plaidoirie

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Le tribunal était silencieux, comme figé dans une attente oppressante. Aujourd’hui, c’était le dernier acte de ce long procès : les plaidoiries. Le moment où chaque avocat allait mettre en lumière sa vision des faits, peser les mots et tenter de convaincre les jurés une dernière fois. La vérité, ou ce qu’il en restait, serait mise à nu.

Je jetai un coup d'œil à Jordan à mes côtés. Son visage était grave, mais ses yeux ne quittaient pas la salle. Il était concentré, prêt à affronter ce qui allait suivre. Les derniers jours avaient été éreintants, et même si nous sentions que la fin approchait, le poids des témoignages, des révélations, et de toutes ces émotions accumulées nous avait laissés vidés.

Maître Fabre, notre avocat, fut le premier à se lever. Sa présence imposante et son charisme captivaient instantanément l'attention de la salle. Il commença par marcher lentement, son regard balayant chaque personne présente, pesant le silence avant de prendre la parole.

« Mesdames et messieurs les jurés, ce procès n’a pas seulement été un combat pour obtenir justice pour Mademoiselle Orane Hoarau. C’est le récit d’une descente aux enfers orchestrée par des esprits vengeurs, manipulés par leur propre noirceur. Orane a été enlevée, privée de sa liberté, de sa dignité, pendant trois longues années, par des individus qui ont joué avec sa vie comme on jouerait avec un pion sur un échiquier. »

Je sentis un frisson me parcourir. Les mots de Maître Fabre étaient justes, précis. Il parlait de ma douleur avec une telle clarté que c’en était presque insupportable.

« Anton Lescaut, » continua-t-il en désignant l’accusé du doigt, « n’a jamais été un simple exécutant. Il est l’architecte de cette machination abjecte. Un homme capable de manipuler, de trahir, et de détruire, pour atteindre ses objectifs personnels. Et Nolwenn Le Gall, malgré ses tentatives de minimiser sa responsabilité, n’est pas innocente. Elle a été complice par ses actions, et son désir de vengeance l’a aveuglée au point de collaborer avec Lescaut, sans jamais se soucier des conséquences pour Orane. »

Je regardai Nolwenn. Assise en retrait, elle semblait s’être renfermée sur elle-même, comme si le poids des accusations la pliait. Mais Maître Fabre ne lui laissait pas de répit.

« Vous avez entendu ses aveux, ses justifications. Elle prétend ne pas avoir su jusqu’où cela irait, mais elle a alimenté cette spirale de violence. Les mots, les gestes, tout compte. Et aujourd’hui, c’est à vous de rendre justice. Justice pour Orane, pour ces années volées, pour cette souffrance infligée sans remords. »

Il se tourna alors vers moi, me gratifiant d’un regard empreint de soutien et de détermination. Je sentis une bouffée d’émotion monter en moi, mais je la refoulai, gardant mon visage impassible.

L’avocat de Lescaut se leva ensuite, prenant le relais. Son approche était méthodique, presque chirurgicale. Il savait que défendre Lescaut relevait du défi, mais il n’en restait pas moins redoutable.

« Mesdames et messieurs les jurés, il est facile de juger avec le recul. Facile de condamner un homme sans comprendre les forces qui l’ont poussé à agir. Anton Lescaut a agi par faiblesse, sous l’emprise de passions destructrices, mais il n’est pas un monstre sans cœur. Sa collaboration avec Nolwenn Le Gall ne résulte pas d’une simple cruauté gratuite, mais d’une accumulation de frustrations et de manipulations. Anton reconnaît ses torts, et il en a assumé la pleine responsabilité devant vous. Ne le traitez pas comme une simple caricature du mal, mais comme un homme qui a failli, profondément. »

Lescaut hocha lentement la tête, jouant parfaitement le rôle du coupable repentant. Je pouvais sentir l’agacement de Maître Fabre à mes côtés, mais il restait concentré.

Puis vint le tour de l’avocat de Nolwenn. Il semblait nerveux, conscient de la difficulté de la tâche. Nolwenn, elle, restait figée, le regard baissé.

« Ma cliente, Nolwenn Le Gall, n’a jamais voulu le malheur d’Orane Hoarau. Elle s’est laissée emporter par des émotions destructrices, manipulée par un homme sans scrupules. Elle reconnaît ses erreurs, et elle a fait preuve de courage en témoignant devant vous, en avouant sa part de responsabilité. Elle n’est pas une criminelle, mais une femme blessée qui a mal choisi ses alliés. Ne la réduisez pas à ses pires décisions. Elle mérite une chance de se racheter. »

Je fixai Nolwenn, cherchant à comprendre ce qu’elle ressentait en cet instant. Était-ce du regret ? De la honte ? Ou juste une autre façade qu’elle arborait pour éviter de craquer ?

Les plaidoiries s’achevèrent dans un silence pesant. Les avocats s’étaient battus avec acharnement, chacun tentant de faire pencher la balance en faveur de son client. Mais pour moi, ce n’était pas seulement une question de culpabilité ou d’innocence. C’était une question de vérité. De justice. De reconnaissance de ma souffrance.

Lorsque les jurés furent enfin appelés à délibérer, Jordan me prit la main et me murmura à l’oreille, « Peu importe le verdict, tu n’es plus seule. »

Et en cet instant, malgré le poids de tout ce qui venait de se dérouler, je me sentis un peu plus libre. Les juges allaient rendre leur décision, mais moi, j’avais déjà retrouvé une part de moi-même.

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