jacente, et chaque mot qu'il prononçait résonnait comme une accusation voilée. La salle entière retint son souffle, suspendue aux révélations à venir. Orane, assise à côté de moi, se crispa instinctivement. Ses doigts cherchaient les miens, et je les serrai pour lui apporter un soutien silencieux.

Le procureur, visiblement surpris, poussa l'interrogatoire plus loin : « Et qui est cette personne ? »

Lescaut tourna lentement la tête vers moi, plantant son regard sombre dans le mien avant de lâcher le nom comme une bombe : « Nolwenn. »

Le son de ce prénom me frappa de plein fouet. Nolwenn... Cette syllabe que je n'avais pas entendue depuis des années, résonnait dans ma tête avec une intensité presque insupportable. Nolwenn, mon ex-compagne, celle qui avait fait partie de mon passé bien avant Orane. Celle qui, autrefois, avait été engagée par Marine Le Pen pour tenter de me ramener dans le giron du parti, alors que ma relation avec Orane devenait sérieuse et menaçait leur contrôle. Mais jamais je n'aurais pu imaginer qu'elle puisse être mêlée à quelque chose d'aussi monstrueux.

À cet instant, tous les regards se tournèrent vers moi, cherchant des indices, une réaction. Orane tourna la tête dans ma direction, ses yeux interrogateurs cherchant des réponses que je n'étais pas capable de lui offrir. Des souvenirs flous refirent surface, des moments avec Nolwenn que j'avais tenté d'oublier. Je me revoyais au temps où elle essayait désespérément de raviver une flamme éteinte, mais rien n'avait fonctionné. Derrière son sourire, il y avait toujours eu une part d'ombre, une noirceur que je n'avais jamais réussi à comprendre.

Le procureur, encore plus intrigué, lança d'une voix tendue : « Nolwenn ? Quel rôle a-t-elle joué dans tout cela, Monsieur Lescaut ? »

Lescaut haussa légèrement les épaules, son sourire glacial ne quittant pas ses lèvres. « Disons qu'elle a facilité certaines choses, indirectement. Elle voulait que Jordan revienne à elle, et quand ça n'a pas marché, elle a cherché à explorer d'autres moyens pour nuire. Mais je dois être honnête, elle ignorait l'étendue de mes actions. Elle pensait que tout cela resterait à un niveau... acceptable. Elle n'imaginait pas que cela irait aussi loin. »

La révélation fit l'effet d'un séisme. Nolwenn n'était pas l'instigatrice directe, mais son implication, même partielle, venait de jeter une nouvelle ombre sur le procès. Le juge, choqué, ajourna l'audience pour permettre au procureur de réorganiser ses éléments. Tout le monde semblait sous le choc de cette nouvelle tournure inattendue.

En sortant de la salle, Orane gardait le silence, ses pensées lointaines, son visage figé. Je savais qu'elle essayait de digérer tout ce qu'elle venait d'entendre, tout comme moi. La culpabilité s'immisçait en moi ; après tout, c'était mon passé qui revenait la hanter de la manière la plus cruelle possible. Marchant à ses côtés, je me jurai que rien, ni même cette révélation dévastatrice, ne nous détournerait de notre quête de justice. Ce combat, devenu encore plus complexe, nous devions le mener ensemble, peu importe les obstacles qui surgiraient.

Passions et Politique Où les histoires vivent. Découvrez maintenant