Son absence

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POV Jordan :

Le bureau de campagne était baigné dans une lumière tamisée, les stores partiellement baissés pour dissimuler l'agitation extérieure. Seuls quelques collaborateurs travaillaient encore, le reste du personnel étant parti pour la nuit. L'atmosphère pesante du bureau faisait écho à celle qui régnait en moi. Depuis que nous avions décidé, Orane et moi, de faire une pause, un vide s'était installé, oppressant et omniprésent. Je ne pouvais m'empêcher de repenser sans cesse à notre dispute, aux mots échangés sous le coup de l'émotion. C'était comme une blessure ouverte qui ne cessait de se raviver.

Le souvenir de ce baiser entre Nolwenn et moi continuait de hanter mes pensées. Ce baiser n'avait été qu'un accident, une manœuvre publique imprévue que je n'avais pas su gérer correctement. Et pourtant, l'image persistait, alimentant mes regrets. Je me reprochais de n'avoir pas su réagir, de ne pas avoir mis un terme à cette scène embarrassante. Je comprenais la douleur d'Orane, cette sensation d'être trahie en public, et cela me rongeait de l'intérieur.

Alors que je plongeais dans ces pensées sombres, Nolwenn fit irruption dans le bureau. Sa démarche était fluide, presque silencieuse, une grâce qui la caractérisait depuis toujours. Elle referma la porte derrière elle et s'avança lentement, un sourire énigmatique aux lèvres.

"Salut, Jordan," murmura-t-elle, sa voix douce brisant le silence de la pièce. Elle s'arrêta juste à côté de moi, ses yeux scrutant mon visage avec une intensité qui me mit mal à l'aise. "Tu sembles ailleurs. Quelque chose ne va pas ?"

Je tentai de masquer mon malaise, de cacher l'agitation qui bouillonnait en moi.

"Rien de particulier," répondis-je, évasif, les yeux fixés sur les documents éparpillés sur mon bureau. "Juste les préparatifs de la campagne, comme d'habitude."

Nolwenn se pencha légèrement, sa main effleurant mon épaule dans un geste qui se voulait réconfortant, mais que je trouvai déplacé.

"Tu ne peux pas me mentir, tu sais," dit-elle, un sourire charmeur flottant sur ses lèvres. "Je te connais trop bien pour ça." Elle s'assit sur le bord du bureau, adoptant une posture délibérément provocante, ses jambes croisées révélant une assurance troublante. "On dirait que quelque chose te pèse. Tu veux en parler ?"

Je levai les yeux vers elle, incertain de la manière de gérer la situation. Nolwenn avait toujours eu ce talent pour lire entre les lignes, pour deviner ce que les autres pensaient. "Il y a juste... beaucoup de choses à gérer," dis-je enfin, cherchant mes mots. "La campagne est stressante, c'est tout."

Elle haussa un sourcil, un éclat curieux dans le regard. "C'est tout ? Parce que je me souviens d'une époque où nous pouvions tout nous dire, où il n'y avait aucun secret entre nous." Elle se pencha un peu plus, rapprochant dangereusement son visage du mien. "Tu te souviens de ces moments, n'est-ce pas ?"

Je me reculais instinctivement, essayant de mettre de la distance entre nous. "Ce n'est plus pareil maintenant," répliquai-je, tentant de garder un ton neutre. "Les choses ont changé, Nolwenn."

Elle esquissa un sourire malin, son regard se faisant plus intense. "Vraiment ? Parce que, de ce que j'ai vu, certaines choses ne changent pas. Comme cette étincelle entre nous, par exemple." Elle se leva et fit lentement le tour du bureau, posant une main légère sur ma chaise. "Jordan, tu ne peux pas nier qu'il y a encore quelque chose entre nous. Ce baiser... tu ne l'as pas repoussé."

Je serrai les dents, essayant de contrôler la colère qui montait en moi. "Ce baiser était une erreur," déclarai-je avec fermeté.

"Je ne savais pas que tu allais faire ça, et je n'ai pas réagi comme j'aurais dû. Mais ça ne veut rien dire. Ce qui compte pour moi, c'est le présent, pas le passé."

Nolwenn resta silencieuse un instant, comme si elle pesait mes mots. Puis, elle posa doucement sa main sur mon bras, son contact brûlant. "Le présent, dis-tu ? Pourtant, tu sembles si tendu, si distant. Peut-être que c'est à cause de... quelqu'un d'autre ?" Elle sourit, une expression mi-amusée, mi-sérieuse, éclairant son visage. "Orane, par exemple ?"

Je retirai mon bras de son emprise, essayant de me contenir. Nolwenn n'était pas au courant de la pause que nous avions prise, et il était hors de question de lui en parler. "C'est compliqué," murmurai-je finalement. "Mais ce qui est sûr, c'est que je ne ressens plus rien pour toi, Nolwenn."

Elle plissa les yeux, son sourire s'effaçant légèrement. "Vraiment ? Parce que de là où je me tiens, tu sembles encore indécis." Elle s'approcha encore, si près que je pouvais sentir son souffle sur ma peau. "Et si je te disais que je suis toujours là pour toi, que je n'ai jamais cessé de t'aimer ?"

Ses paroles me frappèrent comme une gifle. Le poids de son aveu, cette confession soudaine, me déstabilisa. Je cherchai les mots, essayant de rassembler mes pensées. "Je... Je ne savais pas que tu ressentais encore ça," balbutiai-je, pris au dépourvu.

Elle sourit de nouveau, cette fois avec une lueur de triomphe dans les yeux. "Eh bien, maintenant tu le sais. Et peut-être qu'il est temps pour toi de réfléchir à ce que tu veux vraiment. Parce que je suis ici, prête à te soutenir, à être à tes côtés." Elle recula enfin, ses doigts glissant doucement de mon bras. "Réfléchis-y, Jordan. Tu sais où me trouver."

Avec ces derniers mots, elle tourna les talons et quitta le bureau, laissant derrière elle un parfum enivrant et une confusion totale. Je me retrouvai seul, le cœur lourd, l'esprit en ébullition. Nolwenn venait de jeter une nouvelle pierre dans l'étang déjà agité de mes sentiments. Orane me manquait cruellement, et pourtant, cette déclaration de Nolwenn venait compliquer encore plus la situation.

Assis là, dans le silence redevenu oppressant du bureau, je réalisai combien tout était devenu confus. Les enjeux politiques, les sentiments personnels, les vieilles amitiés et les nouvelles relations... tout se mélangeait dans un chaos déroutant. Une chose était sûre : j'avais besoin de clarté, de temps pour comprendre ce que je ressentais vraiment, pour savoir où je voulais aller et avec qui. Mais pour l'instant, tout ce que je pouvais faire, c'était attendre et espérer que cette pause avec Orane nous apporterait les réponses que nous cherchions tous les deux.

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