La Colère Ou L'amour

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POV Jordan :

La porte de la salle de réunion se referma derrière moi avec un léger claquement, résonnant dans le couloir désert. Je marchai sans vraiment savoir où j’allais, mes pas résonnant lourdement sur le sol carrelé. Mon esprit était un champ de bataille, ravagé par les émotions contradictoires qui se livraient un combat acharné en moi.

Tout au long de cette réunion, j'avais réussi à garder un masque d'indifférence, à faire taire ce tumulte intérieur. Chaque fois que je prenais la parole, je m'efforçais de me concentrer sur les enjeux politiques, sur ce qui comptait vraiment. Mais chaque regard, chaque mot échangé avec Orane, me ramenait brutalement à cette réalité que je refusais d’affronter : le fossé qui s’était creusé entre nous était devenu un abîme.

Son visage… Il m'était devenu étranger. Ou peut-être étais-je devenu incapable de le reconnaître, de voir à travers cette couche de douleur et de colère qui me paralysait. Pendant la réunion, je l'avais sentie me regarder, tentant d'établir un lien, de raviver quelque chose, mais je n'avais pas pu, je n'avais pas su répondre à ses attentes. Pas après tout ce que j'avais vu, tout ce que j'avais ressenti.

Je m'arrêtai au milieu du couloir, posant une main tremblante contre le mur. Un rire amer m'échappa. Qui étais-je pour prétendre pouvoir l'accuser, la juger ? Je l'avais aimée, oui, plus que je n'avais jamais aimé quelqu'un. Mais ce même amour s’était transformé en une arme, un poignard que je lui plantais dans le cœur chaque fois que je l'ignorais, chaque fois que je la repoussais.

Le silence autour de moi devenait oppressant. Je pris une inspiration profonde, essayant de calmer le rythme effréné de mon cœur. Mais la scène de cette réunion se rejouait en boucle dans mon esprit, comme un film dont je ne pouvais me détourner. La façon dont elle avait lutté pour rester forte, pour défendre ses idées, même lorsque nos regards se croisaient, même lorsque l'électricité entre nous menaçait de faire éclater la pièce. Et moi, dans tout ça ? J'avais choisi de rester distant, de l'attaquer sur un terrain politique, espérant sans doute que la douleur se dissiperait avec chaque mot acerbe que je lançais.

Mais elle ne faisait que grandir.

Je savais que j’avais été injuste, cruel même. Tout ce que je voulais, c'était la pousser à bout, la faire réagir. Peut-être que quelque part au fond de moi, je voulais qu'elle me donne une raison de la haïr, de couper définitivement les ponts, de ne plus jamais laisser l'amour que je ressentais pour elle me torturer.

Mais au lieu de cela, j'avais réussi à nous enfoncer encore plus dans ce marécage de ressentiment et de malentendus.

Je me redressai lentement, serrant les poings. Peut-être que c'était la dernière fois que nous serions dans la même pièce, du moins en tant que nous-mêmes, sans le poids de nos rôles politiques. L’idée me terrifiait plus que je ne voulais l’admettre. Qu’allions-nous devenir ? Des ennemis politiques, des inconnus croisant rarement le regard dans les couloirs du pouvoir ?

Je fermai les yeux, cherchant à chasser ces pensées. Mais je ne pouvais pas nier ce que je ressentais, malgré la distance, malgré la colère. Orane… même maintenant, même après tout ce qui s'était passé, je ne pouvais m'empêcher de l'aimer, d'une manière torturée, confuse, mais bien réelle. Mais cet amour était devenu un poids, une chaîne qui m'entravait chaque fois que je voulais avancer, chaque fois que je voulais lui tourner définitivement le dos.

Alors, pourquoi n’arrivais-je pas à couper ce lien ?

Avec une dernière inspiration, je me forçai à reprendre le chemin de mon bureau. Je devais reprendre le contrôle, m’ancrer dans la réalité de mes responsabilités, de mes convictions politiques. C’était le seul moyen de survivre à tout ça, à elle.

Mais au fond, je savais que ce n’était qu’une illusion. Rien de ce que je ferais ne pourrait effacer ce qu'elle représentait pour moi. Rien ne pourrait apaiser cette douleur qui, chaque jour, rongeait un peu plus ce qu’il restait de moi.

En arrivant devant mon bureau, je posai la main sur la poignée, hésitant un instant avant d’entrer. Je me demandai ce qu’elle faisait maintenant. Était-elle aussi tourmentée que moi ? Ou avais-je réussi à l’éloigner définitivement, à l’enfermer dans une bulle de méfiance et de souffrance, tout comme moi ?

J’entrai enfin, refermant la porte derrière moi. Le silence m’accueillit de nouveau, lourd et oppressant. Je m’assis à mon bureau, mes doigts frôlant machinalement le dossier que j’avais emporté de la réunion. Mais mes pensées étaient ailleurs, toujours tournées vers elle.

Orane… Je ne savais plus comment la sauver, ni même si je le voulais encore.

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