L'alcool Donne Du Courage

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La soirée était en pleine effervescence. Gabriel avait organisé cet événement pour célébrer un tournant décisif dans nos campagnes politiques, une alliance cruciale qui pourrait bien décider des prochaines élections. Les invités étaient nombreux : des alliés, des opposants, des journalistes, tous venus pour marquer ce succès. Mais pour moi, cette fête n’était qu’un décor de plus à ma propre tragédie. L’alcool coulait à flots, et je n’avais pas manqué d’en profiter. À chaque gorgée de champagne, je sentais ma colère grandir, ma frustration se transformer en une tempête prête à exploser.

Jordan était là, bien sûr. Je l’avais vu dès mon arrivée, esquivant mon regard, se fondant dans la foule comme s’il cherchait à disparaître. Mais je ne comptais pas le laisser m’éviter cette fois. L’alcool me donnait du courage, ou peut-être n’était-ce que de la folie. Quoi qu’il en soit, je le voulais face à moi, pour qu’il arrête enfin de se cacher.

Après plusieurs verres de champagne, je me sentais enflammer, la colère brûlant mon ventre aussi fort que l'alcool. Mes pas m’avaient naturellement menée vers lui, le cœur battant à tout rompre. Je le trouvai enfin, près du bar, en train de discuter avec Gabriel. Je n’écoutai pas ce qu’ils se disaient, tout ce que je voyais, c’était lui, et le besoin urgent de briser ce silence étouffant entre nous.

« Jordan ! » criai-je en traversant la pièce, ma voix coupant le bourdonnement des conversations. Gabriel se tourna vers moi, surpris, mais c’est Jordan qui capta toute mon attention. Il se retourna lentement, son regard se durcissant dès qu’il me vit.

« Orane, qu’est-ce que tu fais là ? » dit-il d’une voix basse, teintée d’une exaspération qui m’irrita instantanément.

« Qu’est-ce que tu crois ? » répliquai-je, ma voix tremblante de colère. « Tu comptes m’ignorer toute la soirée, encore une fois ? »

« Tu as bu, Orane. Ce n’est ni le lieu ni le moment pour ça. » Il était sur la défensive, son ton coupant, mais je ne comptais pas reculer.

« Ah oui ? Et quand est-ce que ce sera le moment, Jordan ? Quand tu auras fini de m’éviter, de faire comme si je n’existais plus ? » Je sentais les regards se tourner vers nous, mais je n’en avais rien à faire. Tout ce qui comptait, c’était lui et moi, ici et maintenant.

Gabriel, sentant la tension monter, posa une main sur mon épaule. « Orane, peut-être devrions-nous discuter de ça plus tard, quand tu seras plus calme… »

Je repoussai sa main, le fixant avec une froideur que je ne réservais habituellement qu’à mes pires ennemis. « Non, Gabriel. Ça suffit. Je ne vais pas continuer à faire semblant. »

Jordan secoua la tête, une colère sourde émanant de lui. « Très bien. Tu veux parler ? Parlons. » Il m’attrapa par le bras et m’entraîna vers une salle adjacente, loin des regards curieux. Il ferma la porte derrière nous, créant un isolement suffocant.

Je me dégageai brusquement de son emprise, mes yeux flamboyants de rage. « Pourquoi tu continues à me fuir, Jordan ? Pourquoi tu fais comme si j’étais coupable de tout ce qui est arrivé ? »

« Parce que tu l’es, Orane ! » rugit-il, sa voix éclatant dans la petite pièce. « Tu crois que je peux oublier ce que j’ai vu ? Ce que tu as fait ? »

Je reculai, abasourdie par l’intensité de ses mots. « Tu parles de cette vidéo, n’est-ce pas ? » Ma voix tremblait, mais je refusai de montrer la moindre faiblesse. « Tu penses vraiment que c’était moi, là-dedans ? »

Il ne répondit pas tout de suite, se contentant de me fixer avec une froideur qui me glaça le sang. « Que veux-tu que je croie, Orane ? » murmura-t-il enfin. « Que tout ça n’était qu’un mensonge ? Que tu n’as rien à voir avec ce que j’ai vu de mes propres yeux ? »

Je sentis une rage bouillonner en moi, une rage que je ne pouvais plus contenir. « Montre-la-moi. Montre-moi cette vidéo, et on verra si tu oses encore croire que j’ai pu faire ça. »

Il secoua la tête, un rictus amer sur les lèvres. « Tu ne veux pas voir ça, Orane. »

« Putain, Jordan, montre-la-moi ! » criai-je, sentant les larmes me monter aux yeux.

