Sans Traces

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Pov Jordan :

Un an. Douze mois interminables, où chaque jour qui passait me rapprochait un peu plus du désespoir. Au début, j'avais tenu bon. J'avais cru, vraiment cru, qu'Orane serait retrouvée, qu'elle reviendrait. Mais les jours s'étaient transformés en semaines, puis en mois. L'espoir, autrefois un feu ardent, n'était plus qu'une lueur vacillante au fond de moi, prête à s'éteindre à tout instant.

Les agents, autrefois si déterminés, avaient peu à peu commencé à perdre foi. Leur engagement, initialement sans faille, s'était lentement étiolé. Ils avaient parcouru toutes les pistes possibles, interrogé chaque témoin potentiel, exploré chaque recoin de la France et bien au-delà, mais sans le moindre résultat. Un an après sa disparition, ils en étaient venus à la conclusion que leur mission avait atteint un point mort.

Un jour, Gabriel m'a convoqué à Matignon. Je sentais ce qu'il allait m'annoncer avant même qu'il ne prononce un mot. Son visage était grave, empreint de cette résignation que j'avais appris à détester chez les autres. Il m'expliqua, d'un ton empreint de compassion, que les ressources consacrées à la recherche d'Orane allaient être réduites. "Nous devons être réalistes, Jordan," m'avait-il dit, ses mots pesant lourdement dans l'air. "Cela fait un an, et nous n'avons aucune nouvelle piste. Les effectifs sur l'enquête vont être diminués. Mais cela ne veut pas dire que nous abandonnons."

Je n'avais pas répondu tout de suite, le poids de ses paroles s'abattant sur moi comme un couperet. Les mots flottaient dans l'air, vides, creux, n'apportant aucun réconfort. "Ne pas abandonner", disait-il, mais en réalité, c'était tout comme. C'était une façon diplomatique de dire que tout le monde avait déjà abandonné. Gabriel, les agents, le gouvernement... et moi ? M'étais-je déjà résigné sans m'en rendre compte ? Je n'étais plus sûr de rien.

En quittant Matignon, un tourbillon d'émotions contradictoires m'envahit. J'avais toujours été le pilier, celui qui croyait encore quand tous les autres perdaient espoir. Mais là, je me demandais si je devais simplement accepter cette réalité, aussi brutale soit-elle. Peut-être étais-je en train de me mentir à moi-même, de m'accrocher à un fil inexistant. Après tout, un an sans la moindre trace, sans le moindre indice... Peut-être que le moment était venu d'accepter l'inacceptable.

Je rentrai chez moi, ce qui autrefois était notre refuge, mais qui était devenu un tombeau silencieux empli de souvenirs. Chaque coin de cette maison me rappelait Orane. Son rire, son parfum, ses livres encore ouverts, comme si elle allait revenir les terminer. Je me surpris à m'arrêter devant ces petites choses, des détails insignifiants pour quiconque d'autre, mais qui pour moi représentaient tout un monde, notre monde. Et ce monde, je l'avais perdu.

Les questions ne cessaient de tourner en boucle dans mon esprit. Que devais-je faire ? Continuer à me battre contre cette absence qui me dévorait, ou me résoudre à l'accepter, à vivre avec ce vide ? Mais comment vivre avec ça ? Comment vivre en sachant que peut-être, elle était encore quelque part, vivante, attendant que je la retrouve ? Et si j'abandonnais, ne serais-je pas en train de la trahir, de la condamner une seconde fois ?

Cette nuit-là, le sommeil me fuyait, comme souvent ces derniers mois. Je restais allongé, fixant le plafond, écoutant le silence pesant qui régnait dans la maison. Une partie de moi savait que la décision des agents était probablement la bonne, rationnellement parlant. Mais l'autre partie, celle qui avait partagé sa vie avec Orane, celle qui avait connu chaque recoin de son être, cette partie refusait d'accepter ce verdict. Elle criait en moi, me poussant à ne pas lâcher, à continuer à chercher, même seul, même contre toute logique.

Mais je ne pouvais nier que l'épuisement me rattrapait. Cette année de recherches infructueuses avait laissé des traces, profondes, indélébiles. Mon corps était là, mais mon esprit, lui, semblait à mille lieues, perdu entre le passé et une réalité trop douloureuse à affronter.

Alors, devais-je abandonner ? Devais-je tourner la page, essayer de reconstruire une vie qui, sans elle, n'avait plus vraiment de sens ? Je n'avais pas encore la réponse. Peut-être que je ne l'aurais jamais. Tout ce que je savais, c'est que l'espoir, aussi ténu soit-il, était une drogue dont je ne pouvais me défaire. Mais combien de temps encore pouvais-je survivre ainsi, accroché à ce fil si mince, prêt à rompre à tout instant ?

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