Téléphone

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Les jours qui suivirent la réunion furent un tourbillon de confusion et de sentiments contradictoires. Malgré mes efforts pour me concentrer sur la campagne de Gabriel, je n'arrivais pas à chasser Jordan de mes pensées. Son regard froid, la manière dont il m'avait traitée... Tout cela me hantait. J'essayais de me convaincre que c'était mieux ainsi, que notre histoire était définitivement terminée, mais chaque rencontre fortuite avec lui ravivait cette flamme vacillante que je n'arrivais pas à éteindre.

Aujourd'hui, un nouveau défi nous attendait : le débat télévisé. Gabriel s'y préparait depuis des jours, et j'avais tout fait pour l'aider au mieux, espérant que m'investir pleinement dans ce projet m'éloignerait de mes pensées obsédantes. Mais, au fond de moi, je savais que ce serait impossible. Jordan serait là, sur le plateau, à quelques mètres de moi, et je n'étais pas sûre de pouvoir supporter sa présence sans que mes émotions ne débordent.

Le débat débuta comme prévu. Gabriel et Jordan, chacun dans son rôle, défendaient leurs convictions avec passion et détermination. J'observais Gabriel, impressionnée par sa prestance et son éloquence, mais mon esprit ne cessait de dériver vers Jordan. Chaque mot qu'il prononçait me rappelait la force et la détermination qui m'avaient autrefois séduite. Mais ces qualités, que j'admirais tant chez lui, étaient maintenant tournées contre tout ce en quoi je croyais. C'était comme s'il était devenu l'incarnation de tout ce que je devais combattre, et cette réalité me déchirait.

Lorsque le débat prit fin, je m'empressai de quitter la salle, essayant de m'éclipser avant que nos chemins ne se croisent. Mais la foule était dense, et malgré mes efforts pour passer inaperçue, je sentais sa présence dans la pièce. C'était comme un aimant, une force irrésistible qui me tirait vers lui, même si je savais que cela ne ferait que raviver ma douleur.

Je m'engageai dans un couloir, les yeux rivés sur mon téléphone, tentant désespérément de me distraire avec les notifications et les messages de l'équipe. Je voulais éviter toute confrontation, éviter de croiser son regard une fois de plus. Mais, dans mon empressement, je ne fis pas attention à ce qui se passait autour de moi, et soudain, je le heurtai de plein fouet.

Le choc fut brutal, assez pour que mon téléphone m'échappe des mains et tombe lourdement au sol. La panique monta en moi alors que je levais les yeux, et mon cœur s'arrêta en reconnaissant Jordan. Son expression montrait la même surprise que la mienne, et, instinctivement, nous nous penchons tous les deux pour ramasser mon téléphone.

Nos mains se touchèrent. Ce simple contact, si anodin, provoqua en moi une réaction que je ne pouvais pas contrôler. Une décharge d'émotion parcourut tout mon corps, me ramenant à une époque où ces gestes étaient naturels, chargés de tendresse et de complicité. Ce moment suspendu, où nos doigts s'effleuraient, me fit réaliser à quel point il me manquait, à quel point cette proximité, même infime, me réchauffait le cœur.

Jordan aussi sembla troublé. Ses yeux, dans lesquels je me plongeais autrefois avec tant d'amour, étaient maintenant emplis de confusion et d'une douleur palpable. Pour un instant, il sembla sur le point de dire quelque chose, mais il se ravisa, son visage se fermant brusquement.

Il se redressa d'un coup, retirant sa main comme si elle était brûlante, et son expression se durcit. « Fais attention où tu marches, » dit-il d'une voix glaciale, presque accusatrice.

Ses mots furent comme un coup de poignard. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Pourquoi cette agressivité, ce rejet ? Mon cœur se serra, et je sentis les larmes me monter aux yeux, mais je les refoulai avec force. Il ne devait pas voir à quel point il me blessait. Je m'apprêtai à m'excuser, à lui dire que ce n'était rien, que je n'avais pas fait exprès, mais avant que je puisse dire quoi que ce soit, il parla de nouveau, et cette fois, sa voix était différente, plus douce, presque contrite.

« Désolé, » murmura-t-il, évitant mon regard comme s'il avait honte. « Je ne voulais pas être brusque. C'était un accident, c'est tout. »

Il y avait une telle lutte dans ses yeux, une bataille entre ce qu'il ressentait vraiment et ce qu'il voulait montrer. Sa façade de froideur était percée par des éclats de vulnérabilité, et cela me troubla encore plus. Pourquoi était-il aussi distant, aussi... différent ? Nous avions partagé tant de choses, tant d'émotions, et maintenant, il se tenait là, comme un étranger, me repoussant à chaque fois que je tentais de m'approcher.

Je ramassai enfin mon téléphone, évitant soigneusement de le toucher à nouveau. « Ce n'est rien, » répondis-je d'une voix faible, presque un murmure. « C'est moi qui suis désolée. »

Le silence qui suivit fut lourd, oppressant. Nous restions là, incapables de nous parler, de nous regarder vraiment, comme si un gouffre s'était creusé entre nous. Un gouffre rempli de non-dits, de blessures non cicatrisées. Je pouvais sentir mon cœur battre à tout rompre, et mes joues chauffaient sous l'embarras. J'avais envie de fuir, de m'éloigner de cette situation intenable, mais en même temps, je voulais désespérément rester, trouver un moyen de briser cette barrière invisible.

Jordan fit un pas en arrière, créant une distance physique qui faisait écho à la distance émotionnelle entre nous. « Fais juste attention la prochaine fois, » dit-il, sa voix redevenue neutre, presque indifférente.

Je hochai la tête, n'ayant plus la force de répondre. Je sentais mon cœur se briser un peu plus à chaque mot, à chaque instant qui passait sans que je puisse le retenir. Le voir s'éloigner, se refermer sur lui-même, était insupportable, mais je savais qu'il n'y avait rien que je puisse faire. Pas maintenant. Pas comme ça.

Il finit par se détourner, mettant un terme à ce moment suspendu. Je le regardai partir, chaque pas qu'il faisait résonnant comme un coup de marteau sur ma poitrine. Je me sentais vide, anéantie par cette rencontre qui n'avait fait que raviver ma douleur. Je restai là, seule dans ce couloir, incapable de bouger, me demandant si nous étions condamnés à rester ainsi, à nous croiser sans jamais vraiment nous retrouver.

Le poids des non-dits et des émotions réprimées m'écrasait, et je me demandais comment nous avions pu en arriver là. Comment une relation aussi forte avait-elle pu se transformer en cette distance insupportable ? Quand il disparut au bout du couloir, je sentis un vide immense m'envahir. J'étais comme une étrangère dans ma propre vie, perdue entre le passé et le présent, incapable de voir un avenir où nous serions autre chose que deux âmes blessées, séparées par une mer de regrets.

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