Seule

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J'étais revenue, mais je n'avais jamais été aussi seule. Les murs de cet appartement m'étouffaient désormais. Chaque jour, je m'efforçais de croire que tout cela était terminé, que j'avais échappé à cet enfer qui m'avait si longtemps retenue captive. Pourtant, quelque chose continuait de me hanter, une ombre insidieuse qui s'accrochait à moi, invisible mais inéluctable. C'était comme une chaîne que je ne pouvais pas briser, un rappel constant de ce que j'avais enduré, de ce qui avait laissé une marque indélébile en moi. Je pouvais sentir son emprise partout, dans chaque recoin de mon esprit, dans chaque silence de la nuit, dans chaque ombre qui semblait se glisser autour de moi.

Jordan... Son nom était devenu mon unique ancre, la seule chose à laquelle je pouvais me raccrocher pour ne pas sombrer. Dans mes rêves, dans mes cauchemars, je l'appelais, je l'implorais de me sauver, de me sortir de ce labyrinthe de terreur qui s'enroulait autour de moi. Pourtant, même là, il restait insaisissable, un fantôme que je ne pouvais atteindre. Sa présence, si vitale, était comme un mirage qui se dérobait à chaque fois que je tentais de l'attraper. Ce soir-là, les cauchemars étaient particulièrement violents, plus sombres et plus douloureux que jamais. Je me débattais contre des souvenirs qui refusaient de s'effacer, contre des images de mains qui me retenaient, de visages qui m'effrayaient et me tourmentaient. Leurs rires cruels résonnaient dans ma tête, et je pouvais presque sentir leurs doigts glacés sur ma peau, m'enserrant, m'étouffant.

Je me suis réveillée en sursaut, le corps tremblant, la peau glacée par la sueur. Mon souffle était court, haché, et la panique s'était emparée de moi avec une violence inouïe. Je pouvais encore sentir la terreur brûler dans mes veines, comme si je n'avais pas vraiment quitté le cauchemar. Sans réfléchir, j'ai crié son nom, un appel désespéré, instinctif.

"Jordan, Jordan, où es-tu ?"

Ma voix résonnait dans le silence oppressant de l'appartement, mais seule une absence écrasante me répondit, me laissant seule avec ma peur. Le silence n’était plus seulement un vide sonore, mais une entité tangible qui semblait m’engloutir, me rappeler que j’étais seule, perdue dans ce gouffre sans fond.

Je ne pouvais pas rester là, allongée, à attendre que la peur se dissipe d'elle-même, à tenter de convaincre mon esprit que ce n'était qu'un rêve. C'était trop réel, trop présent, et l'angoisse montait en moi comme une marée noire. J'ai bondi du lit, encore engluée dans les restes du cauchemar, et je me suis mise à chercher Jordan dans l'appartement, comme une folle. Chaque pièce, chaque recoin, je les ai parcourus avec une frénésie que je ne maîtrisais pas, comme si en le trouvant, je pouvais mettre fin à cette spirale de terreur qui me dévorait. Mais il n'était nulle part. Chaque espace vide, chaque absence, frappait encore et encore la même vérité implacable : il n'était pas là. Il n'était plus là. Je l'avais perdu, tout comme j'avais perdu tout le reste.

Et alors, tout a basculé. La rage, la douleur, le désespoir ont explosé en moi, un torrent incontrôlable qui m’a submergée. C’était comme si un barrage avait cédé, libérant des mois, des années d’angoisse et de souffrance refoulées. J'ai commencé à tout faire voler en éclats autour de moi, à renverser les meubles, à briser tout ce que je trouvais sur mon passage. Les objets se fracassaient au sol, mais cela ne suffisait pas. Rien ne suffisait à faire taire le hurlement qui résonnait dans ma tête, à apaiser la douleur qui brûlait dans mon cœur. C'était comme si je tentais de me libérer, de faire sortir cette douleur, cette colère, cette peur qui me dévorait de l'intérieur, mais rien n'y faisait. Le vide en moi ne faisait que grandir, me laissant plus dévastée à chaque objet brisé, à chaque cri que j'étouffais.

Le bruit de mon effondrement a alerté les agents postés à l'extérieur, ceux qui étaient là pour veiller sur moi, pour m'assurer que je ne retomberais pas dans les griffes de mes cauchemars. En quelques instants, ils étaient là, dans l'appartement, prêts à me protéger de je ne sais quelle menace. Mais il n'y avait aucune menace. Il n'y avait que moi, accroupie au milieu des débris, le visage ravagé par les larmes, tremblante de tout mon être, implorant de voir Jordan, suppliant qu'on le fasse venir. Je les regardais, ces agents, avec une détresse que je n'avais plus la force de dissimuler. Mais ils ne pouvaient rien pour moi. Leurs regards, empreints de compassion, ne faisaient qu'aggraver ma solitude. Ils ne pouvaient pas ramener Jordan, pas plus qu'ils ne pouvaient effacer ce que j'avais vécu. Ils étaient impuissants, tout comme moi.

Après un long moment où la douleur m'a semblé infinie, où le temps s'était comme figé autour de moi, je suis retournée dans mon lit, les jambes lourdes, le cœur en morceaux. Je m'y suis allongée, incapable de trouver le moindre réconfort, la moindre chaleur qui pourrait apaiser ce froid qui me glaçait jusqu'aux os. Le sommeil me fuyait, comme une punition supplémentaire, et je restais là, dans l'obscurité, à écouter les battements irréguliers de mon cœur. Tout ce que je ressentais, c'était ce vide immense, ce gouffre qui menaçait de m'engloutir à chaque seconde. J'étais revenue, oui, mais je n'étais plus la même. J'étais une étrangère dans ma propre vie, une âme errante qui ne trouvait plus sa place nulle part.

Et dans cette nuit froide et sans fin, alors que l'obscurité me tenait fermement, je me demandais si je retrouverais un jour celle que j'étais, ou si j'étais condamnée à rester perdue, à jamais. Les souvenirs, les ombres, et ce silence oppressant étaient tout ce qui me restait. Je fermai les yeux, espérant que le sommeil finisse par m’emporter, mais au fond de moi, je savais que même ce bref répit m’échapperait. Les cauchemars attendraient, tapis dans l’ombre, prêts à surgir à nouveau. Et moi, je resterais là, seule, à les affronter, encore et encore.

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