Pas comme je l'imaginais

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Je me dirigeai d'abord chez lui, pleine d'espoir et de nervosité. Revoir Jordan après ces trois longues années, c'était tout ce qui m'avait permis de tenir pendant ce temps. Chaque jour, chaque nuit, je m'étais accrochée à l'idée qu'il m'attendait quelque part, qu'il n'avait jamais cessé de croire en notre amour. Cette pensée m'avait maintenue en vie, m'avait empêchée de sombrer dans le désespoir.

Mais quand je frappai à sa porte et qu’il ne répondit pas, une pointe de déception me traversa. Où pouvait-il être ? Je restai plantée devant l'entrée, le souffle court, essayant de rassembler mes pensées. L'idée de ne pas le trouver ici, dans ce lieu qui avait été le nôtre, me bouleversait plus que je ne voulais l'admettre.

Sans perdre espoir, je me dirigeai vers son bureau. Chaque pas me rapprochait du moment tant attendu, mais avec chaque pas, une angoisse sourde s'installait en moi. Et si tout avait changé ? Et si le Jordan que je retrouvais n'était plus celui que j'avais quitté ?

En arrivant devant la porte de son bureau, une petite pancarte attira mon attention : "Ne pas déranger". Mon cœur battait à tout rompre. J'hésitai un instant, sentant une étrange appréhension monter en moi. Pourquoi cette incertitude m'envahissait-elle si soudainement ? J'avais tant attendu cet instant. Je devais me ressaisir, ignorer cette peur irrationnelle qui me paralysait. Alors, prenant une grande inspiration, je poussai la porte.

Il était là, assis à son bureau, plongé dans ses papiers. Il ne leva pas les yeux immédiatement, trop absorbé par son travail. Pendant un instant, je restai figée sur le seuil, le souffle suspendu, l'observant pour m'assurer que tout cela était bien réel. Il était là, devant moi, mais quelque chose dans l'atmosphère de la pièce me mit mal à l'aise. Ce n'était pas l'image des retrouvailles idéales que j'avais imaginée tant de fois.

« Jordan… » murmurai-je d'une voix tremblante, pleine d'émotion, laissant tout l'espoir et l'amour que j'avais retenus si longtemps s'exprimer.

Il leva enfin la tête, et nos regards se croisèrent. Mais au lieu de la joie ou du soulagement que j'avais espérés, son visage resta impassible, presque froid. Ses sourcils se froncèrent légèrement, et une ombre passa dans son regard. « Orane… » dit-il, sa voix distante, presque détachée. Il se redressa, mais ne fit pas un pas vers moi.

Je m'avançai doucement, cherchant dans ses yeux une lueur de reconnaissance, d'affection. Mais tout ce que je voyais, c'était une dureté qui me glaçait le sang. « Jordan, c’est moi… » tentai-je, un sourire incertain aux lèvres, malgré l'inquiétude qui me nouait l'estomac. Il y avait eu des moments de doute, des moments où je m'étais demandé si ces retrouvailles seraient comme je l'avais espéré, mais jamais je n'avais imaginé une telle froideur.

« Je vois bien, » répondit-il, sa voix dépourvue de chaleur. « Tu es revenue. »

Un silence lourd s'installa entre nous, et la distance entre nous devenait insupportable. Ce n'était pas les retrouvailles dont j'avais rêvé. Il y avait quelque chose de profondément inquiétant dans son attitude. « Jordan, qu’est-ce qu’il y a ? » demandai-je, une panique sourde montant en moi. « Je suis revenue… Je suis enfin revenue. »

Il détourna le regard, fixant un point invisible au loin. « Pourquoi maintenant, Orane ? » murmura-t-il, sa voix basse, presque trop calme, comme s'il essayait de contenir quelque chose.

La question me heurta de plein fouet. « Pourquoi maintenant ? » répétai-je, déconcertée. « Jordan, j'ai été retenue captive, je n'avais aucun moyen de revenir avant… » Ma voix tremblait, mais il resta distant, presque absent. Une douleur sourde se répandait dans ma poitrine. Pourquoi cette froideur ? Pourquoi ce détachement ? Mon cœur battait si fort que j'avais l'impression qu'il allait éclater.

« Il y a des choses que je ne comprends pas, » dit-il enfin, son ton glacial me perçant de part en part. « Beaucoup de choses. »

Mon cœur se serra davantage. Quelque chose n'allait vraiment pas. « Jordan, je te jure que je ne voulais qu'une chose : te retrouver. Qu’est-ce qui te fait douter de moi ? »

Il secoua la tête, comme s'il luttait intérieurement. « Ce n'est pas le moment d'en parler, Orane. Pas maintenant. »

La douleur s'empara de moi. Jordan, l'homme que j'aimais, celui pour qui j'avais tout enduré, se tenait devant moi, mais il était méconnaissable. « Jordan, s’il te plaît… » Ma voix n'était plus qu'un murmure suppliant, mais il restait inflexible.

« Pas maintenant, » répéta-t-il, détournant à nouveau le regard, me laissant seule avec mes questions, mon angoisse et cette distance insupportable.

Je restai là, figée par l'incompréhension et la douleur, avant de tourner les talons et de quitter la pièce. Chaque pas que je faisais en m’éloignant de lui était une déchirure. Ce n’était pas le Jordan que j'avais connu, que j'avais aimé si passionnément. Ce n’était pas les retrouvailles que j'avais imaginées des milliers de fois, des millions de fois même. Où était passé l'homme qui avait promis de toujours être là pour moi, qui m'avait cherché sans relâche, qui m'aimait sans condition ?

Je sortis de son bureau, le cœur lourd, les larmes aux yeux, réalisant que le Jordan que je retrouvais n'était plus celui que j'avais laissé derrière moi. Mon monde c’était arrêté de tourner depuis longtemps, mais pas le sien. Je m’en rendais compte maintenant. Je courus vers l’ascenseur, appuyant frénétiquement sur le bouton d’appel, espérant fuir cet instant qui venait de me briser à nouveau.

L’ascenseur arriva, les portes s’ouvrirent, mais même alors que j’entrais, je sentais son absence me poignarder. Jordan ne me rattrapa pas. Il resta dans son bureau, me laissant seule avec ma douleur et mon incompréhension. Ce fut le coup de grâce. Le dernier espoir que j'avais, que tout allait s'arranger, s'effondra. Peut-être que le Jordan que je connaissais avait disparu bien avant moi. Peut-être que tout ce que nous avions n'était plus qu'un souvenir, effacé par le temps et la douleur.

Les portes se refermèrent devant moi, et je laissai les larmes couler librement. J'avais survécu à l'enfer pendant trois ans, mais à cet instant, face à l'indifférence de Jordan, je me sentais plus perdue que jamais.

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