avocat

46 2 0
                                    

Le rendez-vous avec Maître Fabre approchait, et une certaine nervosité me gagnait. Je savais que cet entretien marquait le début d’une nouvelle étape, celle où mon passé tourmenté serait enfin confronté à la justice. Le cabinet de Maître Fabre, un homme connu pour sa rigueur et son efficacité, me semblait être le bon endroit pour préparer ce procès. Pourtant, je savais aussi que pour cela, je devrais revisiter des souvenirs que j'avais tenté d'oublier.

Assise dans son bureau élégant et sobre, j’observai brièvement les tableaux aux murs, cherchant un peu de réconfort dans l’atmosphère feutrée du lieu. Après les salutations d’usage, Maître Fabre me demanda de raconter mon histoire. Un poids se forma dans ma poitrine à cette simple demande, mais je savais qu’il était nécessaire de parler, de tout révéler.

« Tout a commencé il y a environ quatre ans, » commençai-je, ma voix trahissant une certaine émotion. « Au début, les messages semblaient presque innocents, bien qu'intrusifs. Des compliments sur mon travail, des observations sur ma vie que je trouvais un peu trop précises. J'ai alors pensé à un admirateur secret, quelqu’un d’anodin. »

Maître Fabre notait chaque mot avec attention, ses yeux me scrutant pour déceler chaque nuance dans mon récit.

« Mais rapidement, le ton a changé. Les lettres devenaient plus menaçantes, plus personnelles. Il connaissait mes habitudes, mes déplacements, même des détails intimes que je n'avais partagés qu'avec Jordan. Nous avons essayé de comprendre qui cela pouvait être, mais sans succès. »

Je fis une pause, avalant difficilement ma salive alors que les souvenirs remontaient. « Puis, un jour, alors que je rentrais chez moi... Il m'a enlevée. Il m’a emmenée loin de tout, sur une île, quelque part près de la France. Un endroit isolé, presque paradisiaque si l’on ne savait pas ce qui s’y passait. Il m’a retenue captive dans une villa, un lieu magnifique à l'extérieur, mais une véritable prison pour moi. »

La douleur dans ma voix était palpable. « Trois ans. J’ai passé trois ans dans cet enfer. Il me gardait dans cette villa, loin de tout et de tous. La mer était là, scintillant au soleil, mais je ne pouvais que la voir à travers les fenêtres verrouillées. Chaque jour ressemblait au précédent, une suite interminable de jours où il me parlait, me manipulait, essayant de me faire croire que le monde m’avait oubliée. »

Maître Fabre leva les yeux de ses notes. « Avait-il un mobile clair ? Vous a-t-il expliqué pourquoi il faisait cela ? »

Je secouai la tête, les larmes me montant aux yeux. « Non... C’est ce qui rend tout cela encore plus terrifiant. Il ne m’a jamais donné de raison claire. Il semblait juste vouloir m’isoler, me posséder. Parfois, il devenait colérique, d’autres fois il était étrangement calme, comme si tout cela était normal pour lui. Mais je n’ai jamais su ce qu’il voulait vraiment. »

Je pris une profonde inspiration avant de continuer. « Il y avait cette vidéo... une vidéo truquée, que Jordan a reçue. Elle montrait... quelque chose d'intime, quelque chose qui aurait pu tout briser entre nous. Mais Jordan, au lieu de la montrer aux autorités, l’a gardée pour lui. Il était détruit, convaincu que j’avais fait quelque chose que je n’aurais jamais pu faire. Cette vidéo a failli tout détruire. »

Maître Fabre fronça les sourcils. « Et comment avez-vous été retrouvée ? »

Je pris un moment pour rassembler mes pensées. « C’est là que c’est encore plus flou. Un jour, des soldats sont arrivés, armés, déterminés. Ils ont enfoncé la porte de la villa et m’ont sauvée. Mais ils ne m’ont jamais dit comment ils m’avaient retrouvée. Peut-être une opération de routine, ou une information qu’ils ont obtenue, je ne sais pas. Je n’ai jamais su comment, ni pourquoi. Tout ce que je sais, c’est que j’ai été sortie de cet enfer, mais je n’ai jamais eu les réponses que je cherchais. »

Je m'arrêtai, la gorge serrée. Maître Fabre me regarda longuement, puis posa son stylo. « Ce procès sera éprouvant, Orane, mais il est essentiel pour que justice soit rendue. Vous avez survécu à cette épreuve, et maintenant, nous devons faire en sorte que cet homme réponde de ses actes. »

En quittant le cabinet, je me sentais un peu plus légère, mais aussi inquiète. Le procès approchait, et avec lui, les souvenirs refoulés, les peurs que je devrais affronter à nouveau. Mais je savais que ce moment marquait aussi le début de ma reconquête de la liberté, de la vérité, et peut-être, enfin, d'une forme de paix intérieure.

Passions et Politique Où les histoires vivent. Découvrez maintenant