Des mois après

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Les mois s'étaient écoulés, chaque jour ressemblant à une plongée plus profonde dans un abîme sans fond. Au début, j'avais conservé une lueur d'espoir, cette conviction naïve que Jordan franchirait la porte à tout moment, qu'il m'arracherait à cet enfer. Mais cet espoir s'était peu à peu dissipé, érodé par la réalité cruelle de ma captivité. Chaque tentative d'évasion ne faisait que confirmer une vérité implacable : j'étais prisonnière d'un homme dont la façade de normalité dissimulait une noirceur insondable, une cruauté que je n'aurais jamais pu imaginer.

La première fois que j'avais tenté de fuir, j'avais repéré une fenêtre mal verrouillée dans le grenier, un espace que j'avais exploré furtivement en quête de la moindre faille dans ma cage dorée. L'endroit, d'une tranquillité trompeuse, s'était métamorphosé en ma prison. Une nuit, alors que le silence régnait et que tout semblait figé dans une torpeur bienveillante, j'avais rassemblé ce qui me restait de courage et de force pour m'échapper. L'adrénaline pulsait dans mes veines, tandis que la peur, tapie dans l'ombre, me rongeait les entrailles. Je m'étais imaginé la liberté, le retour à une vie normale, la chaleur rassurante des bras de Jordan. Mais la réalité se révéla bien plus cruelle.

À peine avais-je franchi le seuil de cette fenêtre qu'une poigne implacable m'avait saisie, m'entraînant violemment en arrière. Je luttais, désespérée, mais mes cris se perdaient dans la nuit. Il m'avait ramenée à l'intérieur, me jetant au sol avec une fureur qui dépassait tout ce que j'avais pu imaginer. Ses mots résonnent encore dans ma tête, un écho sinistre : "Tu ne t'échapperas jamais, Orane. Tu m'appartiens désormais." Puis il avait frappé. Les coups s'étaient abattus sur moi, chaque impact effaçant un peu plus l'espoir que j'avais chéri. Mon corps souffrait, mais c'était mon esprit qui se délitait sous la violence. J'avais cru, ne serait-ce qu'un instant, pouvoir retrouver ma liberté. Maintenant, je comprenais que c'était une illusion, un mirage cruel.

Après cette tentative, il n'avait eu de cesse de me briser davantage. Chaque jour, je me retrouvais face à mes démons, forcée de revivre les blessures d'autrefois, celles que j'avais tenté d'enfouir, celles qui, aujourd'hui, se déchaînaient avec une vigueur renouvelée. La petite fille en moi, celle qui avait déjà tant souffert, ressurgissait, vulnérable, apeurée. Chaque jour, il me répétait que je n'étais rien, que je n'avais aucun espoir de m'en sortir. À force d'entendre ces mots, j'avais fini par les croire. Je n'étais plus qu'une enfant blessée, sans force, sans but, sans espoir. Les larmes avaient cessé de couler, remplacées par une froideur résignée, une acceptation glaciale de mon sort.

Les nuits étaient les plus terribles. Même dans le sommeil, je n'étais pas en paix. Les cauchemars me traquaient, m'obligeant à revivre sans cesse les moments où il m'avait frappée, humiliée. Je rêvais de Jordan, de sa voix douce me murmurant des mots de réconfort, mais ces rêves tournaient toujours au cauchemar. Dans ces visions torturées, il se retournait contre moi, m'abandonnant à ma solitude, me murmurant que tout cela était de ma faute. Je me réveillais en sursaut, le corps tremblant, les draps trempés de sueur. Mes mains agrippaient frénétiquement les couvertures, comme pour me protéger de cette terreur sourde qui ne me quittait jamais. Le silence qui suivait ces réveils était encore plus oppressant que les cris de mes cauchemars. Je restais allongée, les yeux fixés sur le plafond, tentant de calmer ma respiration, mais chaque bruit, chaque craquement dans cette maison, me rappelait que j'étais seule. Complètement seule.

L'espoir, autrefois une lueur vacillante, s'était éteint en moi. L'idée que Jordan puisse encore me chercher me semblait maintenant absurde, presque risible. Comment pourrait-il ? Il devait me croire disparue à jamais, et peut-être avait-il fini par se résigner lui aussi. Peut-être avait-il tourné la page, tout comme moi je devais le faire, même si cela signifiait m'abandonner à mon sort. J'avais cessé de me battre. À quoi bon ? Chaque tentative de résistance ne faisait que le rendre plus cruel, plus acharné à me briser. Alors, je m'étais laissée sombrer. Mon corps, autrefois plein de vie, n'était plus qu'une coquille vide. Mon esprit, autrefois vif et combatif, n'était plus qu'un enchevêtrement de pensées sombres et de regrets amers.

Je me levais chaque matin avec la certitude que le jour qui venait ne serait qu'une répétition du précédent. Je ne mangeais presque plus, la nourriture me dégoûtait. Mon corps s'affaiblissait, et il le voyait. Cela semblait l'amuser, comme s'il se délectait de ma déchéance. Il venait me voir chaque jour, me parlant d'une voix douce et affectée, comme s'il se plaisait à jouer le rôle du compagnon attentionné. Mais je ne répondais plus. Je n'avais plus la force de crier, de le maudire, ou même de le supplier. Je survivais, jour après jour, attendant... mais quoi ?

Je ne le savais plus. Peut-être qu'au fond de moi, une minuscule étincelle d'espoir refusait de s'éteindre. Peut-être que je me raccrochais à l'idée que Jordan ne m'avait pas oubliée. Mais chaque jour, cette étincelle faiblissait, vacillant dans l'obscurité grandissante de mon esprit. Je craignais qu'un jour, elle ne s'éteigne pour de bon, me plongeant dans une obscurité totale, un abîme dont je ne reviendrais jamais.

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