Léger Murmure

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POV Jordan :

Cela faisait des heures que j'étais assis dans cette chambre d'hôpital, les minutes s'étirant en une éternité angoissante. La lumière tamisée projetait des ombres douces, mais malgré cette atmosphère apaisante, la tension restait palpable, écrasante. Je me trouvais dans un coin de la pièce, fixant Orane, l'esprit en ébullition. Je n'avais jamais ressenti une telle impuissance, un tel désespoir mêlé à une angoisse sourde. Les bruits réguliers des machines, le bip incessant du moniteur cardiaque, tout cela formait une sorte de litanie, un rappel constant de sa vulnérabilité actuelle.

Orane reposait sur le lit, immobile. Ses traits étaient marqués par la fatigue et la douleur. Je l'avais toujours vue forte, maîtresse de ses émotions, mais là, elle semblait si fragile. Les bandages sur son front et ses bras étaient des témoignages muets de ce qu'elle avait traversé. Je ne pouvais qu'imaginer l'ampleur de ses souffrances. Elle murmura des mots indistincts, à peine audibles, comme si elle luttait contre des fantômes invisibles. Ses lèvres bougeaient, formant des syllabes que je peinais à comprendre. Parfois, elle appelait un nom, parfois elle suppliait, la voix rauque, déformée par la douleur et la peur.

À un moment, elle commença à bouger, ses paupières battant légèrement avant de s'ouvrir à moitié. Son regard était flou, perdu. Elle semblait chercher quelque chose, ou peut-être quelqu'un. Ses yeux parcouraient la pièce sans vraiment voir, comme si elle était encore emprisonnée dans un cauchemar. Elle tenta de parler, sa voix n'étant qu'un murmure brisé. "Qu'est-ce que vous me voulez, putain..." Elle semblait s'adresser à quelqu'un qui n'était pas là, ou peut-être à une présence invisible qui hantait ses pensées. La confusion se lisait sur son visage, et je pouvais presque sentir sa panique monter, palpable, comme une vague prête à déferler.

Elle tourna la tête, et je vis son visage se crisper sous l'effet de l'émotion. Ses traits, d'habitude si sereins, étaient tordus par une détresse que je ne lui connaissais pas. Elle murmura, plus désespérément cette fois, "Laissez-moi tranquille, s'il vous plaît, je vous en supplie..." Ces mots, bien que faibles, résonnaient avec une intensité douloureuse dans la pièce. Qui implorait-elle ? Était-elle en train de revivre l'accident, ou ces mots étaient-ils dirigés vers un autre tourment que je ne comprenais pas ? J'étais figé, incapable de la consoler, de la rassurer. Tout ce que je pouvais faire, c'était être là, espérant que ma présence suffirait à apaiser un peu son angoisse.

Orane tenta de se lever, vacillant sur ses jambes comme un faon nouveau-né. Chaque mouvement semblait un effort colossal pour elle, une lutte contre une fatigue accablante. Je m'avançai, prêt à l'aider, mais je restai à une distance respectueuse, ne voulant pas envahir son espace. Elle se dirigea vers la salle de bain, traînant les pieds, presque titubante. Ses pas étaient lents, incertains, chaque geste semblait lui coûter une énergie qu'elle n'avait plus.

Arrivée devant les toilettes, elle se pencha soudainement et commença à vomir. La vue de son corps secoué par les spasmes, les sons étouffés de sa détresse, c'était insupportable. Je m'approchai rapidement, m'accroupissant près d'elle pour lui tenir les cheveux. Mes doigts tremblaient légèrement alors que je rassemblais ses mèches éparses, essayant de lui apporter un minimum de confort dans ce moment de vulnérabilité extrême. Elle tremblait de tout son corps, et je pouvais sentir sa peur, sa confusion.

Orane finit par se redresser légèrement, le visage ruisselant de sueur et de larmes. Elle tenta de reprendre son souffle, chaque inspiration semblait un effort herculéen. Je lui tendis un verre d'eau, espérant l'aider à se calmer, à se rincer la bouche. Mais dès que le verre approcha de ses lèvres, elle recula brusquement, les yeux écarquillés par la terreur. Elle cracha l'eau, sa réaction étant instinctive, presque animal. Ce geste de rejet m'a stupéfié. Pourquoi cette réaction ? Que voyait-elle, ou plutôt, que revivait-elle ? Sa détresse était palpable, presque suffocante.

Elle s'adossa au mur, le souffle court. Ses lèvres bougeaient, formant des mots que je ne pouvais qu'imaginer. "Allez vous faire foutre, espèce de psychopathe..." Son ton était empli de défi, mais aussi de peur. Ces mots me transpercèrent, non pas parce qu'ils étaient dirigés contre moi, mais parce qu'ils étaient le reflet de son état intérieur. Elle semblait perdue dans un abîme de confusion et de terreur, incapable de distinguer la réalité de ses cauchemars. Chaque mot, chaque silence, était un indicateur de sa lutte intérieure.

Je la pris doucement dans mes bras, la soulevant avec précaution. Elle était si légère, si frêle. Je pouvais sentir sa respiration haletante contre mon épaule, son corps raide de tension. Je la portai jusqu'au lit, la déposant délicatement sur les draps blancs. Elle semblait plus calme maintenant, mais je pouvais encore voir les traces de ses larmes, la rougeur de ses yeux. Je m'assis à côté d'elle, posant une main réconfortante sur son front. Ses murmures se firent plus doux, presque inaudibles. "Jordan..." Mon cœur se serra à ce murmure. Elle pensait à moi, elle cherchait ma présence.

Je caressai doucement ses cheveux, espérant que ce geste simple pourrait la réconforter, la rassurer. La confusion dans ses yeux se dissipait lentement, remplacée par une lassitude écrasante. Elle semblait s'apaiser, sa respiration devenant plus régulière. Mon esprit était en proie à un tourbillon de pensées et d'émotions. Je ne pouvais que spéculer sur ce qu'elle traversait, sur les démons qu'elle combattait. Mais une chose était claire : elle avait besoin de moi, maintenant plus que jamais.

Orane ferma doucement les yeux, sa main se relâchant dans la mienne. Je la regardai sombrer dans un sommeil agité, son visage enfin détendu. Chaque mouvement de ses lèvres, chaque froncement de sourcils, étaient des indices d'une bataille intérieure qui me dépassait. Je restai là, veillant sur elle, déterminé à être le pilier sur lequel elle pourrait s'appuyer. Peu importait ce qu'elle traversait, je serais là pour elle, prêt à affronter le chaos ensemble.

Le silence de la chambre était lourd de non-dits, de questions sans réponse. Mais pour l'instant, tout ce qui comptait, c'était qu'elle se repose, qu'elle récupère. Je continuai à lui caresser les cheveux, murmurant des mots apaisants, des mots qu'elle ne pouvait peut-être pas entendre, mais que j'espérais qu'elle ressentirait d'une manière ou d'une autre. Le monde extérieur, avec ses bruits et ses préoccupations, s'estompa. Il ne restait que ce moment, cette bulle de calme dans le tumulte. Je savais que le chemin serait long et difficile, mais j'étais prêt à marcher à ses côtés, quoi qu'il arrive.

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