Il hésita un instant, puis, dans un soupir de résignation, sortit son téléphone. Il chercha la vidéo et me la tendit sans un mot. Mes mains tremblaient alors que j'appuyai sur "lecture". Les images défilaient devant moi, chaque scène me poignardant un peu plus. Je me sentais vaciller, mais je refusai de détourner le regard. Quand la vidéo se termina, je levai les yeux vers Jordan, cherchant une réponse, un espoir, quelque chose qui pourrait atténuer l’horreur que je venais de vivre.

« Tu penses vraiment que c’était moi, là-dedans ? » murmurai-je, ma voix à peine audible.

Jordan détourna les yeux, incapable de me regarder. Ce silence me tua. « Réponds-moi, Jordan ! » insistai-je, le suppliant presque.

Il resta muet, et cette absence de réponse fut la goutte de trop. La colère et la douleur se mêlèrent dans un tourbillon insupportable. « Putain, regarde-moi ! » hurlai-je, avant d'arracher la partie supérieure de ma robe, dévoilant la cicatrice qui marquait mon ventre. « Regarde ce qu’ils m’ont fait, Jordan ! Regarde cette putain de cicatrice et ose me dire que je suis celle de cette vidéo ! »

Jordan fixait la cicatrice, ses yeux s’agrandissant de stupeur. Il sembla vaciller, ses mains tremblant légèrement alors qu'il faisait un pas vers moi. « Orane… » Sa voix n’était plus qu’un murmure, son regard rivé sur ma blessure, comme s’il réalisait pour la première fois l’ampleur de ce que j’avais traversé.

Je sentis une larme rouler sur ma joue. « Dis-le, Jordan. Dis-moi que tu ne m’aimes plus, et je te laisserai tranquille. » Ma voix était un mélange de défi et de supplication.

Il se rapprocha de moi, son souffle chaud contre ma peau, ses lèvres frôlant les miennes sans jamais les toucher. Je pouvais sentir son indécision, sa lutte intérieure.

« Dis-le, » répétai-je, mais il resta silencieux, ses yeux verrouillés sur les miens, cherchant désespérément à comprendre ce qu’il devait faire.

Enfin, il se pencha un peu plus, jusqu'à ce que nos lèvres se touchent à peine, formant une caresse imperceptible. Il ferma les yeux, ses mains venant se poser contre le mur de chaque côté de mon visage, m’enfermant dans son étreinte sans me toucher vraiment. Sa lutte intérieure était palpable, chaque muscle de son corps tendu dans un effort pour ne pas céder à la tentation.

Je ne pouvais plus retenir mes larmes. Elles coulaient librement sur mes joues, imprégnant sa chemise alors que je glissai mes mains sur son torse, ressentant la chaleur de son corps sous mes doigts. Mon cœur battait à tout rompre, partagé entre la douleur et l’espoir.

« Jordan… » murmurai-je, ma voix étranglée par l’émotion.

Il ouvrit les yeux, rencontrant les miens. Nous restons ainsi, nos regards accrochés, comme suspendus dans le temps. L’espace entre nous semblait se réduire à néant, mais nous n’avancions pas, chacun figé par la peur de ce qui pourrait arriver si l’on osait franchir cette dernière barrière.

Jordan leva lentement une main et l’amena à mon visage, essuyant mes larmes avec une tendresse infinie. Il me regardait comme s’il me redécouvrait, comme s’il réalisait enfin tout ce que nous avions perdu.

Mais malgré cette douceur, je pouvais encore percevoir la lutte en lui, la bataille qu'il menait contre ses propres émotions. Je le connaissais suffisamment bien pour comprendre qu'il cherchait désespérément à se protéger, à ne pas se laisser emporter par ce qu'il ressentait. Mais l’intensité de ce moment, cette proximité qui avait toujours existé entre nous, faisait craquer ses défenses une à une.

Enfin, après ce qui sembla être une éternité, il murmura, presque inaudible, « Je suis désolé, Orane... Je suis tellement désolé. »

C’était tout ce que j'avais besoin d'entendre. Même s'il ne le disait pas directement, ses mots, son regard, tout en lui criait qu’il m'aimait encore et cela me suffisait.

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