prendre les devants

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POV Jordan :

Je n'avais pas cessé de penser à elle depuis cet instant dans son bureau. Ce qui s'était passé entre nous... ou plutôt, ce qui ne s'était pas passé. Tout ce que je ressentais était resté en suspens, comme un fil tendu qui n'attendait qu'un faux mouvement pour se rompre. Je ne pouvais plus continuer ainsi, à prétendre que tout allait bien, à faire comme si rien n'avait changé.

Quelques jours avaient passé, mais chaque seconde semblait rallonger cette distance entre nous, creusant davantage un fossé que je n'avais pas la force de supporter. L'idée de la revoir me hantait. Je savais que nous ne pouvions pas continuer à jouer ce jeu. Il fallait que l'un de nous prenne les devants, que l'un de nous brise cette façade, et je savais que ce serait moi.

Je me tenais là, devant la porte de son bureau, la main presque tremblante sur la poignée. Ce matin, je n'avais pas attendu qu'une opportunité se présente. J'avais pris cette décision en me levant, avec la conviction que cette journée ne se terminerait pas comme toutes les autres. Il était temps que l'on arrête de se cacher derrière des prétextes, que l'on cesse de prétendre que cette distance était encore nécessaire. Nous avions eu le temps de guérir, ou du moins, nous l'avions cru.

Je poussai la porte, sans frapper. Orane leva les yeux, surprise de me voir là sans prévenir. Elle portait ce pantalon large plissé gris que j'avais remarqué plus d'une fois, avec un haut blanc qui accentuait la douceur de son teint. Pourtant, c'était son regard qui captait toute mon attention, ce mélange d'étonnement et de quelque chose d'autre que je connaissais trop bien.

« Jordan, tu... » commença-t-elle, mais sa voix se perdit dans le silence tendu qui régnait dans la pièce. Elle n'eut pas besoin de finir sa phrase pour que je comprenne qu'elle avait deviné. Quelque chose dans l'air, dans notre proximité immédiate, révélait ce qui allait suivre.

Je refermai la porte derrière moi, doucement, mais fermement, comme pour couper tout lien avec l'extérieur. Je ne voulais pas d'interruption, pas cette fois. Le silence s'étira encore, pesant, électrique. Je fis un pas en avant, puis un autre, jusqu'à ce que nos respirations soient si proches qu'elles se mélangent presque.

« On ne peut pas continuer comme ça, Orane. » Ma voix était basse, grave, chargée de cette tension que je tentais de contenir. « Ça fait des jours que je me bats contre ça, contre ce que je ressens pour toi. Je ne peux plus faire semblant. Pas après ce qui s'est passé. »

Elle resta silencieuse, mais je voyais dans ses yeux qu'elle comprenait, qu'elle ressentait la même chose. Ce n'était pas seulement de la nostalgie ou du désir. C'était ce lien entre nous, ce lien que nous avions cru pouvoir briser, mais qui s'était montré bien plus résistant que nos résolutions.

Je m'approchai encore, nos corps presque en contact. Ma main se leva, hésitante, avant de venir se poser doucement sur son bras, puis glissa jusqu'à sa taille. Le simple fait de la toucher fit naître une chaleur intense en moi, un rappel douloureux de ce que j'avais perdu, mais aussi de ce que je n'étais plus prêt à laisser filer.

« Tu sais aussi bien que moi qu'on s'est trompés, » continuai-je, ma voix se faisant plus douce, mais aussi plus intense. « La distance qu'on a mise entre nous... c'était nécessaire à l'époque. On avait besoin de se retrouver chacun de notre côté, de guérir après ce qu'on a vécu. Mais aujourd'hui... » Je m'arrêtai, cherchant mes mots, avant de croiser de nouveau son regard. « Aujourd'hui, cette distance, elle ne fait que raviver ce que je croyais avoir éteint. »

Orane sembla lutter contre elle-même, ses lèvres se pressant l'une contre l'autre comme pour contenir ses émotions. Mais je pouvais voir que ce combat était vain. Elle aussi était au bord de céder, de laisser tomber cette façade qu'elle avait si bien construite.

« Jordan... » murmura-t-elle finalement, sa voix à peine plus qu'un souffle. « Je... Je ne sais pas si... »

Je la coupai en secouant doucement la tête, mes doigts serrant un peu plus sa taille. « Si tu m'aimes encore, » dis-je, sentant cette vérité s'imposer entre nous comme une évidence, « alors il n'y a plus rien à dire. »

Et avant qu'elle ne puisse réagir, avant que le doute ou la peur ne puissent nous rattraper, je l'attirai contre moi et l'embrassai. Ce n'était pas un baiser doux ou hésitant. C'était un baiser chargé de tout ce que j'avais refoulé, de toute cette frustration, ce désir, cette affection que je n'avais jamais réussi à enterrer. Je sentis ses mains glisser autour de ma nuque, répondant avec la même intensité, comme si elle avait attendu ce moment autant que moi.

L'air semblait vibrer autour de nous, chaque fibre de mon être était tendue, brûlante de ce contact. Nos lèvres se cherchaient, se trouvaient, nos corps pressés l'un contre l'autre comme si nous ne pouvions plus supporter cette distance qui avait tant duré. Mais alors que la passion menaçait de nous emporter, je sentis un besoin urgent de faire une pause, de reprendre le contrôle.

Je reculai légèrement, haletant, nos fronts collés l'un à l'autre, nos souffles se mêlant encore. « Orane, » soufflai-je, les yeux fermés pour mieux savourer ce moment, « on doit en parler. »

Elle acquiesça, son regard brillant d'une émotion que je ne voyais que rarement chez elle. « Je sais... » murmura-t-elle, ses doigts jouant encore dans ma nuque. « Cette distance... Elle m'a fait du bien, mais elle m'a aussi rappelé à quel point je tiens à toi. »

Je pris une profonde inspiration, sentant la gravité du moment peser sur mes épaules. « Moi aussi, » dis-je, ouvrant enfin les yeux pour croiser les siens. « Je crois... non, je sais que je suis encore amoureux de toi, Orane. Peut-être que je ne l'ai jamais vraiment cessé de l'être. Mais je ne veux plus fuir, ni me cacher derrière des excuses. Je veux qu'on prenne le temps de parler, de comprendre ce qu'on veut vraiment. »

Elle hocha la tête, son expression adoucie par un mélange de résignation et de détermination. « On en a besoin, Jordan. On doit se retrouver, comprendre ce que nous sommes devenus après tout ça. »

« Alors, retrouvons-nous après le travail, » proposai-je, mon cœur battant à tout rompre. « Prenons le temps qu'il faut, dans un endroit où personne ne viendra nous déranger. Juste toi et moi. »

Elle me regarda longuement, comme si elle pesait le pour et le contre, puis sourit, un sourire qui semblait contenir à la fois du soulagement et une lueur d'espoir. « D'accord. Ce soir. »

Je relâchai enfin son corps, à contrecœur, sachant que cette décision était la meilleure que nous puissions prendre. La tension entre nous ne s'était pas dissipée, loin de là, mais elle était maintenant teintée d'une promesse, d'une volonté commune de ne plus laisser le passé dicter notre avenir.

En quittant son bureau, je savais que quelque chose avait changé. Ce que nous avions commencé, nous allions le poursuivre, ensemble, avec toute l'honnêteté et l'intensité que nous avions toujours partagées. Le chemin ne serait pas facile, mais pour la première fois depuis longtemps, je sentais que nous étions prêts à l'affronter, main dans la main.

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