Les jours passent

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Les jours s’étiraient en une interminable succession d’heures vides, chaque minute accentuant mon sentiment de désespoir. Je ne savais plus depuis combien de temps j’étais retenue ici, mais l’idée que Jordan me cherchait, quelque part, me maintenait à flot. Pourtant, si ce fou disait vrai et que nous n’étions plus en France, comment pourrait-il jamais me retrouver ? Cette pensée me hantait, se frayant un chemin à travers la peur et la douleur, comme une lame acérée. Je me raccrochais à l'idée que Jordan ferait l'impossible pour me retrouver, mais la réalité me rappelait sans cesse que je pouvais être n'importe où, totalement perdue dans un monde étranger.

Mon appétit avait disparu avec mes repères. Chaque repas que l’homme m’apportait était une épreuve. Je mangeais à peine, forçant mon corps à accepter quelques bouchées, plus par instinct de survie que par véritable faim. Le goût de la nourriture était fade, insignifiant. Tout ce qui importait était de rester consciente, de ne pas laisser ce monstre m’engloutir complètement. Mais mon corps, épuisé par le manque de sommeil et l'angoisse permanente, commençait à faiblir.

Cet homme… Il venait me voir chaque jour, s’installant dans la chambre avec un calme qui contrastait violemment avec la terreur qu’il m’inspirait. Je le détestais de toutes mes forces, mais cette haine se mêlait à une peur viscérale qui me paralysait à chaque fois qu'il franchissait le seuil de la porte. Il me regardait avec une curiosité malsaine, comme s’il observait une expérience dont il connaissait déjà le dénouement. Ses yeux, toujours d'un calme imperturbable, semblaient sonder mon âme, cherchant à percer mes dernières défenses.

"Orane," disait-il d’une voix douce, presque cajoleuse, comme s’il s’adressait à une amie proche. "Pourquoi t'infliger tout ça ? Pourquoi continuer à résister alors que tu sais que c'est inutile ?"

Je ne répondais pas, me contentant de fixer un point sur le mur, essayant de ne pas lui donner satisfaction. Mais chaque jour, c’était de plus en plus difficile. Il le savait, et ça l’amusait.

"Tu penses à Jordan, n’est-ce pas ?" continuait-il, son ton devenant plus insistant. "Tu espères qu'il viendra te sauver, que ce conte de fées aura une fin heureuse. Mais laisse-moi te dire quelque chose, Orane. L’heure des menaces est passée. C’est le moment d’agir. Il est temps que tu réalises que tu es seule ici, et que personne ne viendra te sauver."

Sa voix, toujours si maîtrisée, prenait parfois une teinte plus sombre, plus menaçante. Il aimait jouer avec mes nerfs, alterner entre fausse bienveillance et menaces à peine voilées. Chaque jour, il faisait un pas de plus, testant mes limites, cherchant à voir jusqu'où il pourrait me pousser.

"Tu sais," dit-il un matin, alors que je restais recroquevillée dans un coin de la pièce, "je pourrais faciliter les choses pour toi. Si tu fais ce que je te demande, si tu acceptes de coopérer, tout sera plus simple. Je pourrais même te rendre la liberté, qui sait ? Mais pour ça, il faut que tu sois prête à abandonner ces idées de fuite, de résistance. Il faut que tu comprennes que c'est moi qui contrôle la situation."

Il s'approcha de moi, s'agenouillant pour être à ma hauteur. Je sentais son regard peser sur moi, lourd et oppressant. Mon corps entier se tendit, mais je refusai de le regarder, refusant de lui montrer la peur qui m’habitait.

"Tu finiras par céder, Orane," murmura-t-il. "Ils cèdent tous, tôt ou tard."

À ces mots, je sentis une vague de terreur m’envahir. Il parlait avec une telle certitude, comme s’il avait déjà vécu cette situation des dizaines de fois. Comme s’il savait, avec une froide assurance, que je ne pourrais pas tenir indéfiniment. Je me mordis la lèvre pour empêcher les larmes de couler, refusant de lui offrir cette victoire. Mais au fond de moi, une petite voix, sournoise et insidieuse, commençait à semer le doute. Combien de temps pourrais-je encore résister avant que la peur et le désespoir ne prennent le dessus ?

Il se redressa lentement, toujours avec cette même tranquillité effrayante, et se dirigea vers la porte. Avant de sortir, il se tourna vers moi une dernière fois, un sourire sinistre aux lèvres.

"Réfléchis bien, Orane. Le temps joue contre toi."

La porte se referma, me laissant seule avec mes pensées et cette peur grandissante. Les jours passaient, et avec eux, mon espoir de voir Jordan surgir pour me sauver s’amenuisait. Le cauchemar que je vivais devenait de plus en plus réel, de plus en plus étouffant. Chaque jour, je luttais pour ne pas céder à la panique, pour ne pas me laisser consumer par l’angoisse. Mais cet homme avait raison sur un point : le temps était contre moi. Et plus il passait, plus je sentais mes forces me quitter, remplacées par une terreur sourde et omniprésente.

Pourtant, au fond de moi, je continuais à me battre. Parce que tant qu’il me restait une once de volonté, je savais que je ne pouvais pas abandonner. Pas encore. Pas tant qu’il restait une infime chance que Jordan me retrouve, qu’il vienne me sortir de cet enfer. Mais avec chaque jour qui passait, cette chance devenait de plus en plus mince, de plus en plus fragile. Et je savais que si je n’agissais pas bientôt, cette étincelle d’espoir finirait par s’éteindre, emportant avec elle toute possibilité de m’échapper de cet enfer.

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