Bonne nuit

77 2 0
                                    

Je sentais encore le poids de nos émotions récentes, suspendues entre nous comme une brume lourde et épaisse. Jordan s'approcha lentement, ses yeux rivés aux miens, et pendant un moment, tout ce qui se passait autour de nous sembla disparaître. Il y avait une hésitation dans son regard, un mélange de confusion et de tendresse que je n'avais pas vu depuis longtemps. Lorsqu'il se pencha légèrement vers moi, j'eus l'impression que le temps s'était figé.

« Laisse-moi t'aider, » murmura-t-il, sa voix tremblante, comme s'il avait peur de rompre le silence fragile entre nous.

Je ne répondis pas tout de suite, trop occupée à essayer de comprendre ce que je ressentais à cet instant précis. Finalement, je hochai doucement la tête, et il leva les mains, ses doigts frôlant mes épaules. La chaleur de sa peau contre la mienne m'envoya un frisson, et je sentis mon cœur s'emballer alors qu'il remettait doucement ma robe en place. Chaque geste était empreint d'une telle précaution que je me demandais s'il ne craignait pas de me briser en mille morceaux.

Je ne pouvais m'empêcher de le regarder, fascinée par la concentration avec laquelle il s'appliquait à ne pas me toucher plus que nécessaire. Pourtant, chaque contact, aussi léger soit-il, envoyait une onde de choc à travers mon corps. Mes joues s'empourprèrent sans que je puisse les en empêcher, et je détournai brièvement les yeux pour essayer de reprendre mon souffle.

Quand il eut fini, je relevai les yeux vers lui, et nos regards se croisèrent. Il n'y avait plus de mots à dire, pas pour l'instant. Ce simple moment partagé, ce rapprochement silencieux, parlait pour nous. Je laissai échapper un sourire, faible mais sincère, et Jordan me le rendit, bien que son sourire fût plus mélancolique, comme s'il regrettait quelque chose.

Nous sortons finalement de la pièce, nos pas résonnant dans le couloir désert, encore hantés par ce que nous venions de vivre. Une fois dehors, la clameur de la fête nous ramena à la réalité. Les lumières, les rires, la musique... tout cela nous sembla étranger après ce moment de vulnérabilité. Sans un mot, nous prenons des chemins différents, chacun rejoignant les invités à sa manière, tentant de se fondre dans la foule comme si rien ne s'était passé. Pourtant, je pouvais toujours sentir sa présence tout près, comme une ombre qui refusait de me quitter.

Gabriel ne tarda pas à me trouver. Il apparut à mes côtés avec son air habituellement protecteur, les sourcils légèrement froncés d'inquiétude. « Orane, tout va bien ? » demanda-t-il, son regard cherchant des indices sur mon visage.

Je pris une profonde inspiration, essayant de masquer le tourbillon d'émotions qui m'envahissait encore. « Oui, tout va bien, » répondis-je avec un sourire rassurant, même si je n'étais pas certaine de croire moi-même à ces mots. Gabriel sembla néanmoins se détendre un peu, hochant la tête comme s'il voulait me croire, même si un doute persistait dans ses yeux.

Il resta près de moi un moment, comme s'il hésitait à me laisser seule, puis il s'éloigna finalement, me laissant à nouveau plongée dans mes pensées. La fête continuait autour de moi, mais je me sentais complètement déconnectée, comme si je regardais tout cela à travers une vitre. Les rires, les conversations animées, les verres qui s'entrechoquaient... rien de tout cela n'avait d'importance. Mes pensées étaient toutes dirigées vers Jordan, vers ce moment que nous venions de partager, vers la douleur et la tendresse mêlées que j'avais pu lire dans ses yeux.

Le temps semblait s'étirer et se comprimer à la fois, et avant même que je ne m'en rende compte, la soirée touchait à sa fin. Les invités commençaient à se disperser, regagnant leurs voitures sous les lumières tamisées des réverbères. Je pris un dernier verre de champagne, plus par automatisme que par envie, puis me dirigeai lentement vers la sortie. L'air frais de la nuit m'accueillit, me ramenant brusquement à la réalité.

Je me tenais sous le porche, regardant les voitures défiler devant l'entrée, attendant la mienne. Alors que je m'apprêtais à monter dans le véhicule qui venait d'arriver, je remarquai que la voiture de Jordan s'arrêtait presque en même temps que la mienne, juste de l'autre côté du trottoir. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Il se tenait là, de l'autre côté, et pendant un instant, il n'y eut que nous deux, le reste du monde se dissolvant autour de nous.

Il ne dit rien, mais nos regards échangèrent mille mots. C'était comme si tout ce que nous n'avions pas pu dire plus tôt se transmettait maintenant à travers ce simple contact visuel. Je sentis une chaleur envahir mon corps, une chaleur différente de celle causée par l'alcool, plus profonde, plus douce.

Sans réfléchir, je m'approchai de lui. Mes mains se posèrent doucement sur les siennes, et je caressai ses doigts du bout des doigts, appréciant la sensation de sa peau contre la mienne. « Bonne nuit, Jordan, » murmurais-je, ma voix douce, presque un souffle.

Il me regarda intensément, ses yeux cherchant quelque chose dans les miens, comme s'il essayait de capturer cet instant pour ne jamais l'oublier. « Bonne nuit, Orane, » répondit-il enfin, sa voix basse et teintée d'une émotion que je ne parvenais pas à identifier.

Je laissai ses mains avec regret et montai dans ma voiture. Le chauffeur ferma la portière derrière moi, mais je ne pouvais m'empêcher de jeter un dernier coup d'œil vers Jordan. Il était toujours là, me regardant, figé dans la nuit, avant de finalement monter lui aussi dans sa voiture. Le moteur de mon véhicule ronronna doucement alors que nous nous éloignions, et je sentis une vague de mélancolie m'envahir.

Le trajet jusqu'à chez moi se fit dans un silence absolu, mes pensées dérivant sans cesse vers lui, vers ce qui aurait pu être dit ou fait différemment. Lorsque la voiture s'arrêta enfin devant la maison, je descendis lentement, les pensées encore embrouillées par les événements de la soirée. Mais quelque chose attira mon attention. Une autre voiture était garée un peu plus loin, dans l'ombre, comme si elle essayait de passer inaperçue.

Je m'arrêtai, le cœur battant un peu plus vite, et mon agent de sécurité, qui m'avait précédée, s'approcha avec un sourire rassurant. « Ne vous inquiétez pas, mademoiselle, » dit-il calmement. « C'est la voiture de Monsieur Bardella. Il a simplement voulu s'assurer que vous rentriez bien. »

Mon cœur se réchauffa à ces mots, et un sourire léger se dessina sur mes lèvres. Même après tout ce qui s'était passé, même avec les doutes, la colère et la confusion, Jordan avait veillé sur moi. C'était sa façon de dire qu'il se souciait encore de moi, même s'il ne pouvait pas encore le dire ouvertement, même s'il luttait contre lui-même pour garder ses distances.

Je montai les quelques marches qui menaient à chezmoi, le sourire toujours accroché à mes lèvres. Quand j'insérai la clé dans la serrure et poussai la porte, j'entendis le moteur de la voiture de Jordan démarrer doucement, puis s'éloigner dans la nuit. Je restai un moment immobile, le dos appuyé contre la porte fermée, mes pensées flottant encore entre le passé et l'avenir, entre ce qui avait été et ce qui pourrait être.

Pour la première fois depuis des mois, je me sentais légère, presque sereine. Peut-être que tout n'était pas résolu, que le chemin à parcourir serait encore long et semé d'embûches, mais cette nuit, je savais que je n'étais plus seule. Jordan était là, quelque part, veillant sur moi, et c'était tout ce qui comptait.

Je m'avançai dans la pénombre de mon appartement, le sourire toujours présent, et m'effondrai sur le canapé, laissant enfin retomber la tension accumulée. Je savais que demain serait un autre jour, peut-être aussi compliqué que les précédents, mais ce soir, je me sentais plus forte. Parce que même si nos chemins semblaient encore incertains, Jordan et moi venions de franchir une étape cruciale, et ça, personne ne pourrait nous l'enlever.

Passions et Politique Où les histoires vivent. Découvrez maintenant